Foncier : La safer demande au législateur de renforcer son pouvoir de contrôle


Droit


23 octobre 2020

Une faille juridique permet de contourner le rôle de régulation de la SAFER...

La SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) est une sorte de gendarme des terres agricoles. Ses missions, sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances, consistent à assurer la transparence du marché foncier rural. Avec l’objectif de contribuer ainsi au développement d’une agriculture durable, aux quatre coins du territoire national. La loi a octroyé à la SAFER un droit de regard sur les cessions de terrains. Mais son pouvoir de contrôle ne peut pas s’exercer dans tous les cas de figure, en particulier quand les propriétés changent de main via la cession de parts sociales. Explications.

Une faille juridique permet de contourner le rôle de régulation de la SAFER. Il suffit que le vendeur conserve un pourcentage, même minime, de parts d’une société pour que la SAFER se retrouve hors-jeu. Elle perd de la sorte le contrôle des structures concernées et des prix pratiqués. "Nous avons eu le cas d’un domaine estimé à 20 millions d’euros qui s’est vendu le double", regrette Patrice Brun, président de l’antenne PACA de la SAFER. "Cela perturbe tout le marché avoisinant".
La pratique, dont l’impact sur les tarifs est estimé à 20%, se développe depuis quelques temps en France. Et la région Sud-PACA n’y échappe pas. Bien au contraire. "Nous avions ressenti cette évolution lors des deux dernières années, mais nous n’imaginions pas que cela puisse prendre une telle ampleur". Pour 2019, le marché notifié des cessions de parts s’élève en effet à plus de 161 millions d’euros, soit l’équivalent de son activité sur l’année, note la SAFER PACA, en rappelant l’absence de notification de certaines transactions.

Un foncier qui échappe de plus en plus à l’agriculture familiale

Le Var, riche en propriétés viticoles, est le département le plus touché par le phénomène (100 millions), devant les Bouches-du-Rhône (40 millions), le Vaucluse (15 millions) et les Alpes-Maritimes (5 millions). "90% des cessions s’effectuent dans un cadre familial. Il s’agit alors d’un outil intéressant en vue d’une transmission, notamment lorsqu’il y a plusieurs héritiers. Mais ce sont les 10% restants qui sont problématiques. Ils représentent à eux seuls 90% du montant global", souligne Patrice Brun, qui pointe notamment du doigt des investisseurs aux moyens financiers conséquents et des chefs d’importantes exploitations qui utilisent ce système pour encore s’agrandir.
Au-delà de la question foncière, le procédé "pousse à une simplification/rationalisation des modes de production et à une baisse de la valeur ajoutée, avec une typologie d’exploitation plus tournée vers la grande distribution ou l’export que le commerce local, alors que la tendance actuelle va vers un développement des circuits courts".

D’où cet appel de la SAFER PACA à un renforcement du cadre juridique qui définit sa mission. Après l’abandon du projet de loi foncière amorcé l’an dernier, elle espère qu’un décret mettra prochainement en place un mécanisme d’agrément des mutations de parts sociales. Sans un coup de pouce législatif, elle craint que les exploitations familiales de la région rencontrent des difficultés croissantes pour accéder au foncier.


Jean PREVE