Grasse : audience solennelle de rentrée au TGI


Droit


26 janvier 2012

Monsieur Jean-Michel Cailliau, procureur du TGI de Grasse, a prononcé son discours de rentrée, lundi après-midi.

Madame la sous-Préfète, représentante de l’Etat
Mme la PP
M. Le PG
M. Le Pt du CG 06
Mme et MM. Les parlementaires
Mmes et MM les élus
Mmes et MM les représentants des autorités religieuses civiles et militaires
Mmes et MM

Le reproche est souvent fait aux magistrats de se lamenter de leur condition chaque fois que l’occasion leur est donnée d’une prise de parole publique ou solennelle.

Je comprends quelle peut être la lassitude de l’observateur extérieur d’entendre une litanie de doléances auxquelles il ne peut rien.

Je m’efforcerai d’éviter cet écueil... pourtant on demande à cet observateur que vous êtes, en votre qualité d’acteur public ou de témoin privilégié, de prêter l’oreille au compte rendu de l’activité judiciaire de l’année écoulée, exercice passif et austère certes, mais qui reste nécessaire et peut apporter quelques enseignements utiles.

Il s’agit en effet d’exposer publiquement le bilan annuel d’activité d’une institution qui incarne, sur le plan judiciaire, l’autorité de l’Etat.

La Justice, à travers son image et son action, engage l’Etat, aussi bien à travers le statut que lui donne la Constitution que par les moyens qui lui sont accordés pour fonctionner.

La justice est rendue au nom du peuple français... n’est-il pas naturel qu’elle rende compte de son activité à son mandant, c’est-à-dire à ses représentants élus, ainsi qu’à ses partenaires institutionnels et à la représentante de l’Etat dans l’ arrondissement ?

Je vais donc satisfaire à cette exigence, dans le domaine qui est le mien, en vous présentant les données de l’activité pénale de l’année 2011.

Mais avant cela je voudrais vous présenter quelques réflexions sur les avancées législatives de l’année écoulée et les réformes à parachever ou à conduire en 2012. .

La production législative et réglementaire, particulièrement intense en 2011, accompagnée d’un foisonnement simultané de circulaires dites de clarification, ne pouvait manquer d’entraîner des remises en cause, mais aussi des pertes de repères, pouvant aller jusqu’à des comportements réfractaires.

Sous les vocables d’avancées législatives je veux d’abord marquer l’approche positive qui a toujours été celle des magistrats de mon parquet face à loi, quelles que soient son inspiration, ses implications procédurales ou matérielles.

Les réformes les plus notables intervenues en 2011 concernent :

- La réforme de la GAV du 14 avril 2011,

- celle introduisant les citoyens assesseurs dans notre organisation judiciaire pénale, visant les tribunaux correctionnels et les tribunaux de l’application des peines, non immédiatement applicable, mais dont on parle d’accélérer l’entrée en vigueur par la réduction de la période d’expérimentation,

- celle concernant le tribunal correctionnel pour mineurs, issue de la même loi du 10 août 2011,

- ou encore de la loi du 13 décembre 2011 elative à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles.

La réforme de la garde à vue voulue par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010 a abouti, à travers la loi du 14 avril 2011, à un nouveau dispositif qui

- en a limité le recours aux strictes nécessités de l’enquête et aux auteurs présumés de délits punis d’emprisonnement,

- a imposé une motivation en fait et en droit de cette mesure sous le contrôle du parquet,

- a consacré le droit de la personne gardée à vue à conserver le silence et à bénéficier de l’assistance effective de l’avocat à ses côtés.

Si cette réforme a été combattue au tout début de son entrée en vigueur par certaines organisations professionnelles, force est de constater aujourd’hui un changement d’attitude et un retour à la sagesse.

Nous y avons beaucoup travaillé dans ce ressort avec les services de police et de gendarmerie : le constat est positif en ce sens que l’esprit de la réforme est compris et que son application ne s’est pas traduite par un effondrement de l’élucidation des affaires.

Il était urgent que la courbe des gardes à vue interrompe sa croissance, notamment en comparaison avec nos voisins européens immédiats.

Il était urgent que le nombre des gardes à vue ne soit plus considéré pour les services d’enquête comme un indicateur d’activité et de performance :

ces deux objectifs sont atteints.

