Indemnisation de l’activité partielle : un mécanisme aux multiples subtilités


Paroles d’expert


1er mai 2020

Pour faire face aux nouvelles contraintes liées à la pandémie du COVID 19 et à la baisse d’activité en découlant, de nombreuses entreprises ont recours au dispositif d’activité partielle (anciennement dénommé « chômage partiel »). Une fois l’autorisation obtenue, une application concrète doit être faite sur les bulletins de salaire des salariés. Explications par Céline Bauer, présidente du groupe de travail Ressources humaines d’Absoluce.

Si jusqu’ici l’indemnisation du chômage partiel n’avait pas été retouchée, il faut avouer que, depuis un peu plus d’un mois, les praticiens de la paie s’arrachent les cheveux face à une profusion de textes qui se superposent, se complètent ou encore se contredisent. De quoi ajouter de la complexité à un domaine qui était déjà loin d’en manquer !

Pas de principe sans exceptions

Selon le Code du travail, seules les heures chômées en deçà de 35 heures par semaine sont indemnisées par l’employeur au taux horaire de 70 % de la rémunération brute antérieure. Cependant, la vie du contrat de travail est loin d’être un long fleuve tranquille et tous les salariés ne sont pas soumis à la durée légale du travail.

- Dans un premier temps, le décret 2020-346 du 27 mars 2020 a ouvert aux salariés bénéficiant d’heures d’équivalence la possibilité de prendre en compte lesdites heures dans le cadre du chômage partiel. La possibilité de recourir au chômage partiel a également été élargie aux salariés en forfait annuel en heures ou en jours et, plus généralement, aux salariés sans référence horaire et ce, même si l’entreprise n’est pas totalement fermée.

- Le décret 2020-435 est ensuite venu, le 16 avril dernier, apporter de nombreuses précisions sur les modalités de calcul de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle (détermination du nombre d’heures à retenir, prise en compte des éléments variables, etc.).

- En outre, depuis l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020, sont également indemnisables : les heures au-delà de 35 heures si elles ont été prévues par une convention de forfait en heures, conformément aux articles L. 2131-56 et L.3121-57 du Code du travail, dûment conclue avant l’entrée en vigueur du texte.
Il en est de même pour les heures effectuées au-delà de la durée légale en application d’un accord collectif ; tel est le cas notamment de bon nombre de salariés de la branche HCR (Hôtels, Cafés et Restaurants).
Enfin, pour les salariés en contrats de professionnalisation ou d’apprentissage qui perçoivent une rémunération brute inférieure au SMIC, l’indemnisation ne se fera pas sur 70 % de leur taux horaire mais bien sur le pourcentage du SMIC qui leur est applicable au titre des dispositions du Code du travail ou, s’il y a lieu, des dispositions conventionnelles applicables à l’entreprise (ordonnances 2020-428 du 15/04/2020 - article 6).

Taux horaire de l’indemnité d’activité partielle : de nombreux paramètres à prendre en compte

Si, de prime abord, le texte semble simple, son application souffre d’innombrables nuances. Ainsi, si on fait référence au « taux horaire », encore faut-il savoir le déterminer. Les « questions-réponses », mis à jour régulièrement par le ministère du Travail, est une mine d’informations, même si de nombreuses interrogations restent toujours sans réponse.

En effet, l’article R.5122-18 du Code du travail fait référence à la rémunération brute servant d’assiette de calcul à l’indemnité de congés payés (sur la base du maintien de salaire). Dans sa version du 10 avril 2020, les « questions-réponses » du gouvernement précisent que la formule à appliquer est la suivante :

Indemnité d’allocation partielle = nombre d’heures x taux horaire de référence x taux de maintien

Pour déterminer les taux horaires bruts de référence, la rémunération brute de base doit être prise en compte et inclure toutes les primes impactées par l’absence chômage partiel du salarié et ceci même si elles ne sont pas versées mensuellement. Pour ces dernières, le ministère préconise une moyenne sur les douze mois précédant la mise en activité partielle.

Sont en revanche expressément exclus  : les remboursements de frais professionnels, l’intéressement, la participation, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et les primes non impactées par le chômage partiel.

Une précision supplémentaire a été apportée
 : « La rémunération à prendre en compte est celle que le salarié aurait perçue dans le mois, hors heures supplémentaires et leur majoration. » Le calcul du taux horaire brut de référence se fait donc en divisant la rémunération de référence par le nombre d’heures mensuelles correspondant à la durée légale sur la période considérée (151,67 heures sur le mois) ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat.

Quelles assiettes de cotisations prévoyance/santé/retraite supplémentaires ?

Avec le développement massif de l’activité partielle liée au COVID-19, il a été jugé essentiel que les salariés en activité partielle puissent continuer à bénéficier d’une couverture complémentaire de santé, de prévoyance (incapacité, invalidité, décès) et de retraite supplémentaire.

Par un communiqué de fin mars, trois fédérations d’organismes complémentaires, regroupant les institutions de prévoyance, les mutuelles et les sociétés d’assurances, indiquaient que « les indemnités versées au titre de l’activité partielle » tout comme « les allocations complémentaires d’activité partielle » devaient être incluses dans les assiettes servant au calcul des cotisations de la prévoyance, de la complémentaire santé et de la retraite supplémentaire sauf indication contraire de l’organisme complémentaire.

Cette consigne a été rectifiée et diffusée le 8 avril sans pour autant aller dans le sens de la clarification et de la simplification, puisque notamment l’allocation complémentaire d’activité partielle ne serait finalement pas à inclure dans les bases.

Il est à noter que certains secteurs d’activité comme les hôtels-cafés-restaurants assurés par Klésia, Malakoff Humanis, OCIRP et Audiens bénéficient d’une exonération de cotisations de mutuelle et de prévoyance pour le second trimestre 2020 tout en continuant à bénéficier des prestations.

Cependant, pour la plupart des secteurs, la décision n’est pas clairement affichée. En fonction de leurs retours, un traitement correctif de régularisation des cotisations de prévoyance devra être opéré sur les bulletins de salaire à venir.

Encore de nombreuses questions...

Si l’abondance de textes laisse penser que le gouvernement a pris en compte toutes les spécificités, il y a encore de nombreuses zones d’ombres à éclaircir et donc de nouveaux textes en attente.


Valérie Noriega