Attention aux conséquences fiscales lors d’un divorce !


Paroles d’expert


17 septembre 2020

Les temps tumultueux que nous traversons n’aident pas à rapprocher tout le monde, bien au contraire. Depuis de nombreuses années, les divorces n’ont cessé de s’accroitre avec près de 45.000 au début des années 70 pour plus de 130.000 aujourd’hui, sans compter les dissolutions de PACS. Et le confinement n’a fait qu’aggraver les demandes de divorce comme semblent l’indiquer nos confrères civilistes en droit de la famille. C’est pourquoi, il est important de rappeler que les conséquences fiscales peuvent s’avérer très préjudiciables pour l’un des ex-conjoints qui, trop occupé à gérer des éléments tout aussi essentiels comme la garde des enfants ou le partage des biens, n’a pas pris en considération la mesure d’un contrôle fiscal à l’issue du jugement de divorce.

Par Maître Julien ALQUIER, avocat en droit fiscal au barreau de Nice, chargé d’enseignement à l’Université Nice-Sophia-Antipolis, doctorant au sein du laboratoire CERDP (E.A n°120), enseignant à l’EDHEC

Une conséquence souvent à contretemps

Le divorce est une étape assez douloureuse dans la vie sentimentale pour se concentrer sur tous ses aspects et notamment les conséquences fiscales surtout quand elles sont à contretemps. En effet, les procédures de divorce devant un juge sont généralement assez longues et le sont d’autant plus quand il y a des enjeux importants, qu’ils soient familiaux ou financiers. Le jugement de divorce entérine la date du divorce, qui peut avoir des incidences importantes comme au niveau fiscal. Il est fréquent qu’un jugement de divorce intervienne une, voire plusieurs années après la séparation effective du couple. C’est pourquoi, le juge peut, après l’étude des éléments de preuve rapportés par les parties, prononcer la date effective du divorce antérieurement à la saisie même de sa juridiction. Cette rétroactivité n’échappe pas à l’administration fiscale qui n’hésite pas à lancer des contrôles sur cette période déclarative qui peut se trouver modifiée judiciairement par le jugement de divorce.

Une situation fiscale à clarifier dès le départ de la séparation

En vertu de l’article 6, 1-al. 2 du CGI, les personnes mariées sont, sauf exception, soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d’elles et ceux des enfants et autres personnes fiscalement à leur charge. Cette imposition commune des époux s’applique quel que soit leur régime matrimonial. Selon les dispositions de l’article 6, 6 du CGI, les époux, ou anciens époux sont soumis, chacun, à une imposition distincte pour l’ensemble de l’année au cours de laquelle ils se séparent ou ils divorcent. La situation parait donc simple en théorie. Un couple marié déclare ses revenus ensemble et un couple séparé ou divorcé déclare ses revenus distinctement. Quand il n’y a aucun élément commun, cela peut très certainement fonctionner. Mais qu’en est-il lors de la présence d’enfants par exemple, et que le jugement de divorce met plusieurs années à prononcer qui obtiendra la garde. Quel parent déclarera l’enfant à sa charge ? Une procédure de divorce est rarement propice à un terrain d’entente cordiale entre les ex-époux, et ils ont plutôt tendance à faire comme bon leur semble. C’est pourquoi, il convient d’y accorder une conciliation la plus claire et précise possible au commencement du débat sur les conséquences du divorce afin de se positionner pour que tout soit fixé pour chacun des ex-époux.

Des conséquences parfois désastreuses

L’exemple le plus fréquent se produit dans les divorces contentieux pour lesquels les ex-époux ne sont d’accord sur rien. L’un comme l’autre, ils vont réaliser, sans se consulter en raison de la situation plus que conflictuelle entre eux, des déclarations fiscales durant la procédure de divorce qui dure généralement plusieurs années. L’un des ex-époux qui entretient toujours la famille pendant la procédure de divorce trouve légitime de déclarer tous les enfants à sa charge. Au regard des éléments avancés par les parties, le juge considère que le divorce est prononcé rétroactivement à une date même parfois antérieure à la saisine du tribunal, et que la charge des enfants revient à l’autre époux. Toutes les déclarations de cet ex-époux qui entretenait la famille sont donc erronées depuis plusieurs années puisqu’il n’aurait pas dû déclarer à sa charge les enfants du couple, qui lui ont permis d’obtenir des réductions d’impôt grâce aux demi-parts supplémentaires notamment. Dès lors, quand l’administration fiscale prend connaissance du jugement, elle n’hésite pas à adresser une proposition de rectification pour les années durant lesquelles l’ex-époux pensait déclarer correctement ses enfants à charge alors que le jugement rétroactif en a décidé autrement. Ce cas relativement simple devient extrêmement complexe avec des revenus issus de biens communs, des enfants de couples recomposés ou encore des crédits d’impôts. La situation de divorce n’arrange rien car la communication entre les ex-époux, face à l’administration fiscale pour se défendre, est quasiment impossible.

Pour autant, dans ces exemples plus que fréquents en matière de divorce, rien n’est perdu quand le contribuable est de bonne foi.
Cependant, le conseil de votre avocat fiscaliste vous sera de la plus grande aide.


Maître Julien ALQUIER