Il est surtout "essentiel" de sauver le commerce en "présentiel"


Economie


19 novembre 2020

Sont-elles les premières vagues qui annoncent une tempête à venir ? En tous cas, les manifestations de commerçants le week-end dernier à Nice et à Marseille traduisent une désespérance qu’il ne faut pas "politiquement parlant" mésestimer parce qu’elle pourrait bien se vêtir de jaune comme il y a un an d’autres exclus, voire du rouge vif de la colère incontrôlable.
Pourtant, ils ont "tout bien fait" - gel, sens de circulation, comptage des entrées, distanciation - pour que leurs boutiques ne se transforment pas en lieux de contamination. Puis, en bons petits soldats, ils ont fermé, parce qu’ils n’avaient pas le choix. Mais maintenant que les trésoreries sont à sec, que les aides de l’état arrivent parfois (souvent ?) avec retard par rapport aux charges, que le gras a été gratté jusqu’à l’os, ils voient se profiler à l’horizon proche le baisser définitif du rideau métallique. Chronique d’une faillite annoncée, et pour beaucoup d’entre-eux quasi inéluctable, dans notre région où les loyers commerciaux sont si chers et l’offre particulièrement concurrentielle.
Derrière ce mouvement, il y a des hommes et des femmes qui ont tout misé de leurs deniers personnels pour que leur petite entreprise ne connaisse pas la crise. Jusqu’à hypothéquer des biens familiaux et du "coût" l’avenir...
Au nom de l’équité, le gouvernement ne pouvait pas faire autrement que de fermer les rayons "non essentiels" de la grande distribution. Piètre et inutile consolation lorsque les pas-de-porte doivent rester fermés à un mois de Noël, que les stocks sont déjà sur des étagères qu’aucun client ne vient farfouiller, que les facteurs apportent les factures. Cette mesure "équitable" me fait penser aux Shadocks qui pompaient sans savoir pourquoi : pendant ce temps, la vente en ligne continue à gagner des parts de marché. Les appels vertueux des CCI à une "citoyenneté consommatrice" ne changeront rien : on a bien vu pour le premier confinement les conséquences de la peur de manquer, lorsque les gens se sont précipités sur les rouleaux de papier toilette et sur la farine. Pour Noël, rendez-vous sacré dans tous les sens du terme, la fermeture des rayons "non essentiels" des magasins petits et grands ainsi que la crainte de ne rien avoir à mettre sous le sapin font les affaires de Jeff Bezos. Il n’en espérait pas tant il y a un an dans ses rêves les plus fous.
Derrière la froideur des statistiques économiques, il y a des hommes et des femmes, des familles aujourd’hui menacés. Des histoires personnelles et possiblement des drames qui se trament en sourdine. "En même temps", l’exigence sanitaire exige de ne pas trop lâcher puisque cette saloperie de virus fait encore plusieurs centaines de morts par jour. Devant de tels arbitrages, je ne voudrais pas être à la place du Premier ministre en ce moment...

PS : En revanche, parce qu’au fond je suis assez taquin, j’aimerais être une petite souris pour voir la tête de Bruno Le Maire lorsqu’il signera un chèque de 2,2 milliards de remboursement à Orange, suite à la décision du Conseil d’État dans un litige fiscal opposant Bercy et l’opérateur de téléphonie...


Jean-Michel Chevalier