Délais de paiement : de nouvelles règles


Droit


10 février 2009

- La réforme des délais de paiement prévue par la loi de Modernisation de l’économie du 4 août 2008 est entrée en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Les entreprises ne pourront plus convenir avec leurs fournisseurs d’un délai supérieur à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires à compter de l’émission de la facture. Des dérogations sont prévues, sous conditions, pour certains secteurs d’activité. Revue de l’essentiel.

Avec un délai moyen de paiement de 67 jours, la France se classe parmi les mauvais élèves en Europe où le délai moyen est de 57 jours (47 jours en Allemagne , 52 jours au Royaume-Uni ). Les créances clients représentent aujourd’hui 25 % du bilan des PME françaises contre 8 % en Allemagne et sont à l’origine de 21,6 % des défaillances des PME françaises.

Face à un tel constat, le gouvernement a voulu, avec la loi de Modernisation de l’économie du 4 août 2008 (LME), réformer en profondeur les règles applicables aux délais de paiement entre entreprises.

Un plafond légal de portée générale sanctionné civilement

- La mesure « phare » de cette réforme est l’instauration, depuis le 1er janvier 2009, d’un plafond légal de paiement de portée générale qui s’applique en dehors des secteurs déjà réglementés (marchés publics, transports, denrées alimentaires périssables, etc). Ainsi, pour tous les contrats conclus depuis le 1er janvier 2009, et les appels de commande passés à compter de cette date dans le cas des commandes dites « ouvertes », les entreprises ne peuvent plus convenir d’un délai de paiement qui dépasse 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires à compter de la date d’émission de la facture. Le choix entre l’un de ces deux plafonds légaux reste libre. Pour les importations dans certains DOM-COM, le point de départ du calcul du délai est la date de réception des marchandises afin de tenir compte du temps de transport.

De manière assez surprenante, la LME ne prévoit pas de sanctions pénales pour le non-respect du plafond légal mais a ajouté une nouvelle pratique abusive à la liste (déjà longue) de celles énumérées par l’article L. 442-6 du Code de commerce. Ainsi, selon l’article L. 442-6, I, 7° modifié du Code de commerce, celui qui soumettra un partenaire à des conditions de règlement ne respectant pas le plafond légal pourra voir sa responsabilité civile délictuelle engagée et se voir infliger, en cas d’action du ministre de l’Économie, une amende civile dont le montant peut atteindre 2 millions d’euros. Il est également expressément prévu que sera notamment abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d’émission de la facture.

Des dérogations sectorielles pendant une période limitée

Pour permettre à certains secteurs économiques très affectés par cette réforme de s’adapter, la LME a prévu la possibilité de négocier un délai de paiement maximum supérieur au plafond légal par voie d’accords interprofessionnels, sous réserve qu’il existe des raisons économiques objectives et spécifiques au secteur concerné, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks. De plus, l’accord doit prévoir la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l’application d’intérêts de retard en cas de non- respect du délai dérogatoire fixé dans l’accord.

Ces accords dont la durée ne peut, en tout état de cause, dépasser le 1er janvier 2012, doivent être conclus avant le 1er mars 2009. Pour ensuite être reconnus par décret comme satisfaisant à ces conditions, après avis du Conseil de la concurrence (future « Autorité de la Concurrence »). A ce jour, plusieurs dizaines d’accords ont déjà été conclus dans des secteurs très divers (jouet, textile, bâtiment et travaux publics, papeterie, bricolage, livres, pneumatique, sanitaire-chauffage, etc). La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) en a déjà transmis une dizaine au Conseil de la concurrence qui est en train de les examiner.

Augmentation des pénalités de retard et contrôle des commissaires aux comptes

- Pour tenter de rendre plus dissuasives les pénalités de retard, la LME a relevé sensiblement le seuil minimum légal des pénalités de retard qui doivent obligatoirement être prévues dans les Conditions générales de vente, sous peine de sanctions pénales. Depuis le 1er janvier 2009, ce seuil est passé à trois fois le taux d’intérêt légal (1,5 fois auparavant). On peut se demander si ce relèvement permettra une application plus significative des pénalités de retard qui, en 2005, n’étaient appliquées que dans 11 % des cas en France contre 54 % en Allemagne, 39 % en Belgique et 25 % en Espagne.

Pour veiller au respect du plafond légal, la LME instaure également une nouvelle obligation d’information à la charge des sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes. Ainsi, pour leurs exercices comptables ouverts à compter du 1er janvier 2009, celles-ci ont l’obligation de publier des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs suivant des modalités fixés par le décret n°2008-1492 du 30 décembre 2008. Ces informations feront l’objet d’un rapport du commissaire aux comptes qui devra l’adresser au ministre de l’Economie s’il démontre, de façon répétée, des manquements significatifs au plafond légal ou au plafond dérogatoire.

Ce nouveau rôle de révélation des commissaires aux comptes devrait, selon le législateur, inciter les entreprises à une stricte application de la réglementation en matière de délais de paiement.