Activité partielle : Comprendre, indemniser et mettre en place et 10 questions que vous vous posez


Droit


21 mars 2020

Au regard des pre ?conisations formule ?es par le Gouvernement le 28 fe ?vrier dernier combine ?es aux dispositions de l’article R.5122-1 5° du code du travail, l’e ?pide ?mie de Coronavirus sur le territoire franc ?ais constitue une circonstance a ? caracte ?re exceptionnel justifiant la demande d’activite ? partielle.

Un projet de de ?cret ame ?nage le recours au dispositif du cho ?mage partiel permettant aux entreprises de faire face aux proble ?matiques sociales lie ?es a ? la crise sanitaire actuelle.

Maître Eva Nabet

Par Maître Eva NABET, Avocat en droit du travail et de la protection sociale

Barreau de NICE
Titulaire du Master 2 Juriste de droit social à l’Université de Panthéon-Sorbonne à Paris 1.
Avocat libéral en droit social depuis plusieurs années, d’abord à Paris puis à Nice, sa ville natale, elle intervient prioritairement en conseil mais aussi en contentieux pour écouter, accompagner et représenter tant les employeurs que les particuliers dans toutes leurs problématiques relatives au droit du travail et de la protection sociale.
- Des questions ? [email protected]

Comprendre le chômage partiel

Le cho ?mage partiel est un me ?canisme le ?gal permettant aux entreprises de faire face a ? une baisse temporaire d’activite ? de deux manie ?res possibles :
- Re ?duire le temps de travail des salarie ?s
- Fermer temporairement tout ou partie de l’e ?tablissement -> inactivite ? totale

Indemniser le chômage partiel



Quelles sont les heures qui peuvent e ?tre indemnise ?es au titre de l’activite ? partielle ?

Formule  : dure ?e le ?gale/conventionnelle/contractuelle du travail – dure ?e re ?ellement travaille ?e = nombre d’heures indemnise ?es

Quel est le montant de de l’indemnisation des heures cho ?me ?es ?
- Versement par l’employeur d’une allocation horaire = a ? 70 % de la re ?mune ?ration brute du salarie ?

- Remboursement par l’Etat dans la limite d’un plafond = a ? 4,5 fois le taux horaire du SMIC

L’autorisation d’activite ? partielle serait valable pour une dure ?e de 12 mois.

Mettre en place le chômage partiel

- Consulter et recueillir l’avis du CSE (pour les entreprises d’au moins 50 salarie ?s)
Le projet de de ?cret pre ?voit que l’avis du CSE pourrait e ?tre adresse ? dans un de ?lai de 2 mois a ? compter de la demande d’autorisation pre ?alable.

-  Effectuer la demande pre ?alable d’autorisation d’activite ? partielle via internet en pre ?cisant les motifs de recours a ? l’activite ? partielle ; la pe ?riode pre ?visionnelle de sous-activite ? ; le nombre de salarie ?s concerne ?s ; les coordonne ?es bancaires de l’employeur et l’avis du CSE si obtenu avant la demande.
L’absence de de ?cision dans le de ?lai de 2 jours = acceptation implicite de la demande.

Le projet de de ?cret pre ?voit que les entreprises be ?ne ?ficieraient d’un de ?lai de 30 jours pour de ?poser leur demande d’activite ? partielle en cas de circonstance de caracte ?re exceptionnel, comme c’est le cas avec la crise sanitaire actuelle.

MAITRISER L’ACTIVITE PARTIELLE : 10 QUESTIONS QUE VOUS VOUS POSEZ

Le salarie ? peut-il refuser la mise au cho ?mage partiel ?

La mise en activite ? partielle entrai ?ne une suspension du contrat de travail des salarie ?s et non une rupture. Elle ne constitue donc pas une modification du contrat de travail de sorte que :
- L’employeur n’a pas a ? demander l’avis pre ?alable des salarie ?s, - Le salarie ? est contraint de l’accepter.
Les salarie ?s ne peuvent donc pas refuser la re ?duction d’activite ? et de re ?mune ?ration (sauf s’ils sont salarie ?s prote ?ge ?s).
Le refus par un salarie ? de se soumettre aux nouveaux horaires re ?duits pourrait, sous re ?serve de certaines conditions, e ?tre constitutif d’une faute grave.

Le salarie ? be ?ne ?ficiaire de la protection spe ?ciale peut-il refuser le cho ?mage partiel ?

