Coronavirus : les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont-ils un réel danger ?


Santé


4 novembre 2020

L’ibuprofène augmente-t-il le risque de complications en cas de fièvre

 ?
Depuis le début de pandémie du Covid-19, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), comme l’ibuprofène, sont considérés comme dangereux en France. Couplés avec des symptômes du virus, ces anti-douleurs pourraient augmenter le risque de mortalité des malades. Depuis, des études scientifiques ont été faites qui démentent cette théorie. En France, la prise de ces médicaments est toujours déconseillée. Explications.

L’ibuprofène est-il vraiment si dangereux que les autorités sanitaires et médicales françaises le prétendent ? En mars dernier, le ministère de la Santé, en la personne d’Olivier Véran, avait alerté sur la dangerosité de l’utilisation des anti-inflammatoires, qui augmenterait le risque de décès pour les patients atteints par la Covid-19. L’information circule largement, aucune preuve n’est pourtant avancée. Elle reposait essentiellement sur un constat : la plupart des cas graves souffraient de maux de tête et avaient été exposés à l’ibuprofène. Des chercheurs espagnols se sont d’ailleurs intéressés au parcours de cette information dans un article publié dans le journal Misinformation Review. « Dans les premiers mois de l’année 2020, la pandémie du COVID-19 a causé l’une des plus importantes crise sanitaire de notre temps. La nouveauté de cette maladie a laissé place à de grandes incertitudes sur la façon de combattre le virus. (…) Le manque de connaissances de la maladie et la demande d’information (notamment du public) à ce sujet ont largement favorisé l’émergence de nombreuses histoires pas toujours basées sur des preuves  », écrivaient-ils. « Et cette nouvelle particulière (…) aucune preuve scientifique ne vient appuyer cette théorie ». L’ibuprofène est-il réellement dangereux ?

Des éléments contradictoires

« En mars, il y a eu un avertissement de la Direction générale de la santé contre l’utilisation des AINS (…) dans le traitement de la COVID suite à des cas », a expliqué Nicholas Moore, spécialiste en pharmacologie médicale lors d’une conférence récemment organisée par le laboratoire Zambon -qui, notamment, commercialise de l’ibuprofène. « Pourtant, ces observations ne permettent en aucune façon d’établir un lien de cause à effet entre ces médicaments et la sévérité de la maladie  », continuait-il. À l’époque où circule cette information, tout n’est qu’observations et spéculations. Mais depuis, une dizaine d’études sur le sujet a été réalisée : toutes semblent démentir l’existence de facteurs aggravants liés à la prise d’Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Dont une, menée par des chercheurs Britanniques en août dernier. Publiée au Journal of Clinical Medecine, cette étude est la première à se pencher sur l’existence d’un lien entre l’utilisation d’anti-inflammatoires et l’aggravation de la maladie. Les chercheurs ont comparé et analysé les résultats de plus de 1 200 patients de huit hôpitaux de Grande-Bretagne et n’ont trouvé aucune preuve tangible qui associerait l’utilisation d’anti-inflammatoires à un risque plus élevé de mourir de la Covid-19. Pourtant, en France, la vigilance vis-à-vis de ces médicaments est toujours d’actualité.

La vigilance autour des AINS, une exception française

Dans ses recommandations, l’Organisation Mondiale de la Santé a bien ajouté, en mai, l’ibuprofène pour traiter les douleurs et les fièvres dans la Covid-19. Aucun autre pays que la France ne semble plus déconseiller l’usage de ces médicaments. Un boycott décrié par les pharmaciens du territoire, dont les ventes d’ibuprofène ont chuté de 80% depuis les mises en garde du Gouvernement face aux AINS. « Toutes les théories de départ qui, par prudence, ont fait interdire l’ibuprofène ne tiennent pas la route, insiste Nicholas Moore. Cela demande à être revu. Mais c’est difficile, une fois qu’il est installé, de modifier ce discours ». Le conférencier nuance toutefois : « par prudence, prenez du paracétamol  » aux premiers symptômes. S’ils persistent, consulter un spécialiste.


Julie Biencourt