Décentralisation : vers une nouvelle étape et la révision de la constitution ?


Droit


8 août 2020

Les sénateurs ont remis au chef de l’État un rapport de 477 pages pour repenser la décentralisation

Les sénateurs font 50 propositions concrètes au chef de l’état pour confier davantage de responsabilités aux collectivités locales

Après une première "vague" dans les années 80 sous le premier septennat de François Mitterrand, faut-il s’attendre à une nouvelle étape de la décentralisation ? Ce n’est pas impossible puisque le président de la République n’y semble pas opposé. Les sénateurs, tous bords politiques confondus, ont planché sur le sujet et présenté 50 propositions. Gérard Larcher - candidat à sa succession au fauteuil de président du palais du Luxembourg - a pris en main cette question car il estime que "la période est propice à une redistribution
des pouvoirs". L’abstention record aux dernières municipales, que le seul coronavirus n’explique pas totalement, agit comme un aiguillon pour revivifier notre démocratie et donner aux collectivités locales (mairies, conseils départementaux et régionaux) une place plus importante dans la gouvernance du pays. Le rapport sénatorial, qui "fait "47 pages, ouvre des pistes à Emmanuel Macron pour "le plein exercice des libertés locales". S’il n’y a pas consensus entre les groupes, une large plateforme se dégage pour trouver le bon échelon pour mener les actions, adapter l’action publique aux spécificités locales et renforcer le contrôle du Parlement en garantissant l’égalité des territoires.

Les sénateurs proposent d’inscrire dans la Constitution le principe"qui décide paie". Ce qui "garantirait aux collectivités territoriales une compensation financière pour toute modification des conditions d’exercice des compétences locales". En clair : si l’état impose ses exigences, il ne pourra plus les laisser à la charge des collectivités comme c’est (assez) souvent le cas. Le rapport remis à la réflexion du président prévoit de "garantir les ressources des collectivités territoriales" et aussi d’affecter "une fraction significative de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) aux petits projets d’investissement des communes rurales". Une autre idée qui va peut-être séduire les gilets jaunes : les sénateurs proposent d’élargir "le droit de pétition local pour permettre l’inscription d’une délibération à l’ordre du jour d’une assemblée délibérante" et d’autoriser "la tenue d’une consultation de la population préalablement à un avis que la collectivité territoriale est amenée à donner".

Élargir les compétences des Départements sur leurs responsabilités "sociales, médico- sociales et territoriales" apparait une nécessité aux Sages,
de même que confier aux Régions la stratégie du développement du territoire en lui accolant les compétences de l’emploi, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et du développement économique durable. Leçon tirée du Covid : "En situation de crise reconnue, placer l’État territorial sous l’autorité des préfets de département dans toutes ses composantes pour toutes les actions publiques relevant de la gestion de crise".
Le rapport promeut que le département devienne l’échelon de l’action de l’État au plan local, en transférant au préfet de département les décisions à prendre après les instructions des agences et services de l’État au niveau régional (par exemple de l’ARS pour la présente épidémie).

Petite révolution  : le Sénat propose que les collectivités puissent déroger aux lois et règlements "pour un objet limité" et aussi "d’assouplir la mise en œuvre des expérimentations locales et d’en permettre la pérennisation sur une partie seulement du territoire". Ce serait le droit à la différenciation des territoires, qui passera forcément comme d’autres propositions sénatoriales par une réforme constitutionnelle. Quoiqu’il en soit le Parlement "doit être le garant du respect des libertés locales" pour "les protéger face à la tentation
permanente de la recentralisation".

Le rapport complet est en ligne sur le site du Sénat.


Jean-Michel Chevalier