Union des Jeunes Avocats de Nice : La voix d’un avenir plus radieux


Droit


22 août 2020

La Fédération nationale des Unions de jeunes avocats est aux petits soins des nouveaux venus dans la profession. Rencontre avec Me Fabien Carles, président de l’antenne niçoise.

Être un jeune avocat, est-ce plus difficile en 2020 que par le passé ?

- Oui, malheureusement. Être un jeune avocat aujourd’hui, c’est être dans la tourmente. Les confrères qui se sont lancés en début d’année sont particulièrement concernés, car ils n’ont quasiment pas pu plaider au moment de la grève contre la réforme des retraites. Et ensuite, ils ont été confrontés à la crise sanitaire. Ces difficultés se sont ajoutées à celles qui sont propres aux débuts dans le métier, comme le manque d’une clientèle régulière ou le caractère peu rémunérateur de l’aide juridictionnelle. Il me semble que la profession se paupérise de plus en plus. Un tiers des avocats est au smic.

Quelle est la mission de l’Union des jeunes avocats (UJA) dans ce contexte ?

- La Fédération nationale des UJA constitue la première force syndicale au Conseil national des barreaux. Elle a vocation à accompagner et soutenir les jeunes avocats, c’est pourquoi elle milite en faveur de leurs droits, comme nous le faisons à Nice. Pour les aider dans cette période particulière de leur carrière, nous leur permettons aussi d’accéder à des formations de qualité gratuites ou presque et nous les convions à des rassemblements festifs. Les manifestations de ce type sont à la fois conviviales et utiles au plan relationnel. Elles permettent, en outre, de souder le barreau, au-delà des clivages.

Quelle est la principale préoccupation syndicale ?

- Nous sommes particulièrement vigilants sur le droit du collaborateur. Nous accompagnons les jeunes avocats de la fin de l’école à leur émancipation. Ceux qui font le choix de la collaboration doivent pouvoir en tirer profit en matière de formation et de constitution de leur clientèle. Et ils doivent être dignement rémunérés. Tous les deux ans, nous fixons le tarif UJA en dessous duquel il n’est pas viable économiquement de payer un collaborateur. Le montant de la rétrocession d’honoraires de l’UJA pour le 1er janvier 2021 est de 2 200 € la première année et celle de l’Ordre de 2 100 €. Mais elle a augmenté de 300 € en trois ans sous l’insistance de l’UJA et des élus du jeune barreau au Conseil de l’Ordre. Le collaborateur doit ensuite s’acquitter de ses charges...

La FNUJA a récemment tenu son congrès à Marseille. Que faut-il en retenir en matière de positionnement syndical ?

- Nous avons adopté plusieurs motions, dont l’une concerne justement la collaboration. Nous souhaitons par exemple que le collaborateur soit considéré comme un créancier privilégié dans le cas d’un placement en procédure collective d’un collaborant. Nous militons aussi pour la mise en place d’un intéressement au bénéfice du collaborateur. Il serait fondé sur un pourcentage du chiffre d’affaires généré par celui-ci.
Le congrès de Marseille a aussi permis au syndicat de rappeler son attachement au secret professionnel de l’avocat, qui est trop souvent attaqué par certains juges d’instruction, mais sans lequel il n’y a plus de défense ni de démocratie. D’autres motions importantes concernent notamment la rémunération de l’apport d’affaire, l’accès au droit, la retraite et la prévoyance ou encore le pacte de Quota litis (lire ci-dessous).

Au plan local, quels sont les "chantiers" de l’UJA de Nice ?

- Nous allons essayer de travailler le plus souvent possible avec l’UJA de Grasse, que ce soit sur la formation ou sur divers échanges. Ce rapprochement me semble inévitable. À titre personnel, je pense que l’avenir, à court ou moyen terme, est dans un unique barreau départemental Côte d’Azur. Si on ne va pas jusqu’à une fusion, il faut au moins envisager des synergies plus fortes.
Dans un autre registre, nous cherchons de nouvelles solutions pour aider les jeunes avocats en difficulté, ceux en cours d’installation, ceux qui changent de collaborant... Nous avons proposé au Conseil de l’Ordre la création d’un incubateur qui est désormais une association indépendante. Une pépinière est aussi en projet depuis 2019. L’UJA évoquera à nouveau ce dossier qui nécessite des travaux.

La réforme des retraites, c’est du passé ?

- Nous restons vigilants et nous nous opposerons à toute nouvelle réforme. Nous comptons sur notre nouveau ministre de la Justice pour nous aider.

Un mot sur Éric Dupond-Moretti. Sa nomination est-elle une bonne nouvelle ?

- À l’UJA, nous sommes plutôt enthousiastes. Nous avons l’habitude d’avoir au ministère des énarques ou des technocrates qui ne maîtrisent pas les aléas de la Justice et du milieu pénitentiaire. Nous pensons que l’expérience d’Éric Dupond-Moretti apportera un prisme particulier sur les problèmes concernant aussi bien le greffier que le juge en passant par l’avocat. Nous attendons maintenant ce que donnera l’augmentation annoncée du budget de la Justice.

Congrès FNUJA 2020 à Marseille : que retenir ?

- Secret professionnel : La FNUJA exige l’information et l’intervention du Bâtonnier ou l’un de ses représentants dès lors qu’est concerné un élément relevant du secret professionnel de l’avocat. Elle exige aussi que le législateur confère au secret professionnel de l’avocat un caractère d’ordre public afin qu’il soit général, absolu et illimité dans le temps.
- Retraite et prévoyance  : La FNUJA rappelle que le Conseil National des Barreaux doit être l’unique interlocuteur du gouvernement et des autorités de tutelle pour toute décision dans le domaine de la retraite et de la prévoyance, dont l’importance ou les conséquences dépassent la gestion courante des organismes de retraite et de prévoyance de la profession d’avocat.
- Pacte de Quota litis : La FNUJA préconise le maintien de la prohibition du pacte de quota litis en matière juridictionnelle, et favorise le recours à l’honoraire complémentaire de résultat, suffisant en l’état. Elle se prononce pour la suppression de la prohibition du pacte de quota litis pour toutes les missions particulières visées à l’article 6.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat.
- Apport d’affaires : La FNUJA se prononce en faveur de l’autorisation de la rémunération de l’apport d’affaires entre avocats et avec les professionnels du chiffre et du droit.
- Accès au droit : La FNUJA exhorte les pouvoirs publics à l’allocation de moyens substantiels pour favoriser l’accès au droit et donc l’accès effectif au juge.

Propos recueillis par Jean PREVE


Jean PREVE