Clause de non-concurrence : gare à l’effet boomerang !


Droit


2 octobre 2020

S’il est légitime que l’entreprise veuille protéger son savoir-faire, elle doit bien cerner avantages et inconvénients de la clause de non-concurrence avec ses salariés ou associés.

Y regarder à deux fois avant d’inclure une clause de non-concurrence dans un contrat de travail et, avant tout, se demander si une telle "protection" est bien justifiée : c’est en résumé le conseil donné aux adhérents de l’UPE-06 par Maître Florence Massa, avocate associée du cabinet GHM, lors d’un atelier de l’UPE-06 sur ce thème que beaucoup de chefs d’entreprise croient maîtriser mais qui comprend des chausse-trappes pouvant coûter cher et se révéler inefficaces...

L’effet boomerang

Maîtres Florence Massa et Jonathan Amouyal DR JMC

S’il n’est pas anodin de prévoir une clause de non-concurrence pour un cadre supérieur, pour un responsable de R&D ou un commercial de terrain, est-il bien nécessaire de faire de même pour une caissière, voire pour un livreur ? Ne souriez pas : dans leur pratique quotidienne les avocats rencontrent ces cas de figure et aussi - surtout - des clauses mal ficelées qui peuvent de retourner contre l’entreprise.
"Une clause de non-concurrence devant toujours être accompagnée d’une contrepartie financière, l’employeur doit d’abord s’interroger sur son coût" relativise Maître Massa. D’autant qu’un salarié, bien conseillé, a de bonnes chances de pouvoir s’en exonérer si la clause n’est pas au "carré"... Par exemple, est-il judicieux de payer une clause pour un employé non stratégique, n’ayant pas de savoir-faire particulier ; surtout si celui-ci quitte l’entreprise après trois mois seulement de présence ?
La clause doit donc être rédigée finement, par un avocat spécialisé. Il prendra toutes les précautions comme l’existence - ou pas - d’une convention collective qui peut prévoir le montant de la contrepartie financière. Et aussi lister les "actes interdits" au salarié sur le départ, comme par exemple créer un société dans le même domaine d’activité sur tel ou tel territoire ; ou encore prévoir les délais et conditions de renonciation de la clause par l’employeur, etc.
"La clause doit être écrite et acceptée par les deux parties, soit lors de la signature du contrat de travail initial, soit à l’occasion d’un avenant lors d’un changement de poste et de qualification par exemple. C’est une pratique courante dans les banques où le personnel évolue en cours de carrière, passant de l’accueil au guichet à un statut de conseiller financier, ce dernier justifiant une clause" précise Maître Massa.
De la même façon, la limite de l’application dans le temps et dans l’espace doit répondre à une logique, à des besoins, qu’un juge du fond pourra apprécier : le salarié doit avoir connaissance de ces frontières réelles. Il est inutile par exemple d’écrire "tous départements où l’entreprise pourra ouvrir un établissement" puisqu’au moment de la signature il ne pourra pas savoir où interviendront ces éventuelles ouvertures à l’avenir. Le droit évolue à grande vitesse et la Cour de Cassation n’a pas encore donné de réponse à l’interdépendance entre la clause de non-concurrence et la clause de mobilité. Mais comme rien n’est simple en notre bas monde, l’employeur doit être conscient qu’une clause de non-concurrence ne le protégera pas forcément puisqu’un concurrent, qui désire vraiment embaucher un salarié, pourra prendre à sa charge le dédommagement financier...

Dans les affaires aussi

La non-concurrence ne concerne pas seulement le droit social mais aussi celui des sociétés. Maître Jonathan Amouyal, associé du cabinet GHM, a expliqué que la liberté de concurrence et de prix est intégrée dans le droit européen, plutôt sourcilleux en matière de liberté de commerce et d’industrie. Pour autant, les entrepreneurs et les associés peuvent se prémunir d’une concurrence déloyale (par dénigrement, par détournement de clientèle, etc.) avec des clauses bien définies dans leur pacte d’associés prévoyant la durée, le périmètre, le prix de rachat des parts, les conditions de sortie, etc. Elles peuvent même être étendues jusqu’aux proches et héritiers à qui il sera par exemple interdit de s’installer dans le même domaine d’activité sur X années.
"La règle, c’est qu’il s’agit d’un contrat au cours duquel les gens doivent agir de bonne foi" précise Maître Amouyal. "En cas de litige, nous serons devant les juridictions commerciales, qui peuvent ordonner très vite la fermeture pure et simple de l’entreprise fautive".

Mieux vaut donc être bien bordé lorsque l’on touche à ces questions de concurrence !


Jean-Michel Chevalier