Tribunaux : accusé coronavirus, levez-vous !


Droit


11 avril 2020

Comment faire fonctionner les juridictions le mieux possible en cette période de crise sanitaire ? C’est une des questions de fond qui a été posée hier (vendredi) à Nicole Belloubet lors de son audition devant la commission d’information du Sénat. Philippe Bas, président de la commission des lois, et avec lui les sages réunis en visioconférence, ont voulu savoir si l’état d’urgence sanitaire ne créait pas des entorses au respect des libertés fondamentales.

Le respect des libertés fondamentales

« L’état d’urgence permet au gouvernement de prendre des mesures qui doivent toujours respecter la conciliation entre protection sanitaire et respect des libertés fondamentales, ce à quoi je m’attache comme garde des Sceaux  » a assuré la ministre. Elle a expliqué que la situation a certes obligé à « adapter le fonctionnement des juridictions au confinement  », à remettre en cause leur fonctionnement, mais toujours « dans le respect de l’état de droit. Par définition, les juridictions sont des lieux où les gens se croisent et se rencontrent -justiciables, magistrats, avocats, greffiers etc. – et la lutte contre l’épidémie est fondée avant tout sur la distanciation entre les personnes. Nous avons dû fermer les tribunaux au public et adapter les procédures afin de limiter les contacts à l’indispensable. Dans le même temps, il était impératif d’assurer le maintien des activités essentielles et le traitement du contentieux prioritaire ».

Faire valoir ses droits pendant le confinement

Mme Belloubet a indiqué que la « quasi disparition » de la délinquance de rue pour cause de confinement a logiquement fait baisser l’activité pénale des juridictions. Mais celles-ci doivent maintenant faire face à de nouveaux délits (vols de masques et de respirateurs, cybercriminalité, non respect des normes de confinement, violences intrafamiliales, etc.) tandis que les contentieux civils sont maintenus avec des ordonnances de protection pour les femmes et les enfants, ainsi que les référés pour prévenir les dommages imminents.
« Il est plus difficile de faire valoir ses droits en période de confinement. Les examens de contentieux au fond sont donc reportés dans leur grande majorité  » a reconnu la ministre. « Les juridictions se sont organisées pour traiter les contentieux qui présentent des situations d’urgence  ». Des ordonnances ont été prises « pour adapter les procédures au temps de la crise, et seulement au temps de la crise  », afin de poursuivre l’activité judiciaire d’urgence sans la tenue d’audience physique, mais dans le respect du droit des parties.

Protection sanitaire des personnels et du public

Concernant la protection sanitaire des personnels et du public, la ministre a rappelé que son administration a mis en avant les gestes barrière sans attendre : « dans les juridictions, l’utilisation des espaces des salles d’audience et de la vidéoconférence permettent de réduire le présentiel au minimum  ». Dans les établissements pénitentiaires, les protocoles ont permis de limiter la dissémination du virus puisque selon la ministre 60 détenus seulement ont été testés positifs alors que deux décès sont à déplorer. Chez les personnels en revanche, la note est plus lourde avec 900 agents qui présentent des symptômes et qui sont consignés à domicile. Et ce malgré la distribution de 260 000 masques « dès le 28 mars » pour les pénitentiaires et pour la PJJ. Dans huit établissements a débuté la fabrication de masques homologués « lavables et réutilisables » et qui serviront notamment «  à doter les tribunaux ».
Le rallongement des délais de détention provisoire a également suscité des interrogations que Mme Belloubet s’est attachée à dissiper. La veille, le Syndicat de la Magistrature avait lancé à ce sujet un communiqué cinglant après avoir été débouté, avec des associations d’avocats et de défense de droits de l’homme, par le Conseil d’État.


Jean-Michel Chevalier