Attention à l’abus de droit à but « principalement » fiscal


Finance


1er juillet 2019

La loi de finances pour 2019 étend la procédure d’abus de droit aux opérations ayant un motif « principalement fiscal », et non seulement « exclusivement » fiscal. Bref décryptage par Frédéric Thienpont, associé Walter France..

De quoi parle-t-on ? La procédure d’ abus de droit actuelle permet à l’administration d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit afin d’en restituer le véritable caractère. Sont visés les actes ayant un caractère fictif ainsi que les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif (notion d’exclusivement fiscal) que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés.

La loi de finances pour 2019 a introduit un nouveau dispositif, très commenté, élargissant la notion d’abus de droit par fraude à la loi permettant à l’administration d’écarter comme abusifs les montages ayant un but principalement fiscal.

Cette nouvelle procédure dite de « mini-abus de droit » ouvre la porte à toutes les interprétations possibles de la part de l’administration fiscale qui souhaiterait « retoquer » un montage. Avant, une entreprise ou une personne physique qui réalisait un montage avec, entre autres, un intérêt fiscal, avait des arguments pour contester un redressement fiscal. Avec cette nouvelle loi (article L. 64 A), il suffirait que le motif fiscal soit « principal » et non plus « exclusif » par rapport aux autres avantages de l’opération pour que celle-ci soit considérée comme un abus de droit.

Toute la question est : comment l’administration appréciera-t-elle si le montage a été réalisé dans un but « principalement » fiscal ? Seule la jurisprudence pourra donner des débuts de réponse.

Cette loi sera opérationnelle au 1er janvier 2021, pour les montages réalisés à partir du 1er janvier 2020. A noter : la charge de la preuve incombe à l’administration.

Comment se prémunir ?

Une solution est la procédure du rescrit fiscal : une personne qui envisage un montage ou une opération peut demander son avis à l’administration fiscale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération. Si celle-ci ne répond pas dans les six mois, cela ne vaut pas acceptation de la part de l’administration fiscale. Néanmoins, la procédure de « mini- abus de droit » ne sera pas applicable dans cette situation.

De leur côté, les conseils (avocats, fiscalistes, experts-comptables...) devront veiller à bien formaliser par écrit les recommandations qu’ils font à leurs clients concernant les objectifs de montages sensibles. En effet, ils peuvent désormais être inquiétés par l’administration fiscale, en tant que conseils, pour des schémas de fraude fiscale mis en place par leurs clients, et peuvent être passibles d’une amende de 10 000 euros minimum.


Valérie Noriega