Eaux usées : la performance industrielle au service de l’intérêt général


Environnement


16 décembre 2020

Sa longue architecture, entre l’autoroute et la voie ferrée, fait désormais partie du paysage. A Cagnes-sur-Mer, aux abords de l’hippodrome de la Côte d’Azur, la nouvelle station d’épuration Aeris est encore le théâtre de quelques travaux. Mais depuis juillet, elle est en service, accueillant les eaux usées des Cagnois et des habitants des communes environnantes, à savoir Villeneuve-Loubet, Saint-Paul-de-Vence et La Colle-sur-Loup.

C’est là que se sont retrouvés, le 15 décembre, une trentaine de privilégiés, invités à visiter les "entrailles" de l’établissement par son exploitant, Veolia, et l’association ATI-CA, qui fédère les acteurs économiques de l’industrie et des technologies dans les Alpes-Maritimes. Au programme de "cette réunion de travail", selon les termes du président Michel Manago, un atelier à destination des membres d’ATI-CA sur la continuité numérique dans les entreprises et son rôle de la conception à l’exploitation. Mais aussi la "découverte du savoir-faire industriel" qui permet à OTV (Veolia) d’honorer les missions d’intérêt général qui lui ont été confiées par les collectivités à travers un syndicat mixte fermé (le SYMISCA) incluant la métropole Nice Côte d’Azur.

Du biogaz pour 1 000 foyers

La station Aeris allonge ses ouvrages en bordure de l’A8. Après le traitement, les eaux sont rejetées en mer via un émissaire situé à 600 m de la côte et à 120 m de profondeur. DR J.P

Aeris concrétise un projet à 110 millions d’euros lancé en 2009 afin de remplacer l’installation du Cros-de-Cagnes, vieillissante et génératrice de nuisances olfactives. Construite en 1959, elle n’était autre que la première station d’épuration du littoral des Alpes-Maritimes. Mais le nouveau site constitue lui "une première mondiale", comme le souligne André Maitrejean, chef de service "usines-assainissement" chez Veolia. "Avec cet équipement, nous changeons de paradigme, il ne faut plus parler de station d’épuration mais d’usine de valorisation".
Aeris est en effet la première unité de traitement des eaux usées à énergie positive. "Elle génère 12,5 GWh par an et en consomme environ 9", précise Jérôme Colin, directeur du projet pour OTV. L’équipement démontre notamment son potentiel écologique lors de la gestion des boues résultant de la filtration biologique des effluents. Leur digestion, dans deux vastes cylindres en béton, produit du méthane qui, après un stockage dans un impressionnant gazomètre sphérique, puis une phase de traitement, est destiné à être revendu à un producteur de gaz. "Il pourra alors être réinjecté dans le réseau urbain", ajoute André Maitrejean, en annonçant le lancement de cette filière pour le printemps 2021. "1 000 foyers pourront ainsi être alimentés en biogaz".

Des boues transformées en combustible

Les matières solides résiduelles, qui ont la consistance "d’un dentifrice", subissent alors une centrifugation qui vise à les déshydrater. Ces boues sont ensuite séchées avant d’être évacuées dans les Bouches-du-Rhône, où elles intègrent un processus de compostage. Mais d’ici l’an prochain, leur destinée sera tout autre puisque façonnées en pellets, elles se mueront en combustible dans les fours du cimentier Vicat, dans la vallée du Paillon.
Ce séchage repose sur d’énormes pompes à chaleur, qui cumulent entre 2 et 3 mégawatts en utilisant les calories d’une eau évidemment très abondante et gratuite sur le site. "Sa température varie entre 15 et 28 degrés, ce qui nous permet de produire à 45-50 degrés pour alimenter le sécheur, mais aussi chauffer certains ouvrages et bâtiments", explique Jérôme Colin, avant de citer "d’autres sources d’apports extérieurs, via des panneaux solaires thermiques".

Et les odeurs ?

Exemplaire au plan énergétique et en matière de rejet, grâce à un procédé fiable et éprouvé, la nouvelle station cagnoise l’est-elle aussi sur l’épineuse question des odeurs ? La désodorisation d’Aeris est assurée par un confinement des outils, dans des bâtiments mis en dépression, et un traitement chimique par injection de réactifs (chlore et soude). Le recours au charbon actif, sur la file des boues, complète cette stratégie qui vise à neutraliser l’hydrogène sulfuré, ce gaz nauséabond aux effluves d’œuf pourri.
Le respect du cahier des charges dans ce domaine sera contrôlé par des nez électroniques et des jurys de nez humains. Avant que les nuisances deviennent pénibles, comme ce fut le cas en juillet dernier. "Il y a effectivement eu des odeurs perçues par les riverains au moment de la mise en service, car elle a eu lieu en plein été", reconnaissent les deux spécialistes. "Sans la crise sanitaire, qui a entraîné un retard de trois mois, l’activité aurait débuté au printemps, quand le climat est plus frais et l’afflux touristique moindre. La mise en route d’une usine comme celle-ci nécessite inévitablement une période de réglage". Ils l’assurent : "En un mois, le problème a été réglé".


Jean PREVE