Covid-19 : compte-rendu de l’entretien du CNB et de la Conférence des Bâtonniers avec la Garde des Sceaux


Droit


1er avril 2020

Les représentants des avocats ont échangé avec la garde des Sceaux sur l’épidémie et la situation avocats.

La présidente du CNB, la présidente de la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris se sont entretenus ce jour, mardi 31 mars 2020, pendant 1h30 avec la ministre de la justice et ses équipes pour faire le point sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le fonctionnement de la justice et l’activité des avocats.

Sur la protection sanitaire due aux justiciables et aux acteurs de justice

Les représentants des avocats ont alerté une fois encore la ministre sur la nécessité d’apporter une protection sanitaire optimale aux justiciables et à tous les acteurs de justice dans les enceintes de tribunaux, des prisons et des commissariats.

La ministre a annoncé la mise à disposition dès aujourd’hui de 4 000 litres de gel hydroalcoolique dans les tribunaux. Des masques seraient également mis à disposition mais sous des délais qui n’ont pas été précisés.

Concernant les parloirs des prisons, elle a évoqué l’usage des espaces protégés par les vitres Plexiglas et confirmé la possibilité de mettre en place des échanges téléphoniques entre l’avocat et son client en détention. La question des appels téléphoniques sur le numéro de portable des avocats par les gardés à vue n’a en revanche pas trouvé de réponse.

Les délais de mise en œuvre de ces mesures annoncées par la ministre sont évidemment essentiels et la présidente du CNB, la présidente de la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Pari en suivront le déploiement de façon très attentive.

Sur l’activité judiciaire

1. Sur les délais  : Le directeur des affaires civiles et du Sceau a réaffirmé que le sens de l’ordonnance consistait à “geler” les délais de procédure pendant toute la période d’urgence sanitaire, sous réserve de dispositions particulières prévues par les ordonnances du 25 mars 2020 auxquelles les avocats sont invités à se reporter.

2. Sur le renouvellement des clés RPVA  : La ministre s’est engagée à assouplir les conditions de renouvellement et à éviter de passer par des envois de dossiers papier par voie postale. Un avenant sera proposé dans les jours qui viennent par le ministère au CNB pour que ces échanges puissent être effectués par voie dématérialisée et que les demandes de renouvellement de clés puissent être reçues et donc traitées.

3. Sur les plans de continuation d’activité : Le représentants ont regretté l’hétérogénéité des dispositions prises en France en fonction des juridictions et fait remonter à la ministre vos difficultés tenant à des organisations disparates et fluctuantes selon les juridictions, parfois même au sein du ressort d’un même barreau. La ministre indique que les moyens et l’organisation des tribunaux n’étant pas identiques, ce traitement local s’impose le temps de la crise.

Sur la situation économique des avocats

1. Sur la question du chômage partiel : La ministre nous a confirmé que les collaborateurs libéraux n’étaient pas éligibles au chômage partiel.

Par ailleurs les représentants ont appelé l’attention de la ministre sur les difficultés que rencontrent certains cabinets avec l’application du chômage partiel pour leurs salariés, notamment avec certaines DIRECCTE. La ministre s’est engagée à produire un écrit confirmant l’application de cette disposition aux salariés des cabinets d’avocats.

2. Fonds de solidarité pour les indépendants  : Le gouvernement a pris en compte une partie des demandes de la profession et a introduit dans les conditions de déclenchement du fonds de solidarité la notion de bénéfices non commerciaux (voir décret publié ce jour au JO n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation).
Cet ajout permettra aux avocats ou à leurs collaborateurs les plus touchés par la crise économique de pouvoir prétendre à l’aide économique prévue par ce fonds. Le gouvernement a également pris en compte nos demandes et a accepté de porter le seuil du bénéfice ouvrant droit au fonds de 40 000 euros à 60 000 euros.
Si ces conditions doivent permettre de couvrir un plus grand nombre d’avocats que ce que la première version du décret laissait présager, l’avocat qui souhaite bénéficier de ce fonds devra néanmoins remplir les conditions exigées par ce décret et notamment :
- Avoir subi une perte de chiffre d’affaires (en termes de facturation, c’est-à-dire d’activité) d’au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, cette période étant susceptible d’être étendue au mois d’avril si les mesures de confinement perdurent ;
- Un effectif inférieur ou égal à dix salariés ;
- Un chiffre d’affaires hors taxes lors du dernier exercice clos inférieur à un million d’euros ou proratisé pour un début d’activité inférieur à 12 mois mais ayant débuté avant le 1er février 2020 ;
- Un bénéfice imposable, augmenté le cas échéant, pour les structures soumises à l’IS, des sommes versées au dirigeant au titre du dernier exercice clos, inférieur à 60 000 euros.

Les bénéficiaires percevront sur demande une aide forfaitaire de 1 500 euros (ou une aide égale à leur perte de chiffre d’affaires si celle-ci est inférieure à 1 500 euros). La demande d’aide devra être réalisée par voie dématérialisée, au plus tard le 30 avril.

Il faut cependant remarquer que ces seuils risquent d’écarter de nombreux avocats, notamment les collaborateurs libéraux, du bénéfice de ce dispositif sur lequel des précisions doivent encore être apportées.

Sur la durée des mesures d’urgence sanitaires

La présidente du CNB, la présidente de la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris ont enfin signifié à la ministre que les mesures de la loi d’urgence sanitaire ne devaient pas permettre l’introduction dans le droit commun de dispositions attentatoires aux libertés fondamentales.
La ministre a souhaité rappeler que le gouvernement n’avait aucune volonté de prolonger ces mesures provisoires après la fin de la crise sanitaire. Le représentants lui ont signifié qu’ils resteraient extrêmement vigilants sur ces points. Ils ont également renouvelé leurs inquiétudes sur les conditions réservées aux personnes en détention provisoire.

Datajust

Enfin, la ministre a indiqué que la publication du décret “DataJust” était une “erreur temporelle”. Les représentants ont fait état de leur surprise et de leur incompréhension et de la volonté de la profession d’attaquer ce décret devant le Conseil d’État en raison des risques qu’il recèle sur l’instauration d’un barème en matière de réparation des préjudices corporels et de création d’un fichier comportant des données personnelles hors le cadre du RGPD.

Les échanges avec la Chancellerie vont se poursuivre pour gérer au jour le jour les conséquences de cette crise inédite.
Une nouvelle rencontre est prévue la semaine prochaine qui permettra de rendre compte de la mise en place effective de ces mesures.


Valérie Noriega