Violences conjugales : "la France ne peut être en retard sur le traitement de ces affaires"


Droit


3 mars 2020

La garde des Sceaux a présenté les grandes lignes des "instructions de politique pénale"

La ministre de la Justice s’est exprimée récemment devant les procureurs de la République et Avocats généraux sur la politique pénale. Mme Belloubet a consacré une longue partie de son intervention à la prévention des violences conjugales, un fléau qui a causé la mort d’une centaine de femmes l’an dernier en France. Nous publions ci-dessous les extraits les plus significatifs de son discours sur ce sujet.

"Pour nous améliorer,
un retour d’expériences
doit être mis en place
de façon systématique."

Nicole Belloubet, ministre de la Justice

>> Connaître le déroulé des faits

"Les cas d’homicides conjugaux doivent donner lieu à une analyse, à l’initiative des procureurs généraux, en associant les procureurs de la République, les services d’enquêtes, les services sociaux, les services de l’éducation nationale, les juridictions familiales et des enfants qui ont eu à connaître de la situation, afin de décrypter et de mieux connaître le déroulé de la situation et de la gestion des violences conjugales, connues en amont des faits criminels : ce qu’il s’est passé, ce qui aurait pu être fait différemment et comment les situations similaires peuvent être identifiées et prévenues. Ce travail nous permettra de mettre un terme aux difficultés liées au "comptage" des homicides conjugaux. Début décembre dernier, la DACG en recensait 80 quand les associations en comptaient 120 à 140. Il est nécessaire que ces faits d’homicides conjugaux, y compris en cas de suicide de l’auteur, fasse l’objet d’une remontée d’informations."

>> Identifier les difficultés pour mieux traiter

"Au-delà des éléments statistiques, nous devons également disposer d’éléments qualitatifs pour voir comment nous pouvons nous améliorer. Un retour d’expérience, systématique, doit être mis en place rapidement. Il doit permettre, en s’organisant au niveau des cours d’appel, de faire un bilan et un diagnostic de la situation pour faire émerger les difficultés récurrentes, les déficits d’alerte et de transmission des informations qui, en étant évités, auraient éventuellement permis d’éviter le passage à l’acte criminel. Je souhaite ainsi qu’un RETEX soit effectué après la commission de chaque fait afin que vous puissiez apprécier à quel stade le dispositif de prévention n’a pas été efficace. Il ne s’agit évidemment pas de contrôler ex post le travail de chacun. Mais dans plusieurs cas qui ont été portés à ma connaissance, il était évident qu’une meilleure prise en compte de la situation déjà connue aurait peut-être pu prévenir le pire. (...) Une méthode standardisée de RETEX sur des dossiers en cours sera mise en place, en lien avec deux parquets généraux volontaires pilotes."

>> Déployer le bracelet anti-rapprochement

"La loi du 28 décembre 2019 a créé un dispositif de bracelet anti-rapprochement, dispositif de protection des victimes. Il pourra être prononcé par juge pénal mais également par le juge civil, tant en pré qu’en post-
sentenciel. J’attends beaucoup de ce dispositif qui a fait la preuve de son efficacité en Espagne : j’entends donc qu’il soit déployé le plus rapidement possible, dès que les textes utiles auront été pris. L’étude d’impact est en cours de finalisation par mes services et sera transmise prochainement, avec le projet de décret, à la CNIL afin d’en assurer la sécurité juridique."

>> Nouvelle proposition de loi

"La réflexion et les travaux législatifs se poursuivent activement puisqu’une nouvelle proposition de loi, portée par le Gouvernement, est en cours de discussion. Elle viendra encore améliorer, je l’espère, les outils à disposition et apporter certaines réponses aux difficultés relevées par l’inspection. Je pense en particulier à l’assouplissement des conditions de levée du secret médical, mais aussi l’interdiction du recours à la médiation. Cette proposition de loi a été votée à l’unanimité en première lecture à l’assemblée nationale le 29 janvier dernier. Associée aux instruments nouveaux ouverts par le législateur (ordonnance de protection améliorée, (bracelet anti-rapprochement, développement des RETEX) les mesures en cours d’adoption au Parlement devraient permettre d’éviter que la France demeure en retard dans le traitement d’un phénomène criminel qui ne peut plus être une fatalité. L’ensemble de ces mesures, qu’elles soient législatives ou relevant des bonnes pratiques, ne pourront être mises en œuvre sans votre action. Je sais pouvoir compter sur votre implication".


Jean-Michel Chevalier