Viticulture : gueule de bois pour la filière


Economie


2 juin 2020

2020, mauvais millésime pour les vignerons ! On ne veut pas parler de la qualité du vin, mais des conditions économiques qu’ils affrontent depuis quelques mois : entre la surtaxe de 25% imposée par Donald Trump sur les importations, le Brexit qui n’arrange pas les choses, la crise politique à Hong Kong et maintenant la chute des commandes causée par la fermeture des restaurants en raison du Covid-19, il y a de quoi boire le calice jusqu’à la lie.

Bourgogne, Bordeaux, Loire, Provence, Alsace... un tiers de la production française en volume est exportée. Un débouché qui est aujourd’hui complètement... bouché. Et encore plus en valeur, parce que les consommateurs américains, asiatiques et autres achètent surtout du haut de gamme.

La filière, qui "pèse" 500 000 emplois dans l’Hexagone, réclame à Bruxelles un fonds de 300 millions pour compenser le tour de cochon de Trump. Avec l’effet coronavirus, elle chiffre maintenant la "tournée" à 500 millions.
Le gouvernement doit présenter dans les jours qui viennent un plan de soutien, en relation avec l’Europe, qui pour l’instant n’est intervenue qu’à hauteur de 88 millions pour... l’ensemble de la filière agricole. Il y a en effet urgence pour sauver les vignerons qui entrent dans une zone de difficulté. Ils ont besoin de soutien pour pouvoir stocker les grands vins qui ne s’exportent plus (baisse de 50% des ventes aux US depuis la surtaxe) et pour distiller en alcool les entrées de gamme. Mais une aide directe de Bruxelles à la viticulture semble exclue, l’état devra donc mettre la main à la poche.
Les exploitants ont également peu de visibilité avec l’œnotourisme, une nouvelle manne en développement depuis quelques années, puisque l’on ne sait pas de quoi sera fait la prochaine saison estivale.

Ce n’est pas une consolation, mais nos voisins italiens (1er producteur mondial depuis 2015 avec 48 millions d’hectolitres devant la France 42 millions d’hl) se retrouvent dans la même situation. Les ventes dans les supermarchés de la Péninsule ne compensent pas l’export, à l’électro-encéphalo aussi plat que la plaine du Pô. Avant la surtaxe et les diverses crises, quand tout allait bien, les viticulteurs italiens exportaient pour 6,5 milliards quand les Français engrangeaient près de 10 milliards.
Les producteurs des deux pays se retrouvent devant une autre difficulté commune : les chais sont pleins et il faut pouvoir continuer à stocker les meilleurs crus. Pour le Barolo originaire du Piémont voisin, on envisage de mettre en cave dans d’autres régions, ce qui est normalement interdit. Et un peu partout, pour le Chianti comme le Prosecco, on limitera la production, faute de mieux... Santé ?!

Dans les Alpes-Maritimes aussi

Avec un peu plus de 6 000 exploitations et 38 000 emplois, la viticulture occupe la première place de la production agricole de la région Sud-Paca.
Le Var et le Vaucluse représentent 86% des 86 000 hectares de surfaces exploitées qui produisent 4,3 millions de litres.
Dans ce panorama, les Alpes-Maritimes font figure de petit Poucet mais se distinguent par leur renommée.
Le Bellet, l’une des plus petites AOP avec 60 hectares en culture ; AOP urbaine ; le Côte de Provence de Villars-sur-Var ; le vignoble des Îles de Lérins et celui de Saint Jeannet ont su attirer les amateurs par leur qualité et leur typicité qui en font des vins rares et appréciés, très souvent exportés.


Jean-Michel Chevalier