Le constat que nous faisons sur l’ensemble de l’année 2011 est celui d’un tassement de 20% de ces mesures en zone gendarmerie et de 12% en zone police
S’agissant des avocats il était indispensable :

- qu’ils soient associés au déroulement des gardes à vue à l’occasion des auditions et confrontations de leurs clients,
- que leur soient reconnus des droits propres d’information, de communication et d’intervention à l’issue des auditions, tels que celui de poser des questions complémentaires ou de formuler des observations.

Au titre des effets très positifs de cette réforme il convient de relever :

En premier lieu le nouveau regard que se portent avocats et enquêteurs, par la découverte réciproque :
- de leurs missions respectives
- de leurs conditions de travail, jusque là ignorées.

En second lieu la diminution très nette des critiques faites à l’audience sur le déroulement de la garde à vue et la conduite des enquêtes.

Je rends hommage au barreau de Grasse et à son ancien Bâtonnier Michel VALIERGUE pour avoir accompagné cette réforme dans un esprit très positif avec une totale loyauté.

Si l’on peut considérer que le débat est aujourd’hui, sinon quasiment clos, au moins très avancé sur le terrain de la constitutionnalité de la loi du 14 avril 2011, notamment depuis l’arrêt du 18 novembre 2011 qui répondait à cinq QPC, il ne l’est pas encore tout à fait sur le terrain de la conformité de la loi à la convention européenne des droits de l’homme, convention qui a valeur de traité c-a-d supra légale, conformément aux termes de l’article 55 de la Constitution.

Comprenons bien que le débat de conventionnalité peut aussi être porté directement devant les juridictions nationales saisie du fond, sans autre portée que sur l’affaire elle-même.

Cette réforme évoluera encore nous le savons à travers les jurisprudences des juridictions européennes CJUE et CEDH, de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, et du Conseil Constitutionnel qui pourra être saisi de nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité.

Nous suivrons bien sûr ces évolutions avec la plus grande vigilance et nous les intégrerons dans nos pratiques et nos directives aux services d’enquête.

Au delà de ces questions juridiques dont l’importance est réelle, demeure l’urgente nécessité d’améliorer les conditions de séjour des personnes dans les geôles de GAV de certains locaux de police qui ne garantissent pas, je ne suis pas le seul à le penser ici, la dignité de la personne humaine.

Nous nous appliquons à respecter scrupuleusement, au cours du premier semestre de chaque année, les prescriptions du cpp faisant obligation aux magistrats du parquet de visiter annuellement les locaux de garde à vue de leur arrondissement judiciaire.

Ces visites sont faites avec sérieux et rigueur : hélas ! les mêmes constats sont faits d’année en année, en vain, dans les mêmes locaux pour dénoncer des conditions d’hygiène et de séjour indignes : absence de couverture et de point d’eau accessible dans la geôle, absence de toilettes individuelles, local d’examen médical et d’entretien avec l’avocat dans une geôle non aménagée, absence d’entrée et de sortie d’air dans des locaux de dégrisement...

Interrogeons nous d’abord sur les risques encourus dans de telles conditions de séjour, puis sur l’image que renverra le suspect à l’enquêteur et, après un séjour de 48h sans hygiène, au magistrat, qui procéderont à son audition.

Nos rapports sont transmis nous le savons...

Dois-je rappeler que les élus de la Nation ainsi que les élus en France du Parlement européen ont libre accès, à tout moment, c-a-d sans rendez-vous, aux lieux privatifs de liberté que sont les locaux de garde à vue, les centres de rétention , les zones d’attente et les établissements pénitentiaires. L’article 719 du Cpp les y invite, je n’ai pas entendu qu’ils en avaient abusé au cours de ces deux dernières années, à une exception près que je salue...

Puisque nous sommes entrés dans la culture du résultat, souhaitons sur ce point que des engagements soient pris et tenus en 2012.

La visite annuelle et obligatoire de ces lieux par l’autorité judiciaire ne peut avoir pour seul objectif le visa d’un registre et le paravent du regard judiciaire.

Nous ne sommes plus dans une logique de moyens, qu’il serait indécent d’invoquer en la matière pour ne rien faire, mais dans une exigence de respect de l’humain, c-a-d de soi-même.

Quittons ce sujet sensible pour aborder cet autre thème dont on parle tant, qui à première vue recueille un large soutien dans l’opinion : l’ouverture de la justice aux citoyens.