Þ Petit rappel : qui sont les principaux salarie ?s be ?ne ?ficiaires de cette protection spe ?ciale ?
- de ?le ?gue ? syndical ;
- membre e ?lu a ? la de ?le ?gation du personnel du comite ? social et e ?conomique ;
- repre ?sentant syndical au comite ? social et e ?conomique ;
- repre ?sentant de proximite ? ;
- membre de la de ?le ?gation du personnel du comite ? social et e ?conomique interentreprises ;
- membre du groupe spe ?cial de ne ?gociation et membre du comite ? d’entreprise europe ?en ;
- membre du groupe spe ?cial de ne ?gociation et repre ?sentant au comite ? de la socie ?te ? europe ?enne ;
- membre du groupe spe ?cial de ne ?gociation et repre ?sentant au comite ? de la socie ?te ? coope ?rative europe ?enne ;
- membre du groupe spe ?cial de ne ?gociation et repre ?sentant au comite ? de la socie ?te ? issue de la fusion transfrontalie ?re ;
- repre ?sentant du personnel d’une entreprise exte ?rieure, de ?signe ? a ? la commission sante ?, se ?curite ? et
conditions de travail d’un e ?tablissement comprenant au moins une installation classe ?e
- salarie ? mandate ? dans les entreprises de ?pourvues de de ?le ?gue ? syndical ;
- repre ?sentant des salarie ?s au conseil d’administration ou de surveillance des entreprises du secteur
public, des socie ?te ?s anonymes et des socie ?te ?s en commandite par actions ;
- membre du conseil ou administrateur d’une caisse de se ?curite ? sociale ;
- membre du conseil d’administration d’une mutuelle, union ou fe ?de ?ration mentionne ? ;
- conseiller du salarie ? inscrit sur une liste dresse ?e par l’autorite ? administrative et charge ? d’assister les salarie ?s convoque ?s par leur employeur en vue d’un licenciement ;
- conseiller prud’homme ;
- de ?fenseur syndical.

Le principe selon lequel aucun changement dans ses conditions de travail ne peut e ?tre impose ? a ? un repre ?sentant du personnel sans son accord s’applique a ? la mise en cho ?mage partiel.
L’employeur doit donc recueillir l’accord des salarie ?s pre ?alablement a ? leur placement en activite ? partielle.
A de ?faut, il ne peut leur imposer et doit soit renoncer a ? l’activite ? partielle a ? leur e ?gard, soit envisager leur licenciement en respectant la proce ?dure spe ?cifique (autorisation Inspecteur du travail), a ? de ?faut de quoi le licenciement serait nul.

Est-il possible de mettre en cho ?mage partiel un service et non toute l’entreprise dans son entier ?

L’activite ? partielle est une mesure collective, ce qui signifie que ce dispositif ne doit pas viser un salarie ? particulier.
Elle doit donc viser un groupe bien identifie ? de salarie ?s comme un e ?tablissement, un service, un atelier, une unite ? de production, une e ?quipe charge ?e de la re ?alisation d’un projet, notamment en matie ?re de prestations intellectuelles....

Il est donc possible pour une entreprise de placer un service et non toute son entreprise ou e ?tablissement au cho ?mage partiel.

Cette possibilite ? permet d’ailleurs a ? l’employeur de faire face a ? des baisses temporaires de son activite ? qui seraient « en cascade » en fonction des services.

Les salarie ?s en forfait-jours peuvent-ils pre ?tendre au be ?ne ?fice du cho ?mage partiel ?

Le projet de de ?cret pre ?voit que les salarie ?s en forfait jours seraient e ?ligibles au dispositif du cho ?mage partiel (actuellement cette cate ?gorie de salarie ?s n’est e ?ligible au me ?canisme du cho ?mage partiel qu’en cas de fermeture de l’e ?tablissement).

Arre ?t de travail pour maladie / cho ?mage partiel : comment articuler le versement des indemnite ?s journalie ?res de se ?curite ? sociale et l’allocation de cho ?mage partiel ?

L’employeur effectue une demande de cho ?mage partiel pour son e ?tablissement ou une partie de ses salarie ?s (usines, ateliers...) mais il se trouve que des salarie ?s sont actuellement en arre ?t de travail.
En cas de maladie, le salarie ? ne peut cumuler les allocations d’activite ? partielle avec les indemnite ?s journalie ?res de se ?curite ? sociale. Il be ?ne ?ficiera seulement de ces dernie ?res.
L’employeur doit e ?ventuellement comple ?ter son salaire si le montant des indemnite ?s journalie ?res ne lui permet d’attendre 100% de l’indemnisation qu’il aurait eue en situation d’activite ? partielle.

L’employeur peut-il de ?placer des conge ?s paye ?s au salarie ? ?

Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’employeur ne peut modifier l’ordre et les dates de de ?part moins d’un mois avant la date de de ?part pre ?vue.

