UCEJAM : les manœuvres dilatoires et autres diableries qui retardent les procédures


Droit


12 décembre 2019

L’UCEJAM a organisé sa dernière formation de l’année sur le thème des manoeuvres dilatoires.

Tout - ou presque - est bon pour défendre un justiciable, amener le tribunal à trancher en sa faveur ou, à tout le moins, réduire autant que possible la peine encourue et les dommages et intérêts qui l’accompagnent. C’est justement de ce "presque" dont il a été question, lundi soir à la Faculté de droit et de Science politique de Nice, à l’occasion de la dernière formation de l’année pour les experts judiciaires de l’Ucejam.
Accueillis par le doyen Xavier Latour, qui s’est réjoui de constater la solidité et la richesse du partenariat entre la faculté et l’Ucejam, les experts ont donc planché sur les "manœuvres dilatoires" qui retardent volontairement les procédures.

Où est la frontière ?

"Manœuvres" et "dilatoire" : ce vocabulaire distingue des pratiques fréquentes, utilisées de façon plus ou moins avouable pour "jouer la montre", enliser un dossier et même parfois espérer la disparition de la partie adverse si par "bonheur" elle est âgée... Elles permettent aussi de faire annuler tout ou partie des pièces d’un dossier, et même de provoquer la remise en liberté d’un prévenu...
Cela s’est déjà vu. L’imagination des avocats est sans limite. La bonne foi des parties est souvent sujette à caution. Le juge doit se débrouiller pour dire le droit, en se faisant éclairer sur les aspects techniques par les experts judiciaires missionnés.

De gauche à droite, François Talon, le docteur Flipo, modérateur de cette soirée, Maître Estève, Jean-François Jacob et Alain Chemama, magistrat au TGI de Nice. (DR JMC)

Magistrat au TGI de Nice, ancien juge d’instruction, Alain Chemama a ouvert cette session en parlant de son expérience dans ces deux postes. Laissant de côté ce qui est frauduleux, il a parlé "du parcours du combattant" de la procédure pénale qui ne donne aucun droit à l’erreur faute de "conséquences terribles". Pour lui "la procédure est un moyen d’arriver à un but, la justice, c’est un moyen dont on peut user mais pas abuser".
Faire cesser la détention provisoire, faire durer des instructions pendant des années sont quelques-unes des "ruses" utilisées par les parties pour servir leurs intérêts.

Inventaire à la Prévert

Maître Véronique Estève, avocate au Barreau de Nice, a énuméré - pour le plaisir - quelques manœuvres qui ne demandent qu’à devenir dilatoires : "constitution tardive de l’avocat, demande d’aide juridictionnelle, communication tardive de pièces, envoi tardif des conclusions, indisponibilité du conseil, demande de récusation de l’expert, etc. Tout est bon pour demander un report que le juge peut parfois refuser, parfois pas...
Pour Maître Estève, le législateur veut accélérer et simplifier la procédure, le RPVA permettant par exemple d’aller plus vite dans la transmission des pièces entre personnes de... bonne volonté. Idem avec les modes alternatifs de règlement des différends, sensés désengorger les tribunaux.

Jean-François Jacob, expert, a lui aussi évoqué les ficelles pour obtenir un renvoi : "Pour le civil et l’administratif, on transmet par exemple un dossier de 3 000 pages totalement inutiles à l’expert pour le noyer sous la paperasse. Ou alors on évoque une fuite d’eau dans le sous-sol, qui a par malchance inondé le dossier, ce qui ne permet pas la transmission d’une pièce essentielle. C’est fou le nombre de fuites qu’il y a dans les sous-sols des habitations dans les Alpes-Maritimes et le Var !".
Personne n’est dupe, mais il faut croire que la nature humaine est ainsi faite...
Tandis que le docteur Bernard Flipo "modérait" les interventions, le président de l’Ucejam François Talon, s’est félicité de la qualité de cette dernière formation de l’année avant d’inviter l’assistance à un cocktail dilatoire, euh non, dînatoire et amical.


Jean-Michel Chevalier