Simplification administrative : haro sur le papier


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6 mars 2012

Le bulletin de paye ? Trop long. Les déclarations aux administrations ? Trop complexes. La loi de simplification administrative, votée fin février, s’attaque à ces charges qui pèsent sur les entreprises, annonce Frédéric Lefebvre, chargé des PME au sein du gouvernement, qui en fait un argument de campagne électorale.

Il est toujours plus facile de voter des lois que de simplifier la législation existante. Depuis quelques années, toutefois, les gouvernements occidentaux se livrent à des exercices de simplification administrative, un peu comme les personnes qui ont pris trop de poids acquièrent un abonnement en salle de sport. Le Canada, le Danemark ou les Pays-Bas ont ainsi mené des politiques ambitieuses dans les années 1990 et 2000. En France, le gouvernement Jospin s’était attelé à cette tâche, tout comme ses successeurs. En 2007, les ministres de Nicolas Sarkozy ont promis aux entreprises « une loi de simplification par an ».
En avril 2011, engagé sur cette lancée, Frédéric Lefebvre, récemment nommé secrétaire d’Etat en charge des PME, animait des « Assises de la simplification », entouré du député UMP Jean-Luc Warsmann, président de la commission des Lois, et de l’homme d’affaires Jean-Michel Aulas, dirigeant de société et président du club de football l’Olympique lyonnais. «  C’est la première fois qu’une démarche de simplification associait dès le départ le gouvernement, le parlement et le monde de l’entreprise », assure aujourd’hui Frédéric Lefebvre, alors que la loi issue de ces « Assises » a été définitivement adoptée.

Le texte, voté par l’Assemblée nationale le 29 février, constitue le quatrième du genre depuis 2007, ce qui fait dire à Jean-Luc Warsmann que l’engagement d’une loi par an « a été rempli ». La dernière fournée comporte « 145 mesures » dont l’effet sur l’économie « a été chiffré par le cabinet Ernst & Young à 1 milliard d’euros », affirme Frédéric Lefebvre. Le coût de ce que l’OCDE appelle l’« impôt papier », en référence aux formulaires que doivent régulièrement remplir les chefs d’entreprise, représente « 3 à 4% du PIB », poursuit le secrétaire d’Etat.

Feuille de paye

La loi vise essentiellement à « supprimer du droit français des obligations qui freinent le développement », détaille Jean-Luc Warsmann. L’une des mesures concerne le rapport de gestion, un document établi chaque année et qui doit être rendu public depuis la transposition en droit français d’une directive européenne de 1978. Or, selon le député, le texte européen n’oblige aucunement les entreprises à publier le rapport de gestion. « On a surtransposé la directive », déplore-t-il, en annonçant la suppression de cette obligation.
Une autre mesure phare de la loi concerne le bulletin de paye, devenu plus long et plus complexe au fil des ans. « Les lignes figurant sur ce document sont gérées par des autorités différentes qui évoluent régulièrement et modifient à leur gré un taux, un plafond ou une assiette », résume Jean-Luc Warsmann. Le Parlement aurait pu voter une simplification radicale, exigeant par exemple que les employeurs ramènent le nombre de lignes à cinq, charge à elles d’effectuer les calculs nécessaires. Le député affirme avoir évacué cette « voie de la facilité » pour préférer la solution consistant à « regrouper les assiettes, ligne par ligne », un travail qui « prendra plusieurs années », car il s’agit de contacter et de convaincre chaque autorité concernée.

Frédéric Lefebvre revendique une vision pragmatique de l’économie. « Nous sommes allés chercher les idées sur le terrain, dans les entrepôts, dans les magasins », se vante-t-il. C’est sans doute au cours de ces tournées que les chefs d’entreprise ont déploré d’avoir à transmettre régulièrement les mêmes documents à diverses administrations. Désormais, annonce Jean-Luc Warsmann, les entrepreneurs pourront compter sur l’« armoire sécurisée numérique », une plate-forme informatique où seront enregistrées l’ensemble des informations concernant les entreprises. « Cela va remplacer trente déclarations ! », se réjouit le député, qui loue « le gain de temps et d’argent pour tout le monde, sauf peut-être pour les éditeurs de logiciels ».

Références littéraires

Le texte comporte aussi plusieurs mesures sectorielles. Ainsi, la notion de profession libérale aura-t-elle désormais, comme l’avait annoncé Nicolas Sarkozy, une définition juridique unique en dépit de la diversité des activités concernées et des statuts. Par ailleurs, afin d’assouplir le travail dans une exploitation agricole, la loi dispense les agriculteurs retraités de permis pour conduire un tracteur. Enfin, soucieux de s’attirer les grâces des chauffeurs routiers, Jean-Luc Warsmann a défendu une mesure consistant à autoriser les charges de 44 tonnes pour cinq essieux, au lieu de six essieux jusqu’à présent. Destinée à renforcer les entreprises de transport françaises face à leurs concurrents européens, la mesure a été vigoureusement débattue à l’Assemblée nationale. Des députés écologistes estimaient notamment que l’alourdissement des charges sur les semi-remorques constituera une menace pour la sécurité routière tout en contribuant à dégrader les routes, aux frais de la collectivité.

Frédéric Lefebvre balaie d’un revers de main les états d’âmes de l’opposition. Manifestement à l’aise lorsqu’il est en campagne électorale, le secrétaire d’Etat dénonce « la duplicité de François Hollande », qui a refusé, comme les autres députés de son groupe, de voter le texte de simplification. Le candidat socialiste n’aurait pas le même discours « lorsqu’il rencontre un chef d’entreprise et au moment de voter une loi », affirme Frédéric Lefebvre. Et pourtant, selon lui, « le grand souffle de la simplification » devrait permettre à la France de contrer les attaques des « dragons » asiatiques. Le secrétaire d’Etat, qui s’était fait remarquer, l’an dernier, en confondant le roman de Voltaire « Zadig » avec la marque de prêt-à-porter « Zadig et Voltaire », fait pour l’occasion état de nouvelles références littéraires. Cette fois, désireux de décrire la compétitivité internationale, il évoque « le livre d’Alain Peyrefitte, ‘Quand la Chine s’éveillera’, que nous avons tous lu ». Un ouvrage très remarqué au moment de sa sortie, en… 1973.


Olivier Razemon