Comme l’a indique ? le Gouvernement a ? plusieurs reprises, l’e ?pide ?mie de Coronavirus sur le territoire franc ?ais constitue une circonstance a ? caracte ?re exceptionnel justifiant cette modification des conge ?s paye ?s par l’employeur.

La nouvelle version du « questions-re ?ponses » du Gouvernement du 19 mars 2020 pre ?voit que « Au vu de la situation exceptionnelle, je peux de ?placer les conge ?s que mon salarie ? a pose ?s  » sans parler de ce de ?lai d’un mois. En l’absence d’autres pre ?cisions le ?gales ou gouvernementales, ce de ?lai serait encore applicable.

L’employeur peut-il mettre fin aux conge ?s paye ?s d’un salarie ? sous pre ?texte du de ?but de l’activite ? partielle ?

Dans l’attente de pre ?cisions gouvernementales sur cette question, il est recommande ? de maintenir le salarie ? actuellement en conge ?s paye ?s. Il sera en activite ? partielle au retour de ses conge ?s.

L’employeur peut-il imposer la prise de conge ?s paye ?s au salarie ? ?

Lorsque le salarie ? a acquis des conge ?s paye ?s mais ne les a pas pose ?s, dans ce cas, nous dit le Gouvernement, l’employeur ne peut pas les imposer.
En effet, me ?me si l’activite ? baisse du fait des mesures sanitaires, une entreprise ne peut pas contraindre ses salarie ?s a ? poser leurs jours de conge ?s.

Toutefois, ces positions relatives au fait de modifier ou d’imposer des conge ?s paye ?s, sont a ? nuancer dans la mesure ou ? le projet de loi d’urgence pour faire face a ? l’e ?pide ?mie de covid -19 pre ?voit que :
« Afin de faire face aux conse ?quences e ?conomiques, financie ?res et sociales de la propagation du virus covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment de pre ?venir et limiter la cessation d’activite ? des personnes physiques et morales exerc ?ant une activite ? e ?conomique et ses incidences sur l’emploi, en prenant toute mesure : Modifier les conditions d’acquisition de conge ?s paye ?s et permettre a ? tout employeur d’imposer ou de modifier unilate ?ralement les dates de prise d’une partie des conge ?s paye ?s, des jours de re ?duction du temps de travail et des jours de repos affecte ?s sur le compte e ?pargne- temps du salarie ?, en de ?rogeant aux de ?lais de pre ?venance ».

Le 19 mars 2020, le Se ?nat a adopte ? en premie ?re lecture le projet de loi avec modifications. Le projet de loi doit e ?tre examine ? par l’Assemble ?e nationale le 20 mars 2020.

Si mon employeur n’opte pas pour le cho ?mage partiel, le salarie ? peut-il exercer un droit de retrait ?

Certaines entreprises n’ont pour le moment pas enclenche ? le dispositif du cho ?mage partiel, pour des raisons de poursuite d’activite ?, d’organisation en te ?le ?travail, de tre ?sorerie, etc... Pour autant, le droit de retrait reste un droit individuel et subjectif de chacun de vos salarie ?s.
Le salarie ? doit signaler le risque a ? l’employeur pre ?alablement de se retirer de son poste de travail.

Droit subjectif = il suffit pour le salarie ? d’avoir un motif raisonnable de penser qu’un tel danger existe. Il n’est pas exige ? du salarie ? qu’il rapporte la preuve du caracte ?re re ?el et effectif de la gravite ? du danger

Le droit de retrait, que ?saco ?

- Un salarie ? peut se retirer d’une situation particulie ?re de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle pre ?sente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa sante ?.

- Situation particulie ?re de travail = l’existence d’une pande ?mie grippale ne suffit pas a ? justifier l’exercice du droit de retrait
- Pre ?sentant un danger pour SA vie ou SA se ?curite ? = le retrait ne peut s’effectuer si le risque concerne des personnes exte ?rieures a ? l’entreprise, notamment des usagers.

Un danger grave et imminent, que ?saco ?

Danger « grave » = tout danger ou menace pour la vie ou la sante ? du salarie ? ; susceptible de produire un accident ou une maladie entrai ?nant la mort ou paraissant devoir entrai ?ner une incapacite ? permanente ou temporaire prolonge ?e.

Danger « imminent » = tout danger susceptible de se re ?aliser brutalement dans un avenir tre ?s proche. De ?s lors que la survenance du danger est imminente, il importe peu que le dommage qui en re ?sulte se re ?alise en un instant ou progressivement.

