Poursuites pénales correctionnelles et transaction fiscale : du nouveau


Paroles d’expert


12 juin 2019

L’administration fiscale dispose notamment, parmi son arsenal législatif visant à fluidifier rapidement les impositions dues après une vérification générale de comptabilité ou un examen de situation fiscale personnelle, de la possibilité de transiger sur les pénalités.

Par Maître Christophe PELLOUX, Avocat au Barreau de Nice, Spécialiste en droit fiscal et droit douanier, Chargé d’enseignement à l’IUT de Nice-Sophia Antipolis

La transaction est un accord contractuel fixé entre l’administration fiscale et le contribuable vérifié en vue d’éteindre le litige dans l’intérêt de chacune des parties et de réduire le contentieux, tant l’administration que le contribuable ne pouvant ensuite saisir les tribunaux sur l’affaire transigée.

L’origine de cette procédure est civile, l’article 2044 du code civil disposant : "La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit."
Comment s’harmonise la procédure transactionnelle avec les poursuites pénales correctionnelles en matière de fraude fiscale ? L’administration fiscale vient de commenter la doctrine administrative (BOI-CTX-GCX-10-20-20190529) parue le 29 mai à ce sujet.

L’article L.251 du LPF dispose : "Lorsqu’une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu’elle prévoit et approbation de l’autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction ou les droits eux-mêmes.
Dans le cas où le contribuable refuse la transaction qui lui a été proposée par l’administration et porte ultérieurement le litige devant le tribunal compétent, celui-ci fixe le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l’impôt.
"

L’article L.247. 3° du LPF pose des limites au pouvoir transactionnel de l’administration. Il dispose à cette fin : "L’administration peut accorder sur la demande du contribuable ; 3° Par voie de transaction, une
atténuation d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas définitives. Les dispositions des 2° et 3° sont le cas échéant applicables s’agissant des sommes dues au titre de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 du code général des impôts
."

En conséquence de ce qui précède, seules les amendes fiscales ou majorations d’impôts peuvent être remises, à l’exclusion de l’imposition elle-même.

La doctrine administrative le confirme en précisant que "Les droits en principal (impôts directs) sont seulement susceptibles de faire l’objet d’une remise ou modération et ne peuvent donner lieu à une transaction."
Cela s’explique aisément du fait que l’impôt est voté tous les ans par les représentants de la Nation et, par voie indirecte, par le peuple lui-même et est en conséquence la volonté expresse de ce dernier. L’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose en effet que les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, "la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée".
À la différence des autres prélèvements obligatoires, l’impôt ne peut donc être établi et recouvré qu’en vertu d’un acte du pouvoir législatif, c’est-à-dire du Parlement. Or, en matière de poursuites pénales correctionnelles, l’article 15 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a encadré le pouvoir de transaction de l’administration fiscale en précisant que cette dernière ne peut transiger "lorsqu’elle envisage de mettre en mouvement l’action publique pour les infractions mentionnées au code général des impôts", l’administration ne pouvant logiquement accorder de remise des pénalités tout en poursuivant sur le plan pénal un comportement qui a fait l’objet d’une mesure gracieuse de sa part.

En résumé, aucune transaction fiscale possible quand l’administration envisageait des poursuites pénales correctionnelles. L’article 35 de la loi relative à la lutte contre la fraude du 28 octobre 2018 a récemment rétabli la possibilité pour l’administration de transiger, et ce quelles que soient les suites envisagées ou effectivement données sur le plan des poursuites pénales, revenant sur sa position antérieure à 2013.
Post-Scriptum

Par Maître Christophe PELLOUX, Avocat au Barreau de Nice, Spécialiste en droit fiscal et droit douanier, Chargé d’enseignement à l’IUT de Nice-Sophia Antipolis

La transaction est un accord contractuel fixé entre l’administration fiscale et le contribuable vérifié en vue d’éteindre le litige dans l’intérêt de chacune des parties et de réduire le contentieux, tant l’administration que le contribuable ne pouvant ensuite saisir les tribunaux sur l’affaire transigée.

L’origine de cette procédure est civile, l’article 2044 du code civil disposant : "La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit."
Comment s’harmonise la procédure transactionnelle avec les poursuites pénales correctionnelles en matière de fraude fiscale ? L’administration fiscale vient de commenter la doctrine administrative (BOI-CTX-GCX-10-20-20190529) parue le 29 mai à ce sujet.

L’article L.251 du LPF dispose : "Lorsqu’une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu’elle prévoit et approbation de l’autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction ou les droits eux-mêmes.
Dans le cas où le contribuable refuse la transaction qui lui a été proposée par l’administration et porte ultérieurement le litige devant le tribunal compétent, celui-ci fixe le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l’impôt.
"

L’article L.247. 3° du LPF pose des limites au pouvoir transactionnel de l’administration. Il dispose à cette fin : "L’administration peut accorder sur la demande du contribuable ; 3° Par voie de transaction, une
atténuation d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas définitives. Les dispositions des 2° et 3° sont le cas échéant applicables s’agissant des sommes dues au titre de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 du code général des impôts
."

En conséquence de ce qui précède, seules les amendes fiscales ou majorations d’impôts peuvent être remises, à l’exclusion de l’imposition elle-même.

La doctrine administrative le confirme en précisant que "Les droits en principal (impôts directs) sont seulement susceptibles de faire l’objet d’une remise ou modération et ne peuvent donner lieu à une transaction."
Cela s’explique aisément du fait que l’impôt est voté tous les ans par les représentants de la Nation et, par voie indirecte, par le peuple lui-même et est en conséquence la volonté expresse de ce dernier. L’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose en effet que les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, "la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée".
À la différence des autres prélèvements obligatoires, l’impôt ne peut donc être établi et recouvré qu’en vertu d’un acte du pouvoir législatif, c’est-à-dire du Parlement. Or, en matière de poursuites pénales correctionnelles, l’article 15 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a encadré le pouvoir de transaction de l’administration fiscale en précisant que cette dernière ne peut transiger "lorsqu’elle envisage de mettre en mouvement l’action publique pour les infractions mentionnées au code général des impôts", l’administration ne pouvant logiquement accorder de remise des pénalités tout en poursuivant sur le plan pénal un comportement qui a fait l’objet d’une mesure gracieuse de sa part.

En résumé, aucune transaction fiscale possible quand l’administration envisageait des poursuites pénales correctionnelles. L’article 35 de la loi relative à la lutte contre la fraude du 28 octobre 2018 a récemment rétabli la possibilité pour l’administration de transiger, et ce quelles que soient les suites envisagées ou effectivement données sur le plan des poursuites pénales, revenant sur sa position antérieure à 2013.


Valérie Noriega