Reprise d’une entreprise en difficulté : maîtriser le risque environnemental


Droit


2 février 2012

La reprise d’une entreprise en difficulté est complexe. Compte tenu des enjeux financiers et pénaux liés au respect de la législation environnementale, l’offre de reprise doit être précédée d’un audit particulièrement rigoureux de la part du candidat et de ses conseils. L’administrateur judiciaire est également appelé à faire preuve
d’une vigilance accrue.
Comprendre les implications du plan de cession

L’étape préliminaire à la préparation de toute offre de reprise doit permettre de déterminer si les activités exercées sont ou non régies par le Code de l’environnement et, plus précisément, s’agissant d’entreprises industrielles, par la législation relative aux installations
classées.

Par l’effet de la cession (qui doit être accompagnée des formalités de changement d’exploitant), le repreneur devient débiteur des obligations imposées par cette législation. Il en va ainsi concernant les prescriptions de fonctionnement (rejets, bruit, etc.), dont le non-
respect peut conduire à des sanctions administratives (pouvant aller jusqu’à la suspension temporaire de l’activité) et pénales. Et, tout autant, s’agissant des obligations administratives liées au passif environnemental, dont le repreneur doit bien comprendre la portée : d’une part (et sauf cas exceptionnel lié à un danger immédiat) la gestion du passif environnemental ne s’opère qu’au moment de la cessation d’activité ; d’autre part, en sa qualité de dernier exploitant, le repreneur devient seul responsable du passif environnemental lié à l’activité cédée vis-à-vis des autorités, et ce quand bien même les pollutions auraient été causées par ses prédécesseurs.

Identifier les risques avant la remise de l’offre

Afin de déterminer si l’activité est ou non soumise à la législation relative aux installations classées, le candidat repreneur pourra s’appuyer sur la documentation mise à disposition par l’administrateur judiciaire (lequel aura, au préalable, réalisé un « bilan environnemental » de l’entreprise, ainsi que le prévoit le Code de commerce), mais également consulter les services de la préfecture ou les bases de données officielles.

Un tel exercice sera néanmoins insuffisant si l’activité est exercée irrégulièrement, soit parce que son existence n’a jamais été portée à la connaissance du préfet, soit parce que des modifications substantielles ont été apportées aux conditions d’exploitation autorisées sans lui avoir été préalablement signalées. Le repreneur, court alors le risque de devoir supporter les conséquences financières liées à la régularisation préalable de l’activité (frais induits par le dépôt d’un nouveau dossier, risque de suspension temporaire d’activité) et pénales (délit d’exploitation sans autorisation). La réalisation d’un audit complémentaire destiné à s’assurer qu’aucune rubrique de la nomenclature n’a été négligée est donc recommandée. On peut,
du reste, considérer qu’un tel exercice devrait s’imposer en parallèle à l’administrateur judiciaire lui-même. La Cour de cassation a, en effet, reconnu que manquait à son devoir d’information et engageait ainsi sa responsabilité, aux côtés du conseil du repreneur, un administrateur qui avait négligé d’informer les candidats de l’irrégularité de la situation de l’entreprise au regard de la législation relative aux installations classées (en l’occurrence, une exploitation sans autorisation).

Le régime applicable à l’activité ayant été clairement identifié, le repreneur doit s’assurer du respect des prescriptions applicables. Les risques liés à un éventuel non-respect de ces prescriptions seront identifiés rapidement si les documents communiqués par l’administrateur contiennent des mises en demeure, des comptes rendus de visites d’inspection, ou les bilans de fonctionnement des installations. A défaut, un audit, incluant une analyse des coûts de mise en conformité pourra être conduit.

Le repreneur aura, enfin, intérêt à anticiper ce que pourrait être le contenu de l’obligation de remise en état en cas de cessation d’activité, à l’appui des documents fournis par l’administrateur, des bases de données officielles, voire d’un audit de pollution. Il devra garder à l’esprit que le contenu de l’obligation de remise en état dépendra de plusieurs paramètres : juridiques (l’usage futur à prendre en compte pour définir les mesures variant en fonction du régime de l’activité et de la date de mise en service des installations), géographiques (la vocation de la zone conditionnant également le choix de cet usage) et
techniques (étendue de la pollution et techniques envisageables pour la traiter).


Antoine Carpentier, avocat en droit de l’environnement