Quid des audiences de ventes aux enchères immobilières durant le confinement ? Le point avec Maître Frédéric Kieffer


Droit


1er avril 2020

Notre journal d’annonces légales publie pour ses abonnés chaque semaine les ventes aux enchères immobilières du département et a créé la première application mobile référençant les ventes aux enchères immobilières nationales. Depuis le début du confinement, les abonnés à nos services "ventes aux enchères" ont été très nombreux à nous contacter pour savoir ce qu’il allait se passer concernant les audiences annulées. Maître Frédéric Kieffer, Avocat associé de la SCP Kieffer Monasse & Associés spécialiste des Ventes aux enchères immobilières judiciaires, après concertation avec le bâtonnier Fabrice Maurel du Barreau de Grasse, a accepté de répondre à nos questions pour expliquer à nos abonnés et lecteurs ce qui a été prévu dans le cadre de la Loi d’urgence.

Maître Kieffer, les audiences de ventes aux enchères immobilières ont été annulées, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Tout simplement parce dans une circulaire du 14 mars 2020 relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie, la Chancellerie a présenté le plan de continuation d’activité des tribunaux, lequel précise qu’à compter du lundi 16 mars 2020, les juridictions seront fermées, sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels ainsi énumérés :
- les audiences correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire ;
- les audiences de comparution immédiate ;
- les présentations devant le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ;
- les audiences du juge de l’application des peines pour la gestion des urgences ;
- les audiences du tribunal pour enfants et du juge pour enfant pour la gestion des urgences, notamment pour l’assistance éducative ;
- les permanences du parquet ;
- les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence, et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales (notamment immeubles menaçant ruine, éviction conjoint violent) ;
- les audiences auprès d’un juge des libertés et de la détention civil (hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers) ;
- les permanences au tribunal pour enfants, l’assistance éducative d’urgence ;
- les audiences de la chambre de l’instruction pour la détention ;
- les audiences de la chambre des appels correctionnels et de la chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences.

La saisie immobilière n’en fait pas partie et il était donc impossible de vendre aux enchères dans un tribunal fermé.

Que va-t-il se passer pour les biens immobiliers qui devaient être mis en vente aux enchères entre le 16 mars et le 15 avril (période de confinement) ?

Une très grande liberté a été laissée aux chefs de cours et président des juridictions pour organiser les autres contentieux non essentiels lorsque le personnel présent (magistrats et greffiers) et les conditions de sécurité sanitaire sont assurées. Ainsi la circulaire prévoie que les magistrats et agents de greffe qui ne participeront pas aux contentieux essentiels devront, dans la mesure du possible, poursuivre leur activité en télétravail. Les personnels pour lesquels une telle activité est impossible seront placés en autorisation spéciale d’absence.

À ce jour, du moins pour les juridictions de Grasse et Nice, les adjudications prévues entre les 15 mars et le 15 avril ont fait ou feront l’objet d’un report fondé sur la force majeure, report prévu par l’article R.322-28 du Code de procédure civile.
- Pour une illustration, le juge de l’exécution de Grasse a reporté les adjudications du 19 mars à une audience de vente créée spécialement à cet effet le 23 juillet prochain.

En outre, il est important de préciser qu’en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, vingt-cinq ordonnances du 25 mars 2020 ont été publiées au journal Officiel le 26 mars, deux d’entre-elles concernent les procédures (les ordonnances n° 2020-304 et 306). Pour la procédure de saisie immobilière, l’article 2 II 3° de l’ordonnance n° 2020-304 dispose que les délais sont suspendus pendant la période d’état d’urgence sanitaire. C’est important pour l’organisation de publicités légales.

Si une personne avait donné mandat à son avocat pour le représenter pour une audience précise et que cette dernière a été annulée, que se passe-t-il ?

Le mandat étant spécial, il conviendra que le client, une fois la nouvelle date de vente connue, renouvelle le mandat. À défaut, puisque la vente n’a pas eu lieu à la date convenue, le mandat perd son effet et l’avocat devra restituer à son client le chèque de banque représentant les 10 % de la mise à prix.

Lorsque le confinement va être levé, pensez-vous que les audiences vont reprendre rapidement ? Les visites des biens étant prévues plusieurs jours avant l’audience de vente, peut-on imaginer que les toutes les ventes dont les visites n’ont pu être faites en raison du confinement seront également reportées ?

C’est le bon sens. En principe, la majorité des situations pourra être réglée par les dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 avec la suspension des délais, leur computation ne reprenant, selon les termes des textes, qu’un mois après la cessation de l’état d’urgence (pour l’instance ce serait donc le 24 juin, puisque l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 fixe cet état à deux mois à compter du 24 mars). Dans les situations qui seraient à la marge, il est permis de penser que les juges de l’exécution feront preuve de bon sens ; si, en raison de cette situation unique et historique, des visites n’ont pu avoir lieu, ils ordonneront vraisemblablement un report de la vente dans l’intérêt de tous : partie saisie, adjudicataires éventuels et créanciers. Ce serait là le souci d’une bonne administration de la justice.

Quel conseil donneriez vous aux personnes intéressées par les ventes aux enchères ?

En premier lieu, de respecter les consignes sanitaires pour que nous puissions reprendre nos activités respectives au plus vite ; en second lieu de rester en contact avec leur avocat pour connaître l’évolution de la vente qui les intéressait.


Valérie Noriega