Municipales 2020 : les mairies au coeur des attentes


Politique


18 février 2020

L’échéance des élections municipales approche et les attentes des administrés sont grandes.

Nouvelles organisations territoriales, présence des services publics, besoins des populations : Jean-Paul David le président des maires ruraux des Alpes-Maritimes présente les enjeux des municipales 2020

Maire de Guillaumes, Jean-Paul David est aussi le président des maires ruraux des Alpes-Maritimes. Il est, à ce titre, au contact permanent de ses collègues qui se sentent isolés et quelquefois même abandonnés. Alors que les services publics sont de moins en moins présents dans les villages, que les administrés sont aussi exigeants que souvent peu investis dans la vie des communes, il se fait l’interprète de ceux qui ont une écharpe tricolore quelquefois bien lourde à porter...

On craignait le manque de candidats. Mais il semble que beaucoup y retournent… Est-ce parce que les maires se sentent finalement un peu mieux considérés ?

Jean-Paul David, Maire de Guillaumes et président de l’association des Maires ruraux des Alpes-Maritimes (DR)

Non, je crois que c’est d’abord par sens du devoir et du service. Il y a quelques mois, le constat c’était que plus les communes étaient éloignées des grands centres et plus les maires voulaient "lâcher", pour retrouver un équilibre personnel parce que c’est une charge très lourde. L’échéance approchant (on vote les 15 et 22 mars, ndlr), on s’aperçoit qu’il n’y a pas tant de candidats que cela dans les petites communes.
Un sondage est révélateur : 73% des personnes ne veulent pas être maire ! C’est effectivement le mandat préféré des Français, mais ceux-ci ont bien conscience des difficultés...

Cela traduit-il un désintérêt pour la chose commune, un repli sur l’individualisme ?

Pas forcément. On constate que beaucoup de personnes veulent bien participer à la vie de leur commune. Mais il n’y a pas grand monde pour s’engager à prendre des responsabilités qui pèsent au quotidien. Dans les A-M, certains ont réfléchi jusqu’au dernier moment avant de décider d’y aller ou de se représenter. Cela est particulièrement vrai dans les petites communes où certains se disent "bon, j’y retourne encore une fois parce que personne ne s’est manifesté". Ils ne voudraient pas que des projets en cours et des
réalisations bâtis depuis des années soient stoppés après avoir donné tant de temps et d’énergie à leur village. On ne se refait
pas : on ne dit pas "on s’en fout" après tant d’efforts personnels.

Les attentes des administrés ont-elles changé ?

Avec ce nouveau mandat 2020-2026, une nouvelle période de la vie municipale va s’ouvrir dans un contexte complexe car nos missions d’élus de terrain ne sont plus les mêmes. Il faut trouver un nouvel équilibre entre les mairies et les intercommunalités. Si, pour les grandes villes, rien ne change vraiment, les petites communes doivent trouver leur place dans ces intercommunalités, mettre en place de nouvelles gouvernances, etc. Ce n’est plus la même façon d’administrer.

L’indépendance des communes est-elle menacée ?

Autrefois, le Conseil municipal votait la veille et le lendemain la décision était appliquée. Aujourd’hui, pour nos concitoyens, la mairie reste la porte d’entrée de tout, mais derrière la plupart des compétences relèvent en fait des intercommunalités. La population n’a pas encore intégré cette nouvelle organisation. Pour elle, tout passe par la mairie, même pour des questions qui relèvent en fait de l’état, de la Région, du Département, de l’intercommunalité... Cela signifie que le maire n’a pas toutes les réponses, qu’il doit aller les chercher ailleurs, ce qui demande encore plus d’énergie, de présence, davantage de réseaux. La difficulté, c’est aussi la "professionnalisation" de la fonction de maire. Auparavant, il avait derrière lui de l’ingénierie, l’état etc. alors qu’aujourd’hui, il est seul, il doit compenser.

Quelles sont les bonnes réponses à l’isolement ?

Il était jadis uniquement géographique. Aujourd’hui, la ruralité doit être accompagnée pour éviter la fracture territoriale.
Si les services - Trésor, Mission locale, etc. - ne se rapprochaient pas de nos villages, ce serait une catastrophe. Après les routes et le chemin de fer déployés autrefois, la fibre est maintenant essentielle pour le moyen et le haut pays. Elle répond en partie au défi de la mobilité. Nous verrons au cours de ce mandat des changements brutaux dans les évolutions de la vie quotidienne. Le télétravail, la médecine, l’enseignement... tout va énormément évoluer et la fibre va accompagner ces transformations. L’intelligence artificielle ne doit pas être seulement urbaine. Pendant ce mandat, il faudra anticiper, intégrer l’innovation sur les territoires pour qu’ils ne soient pas largués.

Que pensez-vous des Maisons France Services ?

Elles sont un bon signal. Cela signifie que la présence des services publics sur le territoire est garantie. Nous avions peur que leur déploiement soit décidé sur un coin de table, qu’il n’y en ait que trois dans les A-M. Finalement, il y en aura onze dans notre département, ce qui prouve que ce dossier a été abordé avec intelligence, réalisé après de vrais audits, des concertations, en lien avec la préfecture. Effectives depuis 1er janvier 2020, les premières labellisations
"Maisons de services" correspondent ici à la réalité géographique qui est compliquée, avec des implantations dans les vallées de la Tinée, du Var, dans le pays de Grasse, etc. Il y en aura d’autres en 2021 et 2022. La démarche est cohérente, il faudra poursuivre parce que l’on sait bien que l’état se réforme et que sa présence sur le terrain n’est plus organisée comme autrefois.

Et l’enjeu de La Poste ?

La situation s’est stabilisée avec le redéploiement entre les bureaux de plein exercice et les agences communales. Comme elle a le contact et la confiance de la population, il faut poursuivre avec le maintien à domicile, le port des repas à domicile etc. Elle est pertinente pour ce genre de missions qui étaient autrefois assurées par le voisinage.
Il faut trouver de nouvelles réponses aux nouveaux besoins.
Ce mandat sera celui d’une grande rupture.

Propos recueillis par J.-M. CHEVALIER


Jean-Michel Chevalier