Reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle : ce que l’on sait ( et ce que l’on ne sait pas)


Paroles d’expert


23 avril 2020

"Aux soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle et c’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus", tels ont été les propos tenus par le Ministre des solidarités et de la santé le 23 mars 2020.

Si cette déclaration peut être légitime compte tenu des risques pris par les soignants, elle peut être lourde de conséquences pour notre très cher droit du travail qui ne compte plus les de bouleversements vécus ces dernières semaines —> ANALYSE.

—> ZOOM SUR LA MALADIE PROFESSIONNELLE

- Une maladie professionnelle, c’est quoi exactement ?
Une maladie est "professionnelle" lorsque :
Soit, elle est la conséquence de l’exposition du travailleur à un risque à l’occasion de l’activité professionnelle (exposition à des agents toxiques, notamment),
Soit, elle résulte des conditions dans lesquelles ce travailleur a effectué son travail (tels que les TMS, ou Troubles musculo-squelettiques).

- La reconnaissance du caractère « professionnel » de la maladie
Qui déclare ?
A la différence d’un accident du travail, la maladie professionnelle est déclarée par le salarié via un imprimé réglementaire auprès de sa caisse de sécurité sociale.
Le salarié déclare, la CPAM instruit le dossier. Dès réception de la déclaration de la maladie professionnelle, la CPAM :
remet une « feuille d’accident du travail ou de maladie professionnelle » à la victime, informe l’Inspecteur du travail chargé de la surveillance de l’entreprise, informe l’employeur et le médecin du travail en leur adressant un double de la déclaration.

La maladie peut être présumée professionnelle si elle correspond à la nomenclature décrite par les tableaux des maladies professionnelles lesquels répertorient notamment la désignation de la maladie, son délai de prise en charge, ou encore la description des travaux accomplis par le salarié, susceptibles de provoquer la maladie.
Pour les maladies « hors tableaux », la place sera laissée à l’expertise individuelle.

Quelles sont les principales conséquences d’une maladie reconnue « professionnelle » après instruction de la CPAM ?
- Des conséquences pour la victime :
Prise en charge totale des soins médicaux,
Attribution d’indemnités journalières (sous réserve d’une incapacité temporaire de travailler médicalement constatée et d’une perte de rémunération du fait de la maladie),
Attribution de rentes ou de capital en cas d’incapacité permanente de travail.
- Des conséquences aussi pour l’employeur :
un impact éventuel sur le taux de cotisation AT/MP. En effet, lorsque le nombre de maladies professionnelles augmente dans l’entreprise, la cotisation employeur augmente également.

Pour rappel, une entreprise qui a un effectif de moins de 20 salariés aura une tarification collective. Cela signifie qu’elle dépend directement du nombre et de la gravité des maladies professionnelles survenues dans l’ensemble des entreprises exerçant la même activité.

—> UNE MALADIE PROFESSIONNELLE SEULEMENT POUR LE PERSONNEL SOIGNANT ?

De la déclaration du Ministre des solidarités et des santés, beaucoup de questions en découlent.

Qui sera concerné par la possibilité de déclarer une maladie professionnelle ?
Reprise par de nombreux journaux, le Ministre des solidarités et de la santé a clairement indiqué que le Covid-19 sera reconnu comme maladie professionnelle pour « tous les soignants qui tombent malades ».

Combien de soignants seraient considérés ?
Bien que cette mesure concernerait tous les personnels soignants, il est difficile pour le moment de déterminer le nombre exact de personnes visées.

Et pour le personnel qui n’est pas « soignant » (chantiers, commerces), et qui peut avoir contracté le virus, ce dispositif peut-il leur être applicable ?
Le Ministère des solidarités et de la santé semble, pour l’heure, réserver ce dispositif au personnel de santé.
Beaucoup décrivent cette mesure comme un geste de l’exécutif pour faire face aux risques pris par le personnel soignant.
Mais d’autres demandent, naturellement, que cette prise en charge exceptionnelle soit étendue à d’autres secteurs qui prennent des risques différents mais tout aussi importants.

C’est pour cela que des voix se sont élevées (du Ministère de l’Intérieur, en passant par l’Académie de médecine aux syndicats) pour étendre ce dispositif :
- aux « personnels du Ministère »
- « à ceux qui travaillent pour le fonctionnement indispensable du pays, qui ont subi des conséquences graves du fait du Covid-19 » (comme le secteur de l’alimentation, des transports et de la sécurité),
- aux agents publics.

Lors des questions au gouvernement du 21 avril, le Ministre des solidarités et de la santé a toutefois précisé que « les autres professionnels seront en revanche soumis aux « procédures classiques », qui impliquent la saisine d’un « comité médical » chargé de dire si la contamination peut bel et bien être considérée comme une maladie professionnelle  ».

L’imputabilité ne serait donc pas automatique pour ces personnes…du moins pour le moment.

Mais si pour le moment pas plus de réponse n’est apportée à toutes ces questions, il est fort à parier que les réflexions sont en cours.
Cela nous donnera l’occasion de nous y pencher de nouveau !


Maître Eva Nabet