L’introduction des citoyens, en qualité d’assesseurs, dans le fonctionnement de nos juridictions correctionnelles et de l’application des peines constitue une réforme importante. Ce n’est pas une “première” puisque de nombreuses juridictions fonctionnent déjà avec le concours de nos concitoyens, élus, désignés, tirés au sort (CPH, T com, TPE, Cour d’Assises)

La particularité de cette réforme tient au fait que des citoyens non volontaires seront appelés à siéger comme assesseurs sans pouvoir se dérober : il s’agira d’un véritable service civique obligatoire, sanctionné d’une forte amende (3.750€) en cas de défaillance non justifiée.

L’autre particularité, qui distingue les citoyens assesseurs du jury criminel, est qu’il ne seront pas souverains dans les délibérés, restant minoritaires face à trois magistrats professionnels.

Enfin la lourdeur de la conduite des débats dans cette nouvelle configuration citoyenne, applicable principalement aux atteintes à la personne humaine passible d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans, conduira à ne retenir que 3 ou 4 affaires par audience alors qu’actuellement nous en traitons un nombre 3 a 4 fois supérieur.

Ces audiences seront ralenties par leur vocation pédagogique pour associer pleinement les assesseurs citoyens, comme le seront aussi les délibérés pour les mêmes motifs.

Nous mesurons les incidences immédiates de cette réforme sur la gestion globale de l’audiencement des procédures, sans évoquer son coût estimé pour son lancement au niveau national à 30 millions d’€ et à 20 millions d’€ en coût de fonctionnement annuel.

Notons que cette réforme s’appliquera bien sûr à la procédure de comparution immédiate, laquelle constitue dans cette juridiction une procédure très fréquemment utilisée mais sans audiences dédiées.

C’est donc une juridiction permanente qu’il faudra mettre sur pied, avec une contrainte lourde, qui reposera principalement sur les magistrats, celle de la formation récurrente des assesseurs citoyens, liée au caractère limité de leur participation qui ne s’étendra pas en pratique au delà de 6 audiences.

A moyens constants la mise en place de cette réforme sera acrobatique, surtout si son entrée en application est anticipée au 1er janvier 2013, sans attendre les conclusions de l’expérimentation en cours dans les juridictions des cours d’appel de Dijon et de Toulouse.

La problématique de la délinquance des mineurs a nourri cette année encore le débat, public et parlementaire.

Méfions nous des amalgames fondés le plus souvent sur l’idée que le mineur est un adulte en miniature, qu’il peut être jugé comme tel sans considération excessive pour sa personne “en devenir”et relever dès lors de juridictions de droit commun ou qui s’en rapprochent.

Le droit pénal applicable aux mineurs n’a jamais cessé de nourrir la polémique, dès lors qu’il n’est pas aisé d’admettre, pour le mineur qui a causé un trouble important à l’ordre public, le primat de la réponse éducative sur la sanction répressive, posé par l’ordonnance de 1945, face aux comportements réitérants et souvent violents des jeunes délinquants.

La rapidité de la réponse n’est pas incompatible avec ce principe. Nous nous en inspirons dans nos poursuites puisque plus de 80% d’entre elles sont dictées par la nécessité d’une réponse rapide.

Cette même exigence de rapidité demeure un objectif prioritaire de la loi du 10 août 2011, laquelle vient proposer quelques nouvelles pistes procédurales, permettant dans un délai de 10 jours à 2 mois la saisine du tribunal pour enfants par simple convocation par OPJ pour les mineurs déjà connus de la juridiction et encourant une peine de 3 à 5 ans.

Le tribunal correctionnel pour mineurs, dès maintenant, pourra également être saisi par ordonnance du Juge des enfants ou du juge d’instruction dans un délai très court, à condition que le mineur de 16 à 18 ans soit en situation de récidive légale et encoure une peine égale ou supérieure à 3 ans. Le même tribunal, dans sa composition citoyenne, jugera les auteurs mineurs de cette même tranche d’âge, passibles de peines d’emprisonnement égales ou supérieures à 5 ans.

Nous percevons à travers ces nouveaux modes de saisine la priorité de la délivrance d’une réponse rapide à des mineurs réitérants ayant commis des faits graves, condition de sa lisibilité et d’une prise de conscience par l’auteur.