Il est donc primordial que toutes les entreprises aient mis en œuvre les dispositions pre ?vues par le code du travail et les recommandations nationales visant a ? prote ?ger la sante ? et a ? assurer la se ?curite ? de leurs salarie ?s afin de pouvoir re ?pondre aux e ?ventuels droits de retrait qui pourraient e ?tre exerce ?s par le personnel.

Le droit de retrait peut e ?tre le ?gitime ...

Aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut e ?tre applique ?e.
L’employeur ne peut demander au salarie ? de reprendre son activite ? dans une situation de travail ou ? persiste un danger grave et imminent.

... mais il peut aussi e ?tre abusif

- Une retenue sur salaire pour inexe ?cution du contrat de travail peut e ?tre effectue ?e, peu importe que le salarie ? se rende a ? la disposition de son employeur.
- Une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’a ? son licenciement (e ?tant pre ?cise ? que tout abus de droit ne constitue pas ne ?cessairement une faute grave) peut e ?tre prononce ?e a ? l’encontre du salarie ?.

Dans tous les cas, l’appre ?ciation des e ?le ?ments pouvant faire penser que le maintien au poste de travail pre ?sente un danger grave et imminent rele ?ve, le cas e ?che ?ant, du juge qui ve ?rifie le caracte ?re raisonnable du motif.

Les re ?unions du CSE doivent-elles e ?tre maintenues pendant une pe ?riode de cho ?mage partiel et comment les organiser ?

Selon la position du Ministe ?re du travail dans sa dernie ?re version du « questions-re ?ponses » du 19 mars 2020, il serait recommande ? de :

- Maintenir l’information/consultation du CSE notamment sur les questions inte ?ressant l’organisation, la gestion et la marche ge ?ne ?rale de l’entreprise, dont celle relative au recours a ? l’activite ? partielle.
Si l’urgence l’exige, nous dit le Gouvernement, l’employeur peut prendre des mesures conservatoires d’organisation du travail avant d’avoir effectue ? la consultation.

- Privile ?gier les re ?unions par visioconfe ?rence pour e ?viter les contacts physiques, notamment et surtout pour les ordres du jour qui contiendraient une question urgente relative par exemple a ? la situation actuelle et donc a ? la sante ? et se ?curite ? des salarie ?s encore en activite ?.

La visioconfe ?rence, c’est une solution, mais comment la mettre en place ?

Soit, vous disposez de ?ja ? d’un accord collectif autorisant le recours a ? la visioconfe ?rence -> dans ce cas, vous respectez les dispositions de cet accord.
Soit, vous ne disposez pas d’un tel accord -> dans ce cas, la visioconfe ?rence sera possible mais limite ?e a ? 3 re ?unions par anne ?e civile.

Quelles sont les personnes conside ?re ?es comme « a ? risque » et quelles sont les conse ?quences pour l’entreprise ?

Les personnes conside ?re ?es comme a ? risque sont celles qui, du fait de leur situation de sante ?, pre ?sentent un risque de de ?velopper une forme se ?ve ?re de la maladie Covid-19.

Ces personnes sont les suivantes :
• les femmes enceintes,
• les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques (asthme, bronchite chronique...),
• les personnes atteintes d’insuffisances respiratoires chroniques,
• les personnes atteintes de mucoviscidose,
• les personnes atteintes d’insuffisances cardiaques (toutes causes),
• les personnes atteintes de maladies des coronaires,
• les personnes avec ante ?ce ?dents d’accident vasculaire ce ?re ?bral,
• les personnes souffrant d’hypertension arte ?rielle,
• les personnes atteintes d’insuffisance re ?nale chronique dialyse ?e,
• les personnes atteintes de diabe ?te de type 1 insulinode ?pendant et de diabe ?te de type 2,
• les personnes avec une immunode ?pression atteintes de pathologies cance ?reuses et he ?matologiques, ou ayant subi une transplantation d’organe et de cellules souches he ?matopoi ?e ?tiques,
• les personnes avec une immunode ?pression atteintes de maladies inflammatoires et/ou auto- immunes recevant un traitement immunosuppresseur,
• les personnes avec une immunode ?pression infecte ?es par le VIH,
• les personnes atteintes de maladie he ?patique chronique avec cirrhose,
• les personnes pre ?sentant une obe ?site ? avec un indice de masse corporelle (IMC) e ?gal ou supe ?rieur a ? 40.

Si vous avez des salarie ?s relevant de cette cate ?gorie et si aucune solution de te ?le ?travail n’est envisageable, ils peuvent demander un arre ?t de travail directement sur le site declare.ameli.fr et ce sans avoir a ? passer par leur me ?decin traitant ni leur employeur.
Cet arre ?t pourra e ?tre de ?clare ? re ?troactivement a ? la date du vendredi 13 mars 2020.


Maître Eva Nabet