108e congrès des notaires : l’héritage, préoccupation notariale


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11 avril 2012

Peut-on revenir sur une donation ? Doit-on rédiger un testament ? Les notaires, qui se réuniront en congrès à Montpellier fin septembre, se pencheront sur les méandres de la transmission, un thème qui leur est cher. L’occasion pour eux, au lendemain des élections, de rappeler le rôle qu’ils exercent dans la société.

Les notaires aiment se décrire en raisonnables hommes de droit qui conseillent les familles dans les moments difficiles. En choisissant « la transmission » comme thème de leur prochain congrès, les praticiens interpréteront leur rôle préféré. « La transmission, c’est avant tout une affaire d’hommes », affirme, solennel, Philippe Potentier, notaire à Louviers (Eure), désigné par ses pairs pour présider le prochain congrès, qui se déroulera du 24 au 26 septembre, à Montpellier. « Les hommes se transmettent leurs gènes, leur ressemblance physique, copient des expériences, transmettent des valeurs ; c’est comme ça que l’humanité se forme », professe le notaire. Et puis, en venant à la matière qui intéresse directement les praticiens, il poursuit : « l’homme s’identifie aussi dans un patrimoine ». Il s’agit alors de transmettre « un objet, une maison, voire un domaine, une découverte ou une création artistique ». Les notaires ont le droit pour eux. La complexité des règles, les réformes incessantes, la fiscalité mouvante confortent leur position de « témoin attentif et privilégié », comme le souligne Philippe Potentier.

Le congrès de Montpellier poursuit ainsi un double objectif. Durant trois jours, des milliers de notaires discuteront et se formeront aux dernières subtilités apportées par la loi ou la jurisprudence. Mais ce rassemblement permettra aussi à la profession, au lendemain des élections présidentielle et législatives, de se poser comme indispensable garante de l’ordre établi. En 2007, après avoir voté en masse pour Nicolas Sarkozy, les praticiens avaient eu la surprise d’entendre le nouveau président de la République qualifier leur activité de « rente de situation », tandis qu’un rapport de Jacques Attali préconisait, dans un souci de croissance économique, la suppression pure et simple de leur profession. Cette année, le notariat prend les devants. Non seulement, il exerce un lobby actif auprès de tous les candidats, mais il consacre son premier congrès du nouveau quinquennat à l’héritage, le domaine de compétence pour lequel les particuliers s’adressent le plus souvent à lui.

Après tout, l’administration fiscale reçoit, chaque année, 338 000 déclarations de succession qui concernent plus d’un million d’héritiers, ceux-ci percevant en moyenne 39 000 euros. Les donations, qu’en droit on appelle « libéralités entre vifs », constituent un autre aspect important du sujet. Les services fiscaux en ont recensé presque 600 000 pour l’année 2007, qui impliquent, pour une bonne partie d’entre elles, l’intervention d’un notaire. Autant dire que la profession exerce un rôle central dans la vie des familles et que le congrès sera l’occasion de le rappeler.

La réversibilité des donations

Soucieuse de démontrer son savoir-faire juridique, l’équipe du congrès (cf encadré) a découpé la notion de transmission en quatre volets que l’on peut synthétiser ainsi : la volonté de transmettre, le cadre juridique existant, les outils techniques et la stratégie utilisée. En septembre, l’équipe proposera à l’ensemble des notaires, réunis en séance plénière, une série de propositions destinées à améliorer le droit existant. Transmises au ministère de la Justice, ces suggestions ont vocation à enrichir la loi.

Les donations, qui rencontrent un grand succès, seront sans aucun doute au cœur des discussions. Parfois, quelques années après avoir transmis son patrimoine de manière anticipée, le donateur « se rend compte qu’il n’aurait pas dû donner », constate Bertrand Savouré, notaire à Paris, chargé d’assurer, en tant que « rapporteur général », la cohérence juridique du congrès. Ce type de retournement se produit de plus en plus fréquemment, en raison de l’allongement de la durée de la vie, de la recomposition des familles ou encore des difficultés économiques. C’est le cas par exemple d’un parent qui a transmis une somme d’argent à ses héritiers et qui, avec l’âge, se trouve contraint de salarier, à son domicile, un garde-malade. Peut-il modifier ses dispositions et demander à ses enfants de l’aider à financer cette dépense ? « Sans revenir sur une donation, on peut aménager une certaine réversibilité, différente de la révocabilité », répond Bertrand Savouré.

Les congressistes profiteront aussi des débats pour s’interroger sur le mandat posthume, le fait de mandater un tiers chargé d’organiser la distribution de ses biens après sa mort. Même si cet outil demeure « difficile à imaginer », il existe bel et bien, assure le rapporteur général.

Un avertissement pour François Hollande

Si les notaires s’intéressent à la transmission du patrimoine, la question des droits de succession, l’impôt censé assurer la redistribution des biens à chaque génération, ne semble pas faire partie de leurs préoccupations. « Au moment de la transmission, un prélèvement se fait au profit de la société », se contente de constater Philippe Potentier. Selon lui, la transmission d’un héritage à la génération suivante, loin de perpétuer les positions acquises dans la société, constitue « un acte de richesse » et « une opération anti-épargne ».

Le notaire de Louviers désapprouve par avance, au nom d’une certaine morale, un pouvoir politique qui serait tenté, après la présidentielle, de renforcer l’impôt. « La transmission est un moteur de l’humanité. L’individu s’agite pour les générations qui suivent. A trop vouloir contrarier les successions, on favorisera les comportements égoïstes, moins créateurs de richesses », juge le président du congrès. La prise de position sonne comme un avertissement pour le Parti socialiste, qui annonce dans son programme électoral le rétablissement des droits de succession « sur les héritages les plus importants ». François Hollande peut toutefois dormir tranquille. Sa victoire éventuelle ne semble pas terrifier les notaires de France. « On n’a pas à craindre de grand soir de la transmission ; le risque est limité », se rassure Philippe Potentier.


Olivier Razemon