Nous ne pouvons de même que nous féliciter de l’élargissement des conditions du placement sous contrôle judiciaire des mineurs de 13 à 16 ans pour des faits particulièrement graves autorisant leur placement dans un centre éducatif fermé... encore faut-il qu’il en existe ce qui n’est pas le cas dans le département des Alpes-Maritimes... les plus proches étant situés dans le Var et le Vaucluse.

Trois circulaires sont intervenues sur ce même sujet au cours du mois de décembre 2011, c’est dire l’importance que revêt la problématique du traitement rapide des procédures pénales concernant les mineurs ayant commis des actes graves.

Pour intensifier le traitement des procédures simplifiées il était nécessaire d’étendre leur champ d’application en matière correctionnelle et de développer la forfaitisation des contraventions.

C’est chose faite avec la loi du 13 décembre 2011.

Cette réforme est directement inspirée des travaux de la commission GUINCHARD concernant la simplification des procédures.

Les ordonnances pénales deviennent éligibles à tout contentieux non spécialisés entrant dans la compétence du juge unique correctionnel, les seules limites d’importance étant, pour la poursuite, l’exclusion de la récidive et pour la condamnation, le prononcé d’une peine d’emprisonnement.

De même pourra être envisagée l’extension de la procédure de CRPC, désormais ouverte à tout auteur de délit punissable d’emprisonnement.

Nous allons appliquer cette réforme importante, qui pourra nous faire économiser du temps d’audience, tout en mesurant bien ses limites, notamment en considération des victimes, dont les droits devront être sauvegardés en l’absence de débat judiciaire.

Au titre des réformes déjà engagées et dont la mise en oeuvre va se décliner sur l’année 2012 nous allons devoir modifier la procédure suivie en matière d’exécution des peines d’emprisonnement ferme pour en assurer la réalisation effective dans les deux mois de la transmission des extraits de condamnation pour écrou.

Nous n’avions pas rencontré de difficulté avec les services locaux de police ni avec les unités de gendarmerie destinataires desdits extraits.

Aujourd’hui a été prise, au niveau national, l’option de la centralisation de ces transmissions à l’échelon du département : nos correspondants seront donc exclusivement la DDSP et le Groupement de gendarmerie départementale.

Nous maintiendrons bien sûr à leur égard les exigences qui étaient les nôtres envers les services d’exécution antérieurement saisis : les relances et retours d’informations sur les modalités d’exécution de nos extraits seront donc effectués et attendus dans les mêmes conditions.

Mon parquet compte à ce jour environ 600 extraits de condamnation et mandats en diffusion dans les services locaux, outre les 200 environ qui nous viennent de parquets extérieurs, les délais d’exécution moyens se situant entre 3 et 4 mois à compter de la transmission des pièces aux services.

La centralisation de la transmission de ces extraits va nous permettre une réduction du délai d’exécution à deux mois.

Nous serons attentifs à ce que les services centralisateurs fassent diligence dans les conditions de délais désormais posées et nous renseignent mensuellement sur les encours.

L’activité des services d’enquête n’a pas connu de progression notable en 2011 si l’on se reporte aux faits constatés (39.853 contre 40.456 en 2010) en matière de délinquance générale sur l’ensemble du territoire de l’arrondissement judiciaire du TGI de Grasse.

En revanche, les taux d’élucidation au sens que leur donnent les statistiques de la police et de la gendarmerie sont présentés en progression sensible.

Cette présentation positive de l’emploi des services d’enquête se traduit par une progression parallèle des personnes mises en cause - ce qui ne veut pas dire poursuivables ni poursuivies -, en dépit de l’affaissement du nombre des personnes déférées, effet mécanique de la réforme de la garde à vue.

Les secteurs de délinquance sur lesquels doit se porter l’attention en 2011 concernent essentiellement certaines infractions violentes d’atteintes aux personnes dans quelques secteurs en zone police, récemment les vols de deux roues destinés à l’exportation et les cambriolages de résidences en zone de gendarmerie.

Je me dois de souligner l’engagement particulièrement marqué par les brigades des recherches de la gendarmerie de l’arrondissement de Grasse qui a permis des résultats remarquables dans une affaire complexe de proxénétisme sur le secteur de Cannes, mais aussi dans une procédure très préoccupante de tentative d’assassinat en récidive d’un individu en suspension de peine, ou encore dans l’interpellation d’un individu pédophile au profil inquiétant.

