Parquet de Nice : des "encombrements" et des "priorités"


Droit


5 février 2019

S’il y a un métier qui ne connaît pas la crise, c’est bien celui de magistrat au parquet de Nice.

Avec 56 500 affaires nouvelles reçues l’an dernier, c’est un nouveau bond en avant de + 9 % qui a été franchi. Et cela "coince dans les tuyaux" puisque le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, a indiqué que "la situation des services du greffe n’a pas permis d’enregistrer environ 8 000 procédures" l’année dernière. "Hormis les dossiers les plus graves et ceux traités immédiatement par les permanences, il faut attendre plusieurs mois pour qu’une procédure arrive sur le bureau d’un magistrat" a déploré le patron du parquet niçois lors de l’audience de rentrée du TGI la semaine dernière. Il a analysé la situation lors de son réquisitoire. En voici les principaux points.

1. Les affaires complexes
"Il s’agit d’une tendance non pas quantitative statistique, mais qualitative, résultant de l’augmentation nouvelle et très nette du poids et de la complexité des dossiers à juger". L’an passé, le TGI a consacré une semaine
complète d’audience par mois à ces affaires alors que, précédemment, trois ou quatre dossiers seulement arrivaient devant la barre du tribunal. Des audiences "ordinaires" ont donc sauté, faute de magistrats et de fonctionnaires mobilisables et de... salles d’audience disponibles.

2. Un personnel mobilisé
"Je dirais que sur le papier, avec les moyens existants, cela ne pourrait pas marcher. Mais un mélange de bonne volonté, de solidarité et de sens du service public, la réorganisation du travail des équipes et de choix des priorités" ont permis de pallier des manques criants.

3. L’aide des avocats
S’adressant aux Bâtonniers Valentin Cesari et Martine Videau-Gilli, le procureur de Nice a estimé que la "contradiction est la condition même de toute véritable justice, qui n’a rien à voir avec le résultat d’un consensus négocié. J’ai noté avec une grande satisfaction en fin d’année 2018 votre action plus solide dans les permanences judiciaires, y compris pour les mineurs".
Mais les bonnes relations n’excluent pas la fermeté : le patron du parquet n’a pas hésité à activer la police pour faire dégager en décembre quelques Avocats qui voulaient cadenasser les grilles du palais de Justice pour protester contre la réforme...

4. Une évaluation annuelle

"Le parquet a effectué en octobre et novembre une démarche d’évaluation et d’amélioration de son organisation fonctionnelle et de ses priorités d’action publique pour fixer les orientations et projets. Il s’agissait de proposer des améliorations pour l’efficacité et la qualité des enquêtes, des dossiers, des décisions prises". Ci-dessous, les engagements pris.

5. Les stocks
Le parquet mettra en place des modalités de façon à résorber systématiquement les stocks des procédures accumulées dans "certains services d’enquête".

6. La numérisation
"Nous adresserons l’envoi par voie dématérialisée d’équivalents électroniques de procédure pour toutes les enquêtes à l’issue desquelles il est décidé d’un déferrement immédiat des mis en cause".

7. Radicalisation, terrorisme
Dans une ville meurtrie par l’attentat du 14 juillet 2016, la lutte contre la radicalisation violente et le terrorisme sont l’une des priorités du parquet niçois. Un travail qui est effectué par divers services de l’État, en relation avec les autorités préfectorales. Mais le
procureur n’en dira pas plus, la confidentialité étant en la matière garante de l’efficacité.

8. Lutte contre la corruption

2019 connaîtra une sensibilisation des professionnels assujettis aux déclarations de soupçons à Tracfin. Les contrôle de la régularité des marchés publics seront accentués. "Nous n’y sommes pas encore, il y a du pain sur la planche" a prévenu Jean-Michel Prêtre.

9. Projets divers

- Lutte contre les violences intra-familiales, avec un suivi immédiat des victimes qui n’est pas encore "mis en place de façon satisfaisante".
- Exécution des peines fermes par "la mise en place d’une recherche active des condamnés par les services de police". 650 peines de prison fermes sont prononcées à Nice chaque année.

Mineurs étrangers, sujet de préoccupation

L’activité pénale "est en baisse sensible, dans les mêmes proportions que le nombre des interpellations à la frontière. Les chiffres restent particulièrement considérables et ce phénomène ne peut que s’inscrire dans la durée. La protection et la prise en charge des mineurs non accompagnés est
devenue une activité très importante qui sature les possibilités d’accueil et d’hébergement du Conseil départemental".


Jean-Michel Chevalier