COVID-19 : Promesses de vente et conditions suspensives de financement


Paroles d’expert


20 avril 2020

Les dispositions des ordonnances qui ont été publiées dans ce contexte de crise sanitaire ont suscité de nombreuses interrogations pratiques. Les différents articles qui se sont succédés dans les revues spécialisées en sont notamment le témoignage indéniable.

Par Me Cyril SABATIE, Avocat spécialiste en droit immobilier, Ancien Directeur juridique de la FNAIM

Si l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020, à vocation interprétative, a notamment précisé qu’étaient exclus de la prorogation légale les délais de rétraction (SRU et HAMON notamment) et de réflexion, restait en suspens la question des conditions suspensives, notamment de financement.

En effet, une des questions qui suscite encore l’interrogation des professionnels de l’immobilier, concerne les conditions suspensives stipulées dans les promesses de vente signées avant la période de crise sanitaire et dont le terme arrive à échéance pendant la période dite « juridiquement protégée » (jusqu’au 24 mai 2020 à ce jour).

Comme nous l’avions précédemment précisé, l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, instaurant cette prorogation des délais, ne concerne que les « acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement ».

À titre d’exemple, le délai octroyé au bénéficiaire pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente (PUV) à peine de caducité et de perte de l’indemnité d’immobilisation n’est pas prorogé ; quand bien même ce délai expire pendant la période « juridiquement protégée ».

À l’inverse, bien que purement contractuelle, la condition suspensive de financement et les conditions de sa validité sont notamment régies par le Code de la consommation (article L.313-41). Ainsi, certains auteurs ont pu considérer que ces conditions, au regard du délai légal qu’elles comportent, étaient soumis à la protection de l’ordonnance précitée.

Dans une note publiée par le Ministère de la justice, datée du 16 avril dernier, la Direction des affaires civiles et du sceau précise que ces conditions ne sont en réalité pas concernées par les ordonnances susvisées.

Selon les termes de cette note « Cette condition suspensive (de prêt - ndlr) reste en effet d’origine contractuelle, même si la loi aménage cette condition. La loi prévoit seulement qu’en cas de financement de la vente par un prêt, l’obtention de ce prêt doit être une condition suspensive du contrat. Pour autant la condition reste contractuelle ; en outre la loi impose seulement un délai minimal pour l’accomplissement de cette condition, fréquemment allongé contractuellement. Au demeurant le mécanisme de la condition suspensive n’est pas un acte prescrit par la loi ou le règlement à peine de sanction  ».

Par conséquent, les conditions suspensives d’obtention d’un ou plusieurs prêts dont les délais de réalisation arrivent à échéance pendant la période juridiquement protégée ne sont pas prorogées.

Il appartiendra donc aux parties de renégocier les délais de lever de cette condition, compte tenu notamment des difficultés bancaires actuelles, afin d’allonger éventuellement le délai contractuellement prévu.

A défaut, à l’issue de cette période juridiquement protégée se posera, à n’en pas douter, la question de la mise en œuvre des clauses pénales stipulées dans les promesses, aux torts des acquéreurs.

Du contentieux en perspective, d’autant que la note précitée n’a pas de valeur normative et que les magistrats pourront avoir une lecture différente de ces ordonnances et de leur portée…

Retrouvez le précédent article de Me Cyril Sabatié "COVID-19 : Ventes immobilières & délais"


Maître Cyril Sabatié Avocat à la Cour