Les services de police , notamment l’antenne niçoise de la DIPJ, apportent une contribution déterminante et rapide dans la solution de nombreuses affaires criminelles, où l’investissement total de ses groupes doit être salué notamment en matière de braquages.

Il me reste à regretter que les services de police et de gendarmerie ne s’impliquent pas davantage en matière de délinquance économique et financière. Le niveau d’intervention, évidemment élevé, de la PJ et de la SR dans ce domaine ne permet pas le traitement efficace de la moyenne délinquance économique et financière. L’absence de formation des personnels entraîne des conséquences fâcheuses sur le traitement de ce contentieux, aussi bien en termes de contenu des investigations que de délais de traitement des enquêtes.

Dans le domaine du droit pénal de la famille et des agressions sexuelles, je souligne l’efficacité de la brigade de la protection des mineurs et de la Famille, dont la compétence est étendue à tout le district.

Cette brigade intervient notamment en matière de violences familiales, domaine où le chiffre noir reste très élevé et où la relation entre l’auteur et la victime est particulièrement complexe.

L’éviction du conjoint ou compagnon violent est aujourd’hui possible grâce à la mise à disposition de logements dédiés. Nous espérons pouvoir développer dans ce ressort l’expérimentation de la téléprotection de la victime dès que les textes le permettront.

Les ordonnances de protection rendues cette année par les juges aux affaires familiales n’ont pas encore donné lieu à des incidents justifiant l’intervention du parquet comme la loi le permet.

Je relève cette année encore la bonne coopération entre les services d’enquête et leur absence de rivalité sur les saisines.

- La qualité de la communication avec le parquet,
- la rigueur juridique des procédures,
- le respect impératif des limites portées par le code de procédure pénale à toute mesure portant atteinte aux droits et libertés des personnes,
doivent constituer des objectifs communs à tous services d’enquête, spécialisés ou non, pour l’année 2012.

Il me faut également souligner la forte implication et la très bonne coopération des administrations qui travaillent en partenariat avec le parquet sur les secteurs sensibles du droit pénal du travail, de l’urbanisme et de l’environnement.

Il en est de même de la DDFIP avec laquelle les relations sont directes et confiantes.

Un mot enfin sur l’accueil des victimes qui reste un objectif quotidien, avec ses exigences, ses contraintes et ses coûts.

Les dispositifs mis en place, notamment grâce au réseau associatif implanté dans l’arrondissement, doivent être encouragés, alors surtout que la médecine légale du vivant connaît de réelles remises en cause à travers une réforme dont nous comprenons trop bien les enjeux budgétaires.

Parler des victimes, c’est bien , être là pour les écouter, les soutenir dans leur détresse et les faire examiner et prendre en charge par des professionnels qualifiés, c’est mieux.

Notre réseau de médecins légistes de proximité auquel je rends un hommage appuyé, ne suffira pas à terme à faire face aux besoins des victimes.

Je me dois d’indiquer que plus de 1.250 examens médico-légaux de victimes, et plus de 2.800 examens médicaux en garde à vue ont été assurés par notre réseau de proximité, examens qui n’auraient jamais pu être pratiqués par l’Unité médico judiciaire de NICE, seule structure désignée pour ce type d’examens depuis la réforme de la médecine légale introduite fin 2010 et non remise en cause. A noter aussi que plus de 250 interventions de médecins légistes sur des enquêtes décès intégrant les levées de corps indispensables en matière criminelle ont été assurés sur réquisitions par nos médecins légistes libéraux.

Leur relève devra être assurée. Aucun signe ne laisse apparaître que l’on y travaille.

Il est à craindre que les examens de victimes lourdement traumatisées ne se feront pas dans les mêmes conditions si elles doivent se prendre elles-mêmes en charge pour se rendre dans une Unité médico-judiciaire aujourd’hui éloignée et non disponible.

L’accidentologie routière en cette année 2011 a connu une baisse du nombre des accidents 962 au lieu de 1.062, une diminution légère du nombre des blessés 1.128 au lieu de 1.194 et des tués 31 au lieu de 35.

Des efforts sont toujours à faire en matière de prévention et les déploiements des services de police et de gendarmerie sont multiples pour atteindre cet objectif.

