Epargne : des fourmis, des joueurs, des gagnants et des perdants...


Finance


22 décembre 2020

Que vous soyez fourmi ou joueur, il y a forcément une stratégie adaptée à vos attentes. Mais le chemin est semé d’embûches. Le point avec la Banque de France à Nice.

L’on vous propose par les temps qui courent un placement à 5 ou 8% : fuyez ! Car avec les taux d’intérêt actuels très bas, cela est tout simplement im-po-ssi-ble. Si l’on ne devait retenir qu’un seul enseignement de la "leçon" d’épargne donnée en ligne par la Banque de France, ce serait celle-ci. Les placements miraculeux n’existent pas et ceux qui paraissent trop avantageux sur le papier sentent l’arnaque à plein nez.
"Nous sommes ici pour ceux qui veulent investir mais qui ont des inquiétudes avant de s’engager, pour leur expliquer ce qu’il faut faire et les orienter avec les meilleurs conseils possibles" résume Christian Delhomme, directeur départemental de la Banque de France en ouverture d’une web session qui s’est tenue en direct à Nice comme dans 40 autres villes en France.

Investir, épargner, consommer...

Ce qui est en jeu, ce sont les 85 milliards d’euros non dépensés par les Français pendant les confinements. L’Etat espère qu’une grande partie de cette manne se débloquera dans la consommation pour relancer la machine économique. Et les particuliers qui veulent épargner - pour de la précaution, à moyen terme pour un projet, à long terme comme pour la retraite - souhaitent que leurs économies fassent des petits.
Si l’on ne dispose pas d’outil pour influencer le taux de rémunération, nous pouvons tout de même "jouer" sur la composition de l’épargne. En choisissant la sécurité (capital garanti), mais ce sera au détriment du rendement. Ou en prenant des risques pour espérer un bon rapport, mais sans aucune garantie de "retour".
Livret A, PEA, PEL, assurance vie, bourse et les nouveaux produits issus de la loi Pacte offrent un panel classique dans lequel l’épargnant peut picorer. En ne perdant pas de vue "que les taux resteront bas" (Nicolas Risseguier) puisque c’est le choix politique fait pour relancer la machine et permettre le financement des entreprises. Au niveau mondial, les taux sont même négatifs (!) à dix ans... Les disponibilités en argent frais sur les marchés sont importantes, les banques centrales produisent de la monnaie : il n’y a donc pas de raison d’une "remontada" rapide.
Si le Français place environ 15% de son revenu disponible, il peut être tenté par l’aventure, comme Alain, arnaqué au coin du bois par une société lui proposant un placement en Bitcoin. Mis en confiance (la première demande de remboursement a été honorée), il y a finalement laissé sa chemise. "Pour connaître le sérieux de l’intermédiaire, il suffit d’interroger l’AMF" (Autorité des Marchés Financiers) précise Nicolas Risseguier. Gare aux escrocs experts en manipulation, comme l’a démontré Daniel Haguet, professeur de Finance à l’Edhec, en passant en revue nos comportements devant les pertes ou les gains de nos placements qui orientent à notre insu nos décisions (voir ci-dessous).

Pas de miracle

"En matière financière, il n’y a pas de martingale" appuie Cyril Servant. Il faut s’interroger sur la disponibilité de l’épargne, sa fiscalité, les éventuels frais de sortie et bien sûr privilégier la diversification. Il faut aussi bien se connaître, savoir comment on réagit en cas de perte à la bourse par exemple, et se dire que les gains viennent (généralement) sur la durée d’où l’intérêt de "lisser" ses placements. Pour les actions, ne pas oublier que les dividendes versés offrent dans le temps une plus grande rentabilité que la plus-value. "On ne peut pas tout avoir, il y a un triangle d’incompatibilité garantie de capital-rendement-liquidité".

La finance "comportementale"

Depuis les années 70, les universitaires se sont penchés sur le comportement "financier" des personnes, sur leurs réactions face à une situation de gain ou de perte. Les résultats de ces études sur la finance comportementale sont maintenant enseignés dans les écoles de commerce et de banque.
"Nous sommes environnés par l’incertitude pour nos prises de décision. En situation de gain, l’épargnant a tendance à ne rien faire tandis que la situation de perte incite l’individu à réagir" explique le professeur Daniel Haguet. Par exemple, si vous gagnez une bonne somme au Casino, vous aurez tendance à l’encaisser et à cesser de jouer, au moins pour la soirée. En revanche, si vous perdez, vous serez tentés de continuer pour vous refaire.
Sur un portefeuille d’actions, nous aurons donc tendance à liquider les titres en plus-value et garder ceux qui perdent. Ce qui signifie qu’au fil du temps l’épargnant aura de moins en moins de titres gagnants... Un comportement que l’on retrouve aussi bien chez les particuliers que chez les professionnels, banquiers, tradeurs etc.
Les individus ne veulent pas se situer dans la perte. Ils la vivent douloureusement. Les Français sont plus "fourmi" que "cigale" et privilégient les supports proposant une garantie en capital comme les livrets A.


Jean-Michel Chevalier