Il reste à espérer que les matériels de mesure de l’alcoolémie par air expiré ainsi que les kits de dépistage de produits stupéfiants soient exploitables et en nombre suffisants pour que les opérations de sécurité routière conservent leur sens.

L’activité pénale de l’année 2011 a connu un fléchissement dont les causes sont multiples que l’on peut rechercher dans :

- les difficultés rencontrées avec l’implantation du nouveau logiciel CASSIOPEE au printemps de l’année 2011, dont la vocation généraliste et nationale n’intègre plus les spécificités fonctionnelles,

- la situation toujours tendue des effectifs de fonctionnaires, lesquels ont du mal à admettre la pression du changement dans une telle conjoncture,

- La baisse de qualité juridique des procédures d’enquête qui retentit directement sur le taux de réponse pénale.

Si le nombre des affaires pénales enregistrées en 2011 s’est élevé à 60.143, soit une progression de 13,5% sur l’année, le nombre des affaires poursuivables en 2011 a fléchi de plus de 11,5% , ce qui traduit un déficit d’élucidation au sens judiciaire du terme.

La notion d’élucidation judiciaire d’une affaire suppose, au delà de l’identification d’une personne paraissant impliquée dans une enquête, la caractérisation juridique de l’infraction en démontrant l’existence de ses éléments constitutifs : légal, matériel et moral et l’imputabilité de cette infraction à une personne pénalement responsable.

La précipitation avec laquelle il est demandé aux services d’enquête d’informer en temps réel leur administration commune de la constatation de l’infraction et de son élucidation conduit naturellement à des amalgames qui, en apparence flatteurs, ne sont compatibles ni avec le temps judiciaire ni avec la rigueur d’analyse juridique exigée du magistrat.

Le décalage entre ces deux démarches n’est évidemment pas lisible par le citoyen et la justice est facilement stigmatisée lorsque les “mis en cause” ne sont pas immédiatement poursuivis ou sanctionnés par le juge.

La rapidité de la réponse pénale, lorsque la procédure le permet, reste néanmoins un objectif constant du parquet, que nous atteignons avec un taux de 86% de procédures rapides sur l’ensemble de nos poursuites : elles englobent les comparutions immédiates (450 en 2011 soit -20%)) les convocations par PR et OPJ, les procédures simplifiées et les procédures de CRPC (712 homologations en 2011).

Le taux de réponse pénale se situe pour les majeurs à 84% en sensible recul par rapport à l’an dernier, mais cette indication doit être nuancée par la forte augmentation du dénominateur des affaires traitées, liée à la mise à jour du bureau d’ordre pénal préalable au démarrage du logiciel CASSIOPEE, ... et faussant inévitablement le ratio.

Pour les mineurs le taux de réponse pénale se situe à 95% et les procédures rapides restent un mode de poursuite privilégié comme je l’ai indiqué.

Les très bonnes relations développées avec les collectivités territoriales ont permis, sous le contrôle du parquet, la mise en oeuvre du rappel à l’ordre, particulièrement adapté pour les incivilités commises par les mineurs, et de la transaction pénale. La loi du 5 mars 2007 a été mise en application dans ce ressort dans un esprit très positif et je ne puis que le mesurer dans le fonctionnement des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance auxquels je suis toujours associé.

De même la signature, en présence de M. Le GDS MJL, le 6 octobre 2011, d’un protocole entre le Conseil Général et moi-même engageant mon parquet sur l’échange d’informations sur les mineurs ayant fait l’objet d’une condamnation ainsi que sur les mesures éducatives mises en oeuvre, doit faciliter le déploiement d’un contrat de responsabilité parentale.

Dans le même esprit doit être mis en oeuvre au printemps 2012 le stage de responsabilité parentale dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites en matière d’abandon de famille ou de délaissement de mineurs.

Les ouvertures d’informations judiciaires en 2011 se situent à 328 contre 368 en 2010.

Le nombre des décisions rendues par la juridiction correctionnelle, incluant les les ordonnances d’homologations de CRPC s’établit 4.409 contre 4.766 en 2010.

Le stock des affaires correctionnelles restant à juger est de 1.364 correspondant à un délai théorique d’audiencement de 7 mois pour les procédures de juge unique et de 11 mois pour les affaires relevant de la compétence du tribunal correctionnel en formation collégiale. Cette alourdissement du stock par rapport à l’année 2010 trouve une part d’explication dans l’augmentation des renvois accordés en 2011 de l’ordre de 13%. Cette poussée des renvois pourrait être endiguée par des objectifs plus rigoureux auxquels il faudra réfléchir.

L’exécution rapide des peines d’emprisonnement reste plus que jamais une priorité et la centralisation de l’envoi des extraits pour écrou devrait l’encourager.

Mais cette exécution rapide ne peut s’envisager qu’après épuisement de toutes les modalités possibles d’aménagement lorsque le condamné peut y prétendre, c-a-d lorsque la peine de moins de deux ans est aménageable selon la loi du 24 novembre 2009.

Au cours de l’année 2011 le juge de l’application des peines a été saisi de 606 requêtes en aménagement de peines avant exécution.

Au terme de mon propos, je souhaite rappeler que l’année 2011 a été marquée pour le parquet par un profond renouvellement avec les départs en avancement ou en retraite de 5 de nos collègues : Mme et MM les vice-procureurs Guy ROBERT, Pierre ARPAIA, Josy-Danielle OLINI et M. Le substitut Michaël DARRAS et Mme la substitute Sandra MOULAYES. Ces collègues ont laissé, chacun à sa façon, une empreinte forte et positive dans cette juridiction par leur engagement et leur solidarité professionnels.

Nous avons eu la chance de pouvoir accueillir cinq nouveaux collègues, sans solution de continuité, ce qui mérite d’être souligné, la dernière arrivée étant Mme la vice-procureure Parvine DERIVERY présentée ce jour à la juridiction.

Je souhaite exprimer aux fonctionnaires de justice de ce tribunal toute la considération que l’ensemble des magistrats de mon parquet et moi-même ressentons à leur égard, en soulignant la solidité de leur motivation face aux exigences nouvelles de leurs missions.

L’appréhension du changement dans un contexte de restriction budgétaire et de réduction d’effectifs ne rend que plus méritoire leur engagement. Qu’ils en soient tous chaleureusement remerciés, particulièrement ceux de la chaîne pénale avec lesquels les contacts sont plus étroits.

Je tiens à saluer la nomination de M. CACHEUX en qualité de directeur de la maison d’Arrêt de Grasse. Il succède à Paul BOTELA appelé à faire valoir ses droits à la retraite, et avec lequel les contacts toujours très constructifs ont été fondés sur une confiance totale.

Je souhaite bien sûr poursuivre sur les mêmes bases mes relations avec cet établissement pénitentiaire et en particulier avec son nouveau directeur.

M. Le Bâtonnier Jonathan TURRILLO vous succédez à Me Michel VALIERGUE avec lequel nous avons entretenu les relations les plus cordiales. Nous avons travaillé dans des conditions de parfaite harmonie sur tous les grands sujets de l’année, qui n’en a pas été avare. Nos échanges fondés sur la confiance et la recherche de l’efficacité nous ont permis de garder nos caps, souvent convergents, et de gérer au mieux les réformes de l’année.

Si l’anticipation des événements attendus ou redoutés du G20 s’est avérée inopérante faute de combattants, elle devait être conduite de façon professionnelle et elle l’a été avec la mobilisation forte de votre barreau et l’implication de votre prédécesseur. Qu’il en soit remercié et avec lui tous ceux de vos confrères qui se sont mobilisés.

Je souhaite vivement pouvoir maintenir avec vous des contacts fructueux et harmonieux. Je vous souhaite un bâtonnat actif et garant de relations apaisées avec vos confrères et l’ensemble de la famille judiciaire.

Au nom des magistrats de mon parquet et à titre personnel je vous adresse, à tous, mes voeux les plus chaleureux pour l’année 2012, année de changements certains pour nos institutions, pour nos objectifs et notre mode de vie. Qu’elle soit une année d’inspiration, d’apaisement et d’équilibre pour la Justice, pour le seul objectif qui vaille : une Justice mieux comprise et mieux acceptée des justiciables.

Monsieur le Président, je requiers qu’il vous plaise de constater qu’il a été satisfait aux prescriptions de l’article R.211-2 du COJ , déclarer close l’année judiciaire 2011, ouverte l’année judiciaire 2012, me donner acte de mes réquisitions et dire que du tout il sera dressé procès-verbal.


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