Dernières mesures en droit social pouvant impacter la gestion de vos salariés


Paroles d’expert


23 décembre 2020

Par Me Nathalie Koulmann Talliance Avocats

L’ordonnance n° 2020-1639 du 21 décembre 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle

Une ordonnance du ministère du Travail, publiée au Journal officiel ce mercredi 23 décembre, prévoit de prolonger certaines dispositions relatives au chômage partiel.

La première concerne la modulation du taux du chômage partiel selon les secteurs.

Pour rappel, actuellement, il existe deux régimes de prise en charge du chômage partiel par l’État : les secteurs les plus touchés par la crise profitent d’une prise en charge intégrale de l’indemnité versée aux salariés (70% du salaire brut, voire 100% pour ceux au Smic) ; les autres secteurs ont un reste à charge de 15%. Cette modulation ne devait durer que jusqu’au 31 décembre 2020.

Mais l’ordonnance prolonge jusqu’au 30 juin 2021 “au plus tard” cette possibilité de modulation. La nouvelle date exacte de fin devra être fixée par décret.

Par ailleurs, le gouvernement ajoute un nouveau motif de modulation, en se donnant la possibilité de majorer le taux de chômage partiel pris en charge par l’État “sur le fondement d’un critère géographique”. Et ce, toujours jusqu’au 30 juin 2021 au plus tard.
Cela signifie que si l’évolution de l’épidémie pousse l’exécutif à prendre des restrictions sanitaires dans certains territoires seulement, les entreprises situées dans ces zones géographiques pourront bénéficier d’une meilleure prise en charge du chômage partiel. Par cette mesure, le gouvernement laisse donc entendre que des restrictions sanitaires territorialisées seront possibles en 2021.

Deuxième mesure à être prolongée l’an prochain : le dispositif de chômage partiel mis en place pour les employés à domicile et les assistants maternels.
Une ordonnance du 27 mars dernier prévoit là encore que ce dispositif prenne fin au 31 décembre 2020. Le texte prévoit de maintenir jusqu’au 28 février 2021 le chômage partiel pour les salariés à domicile dont l’employeur est un travailleur non salarié dans l’impossibilité d’exercer son activité à cause de la crise (restaurateur, commerçant, etc.). Pour les salariés à domicile considérés comme étant vulnérables, le dispositif de chômage partiel est prolongé “jusqu’au dernier jour du quatrième mois suivant le mois où a pris fin l’état d’urgence sanitaire”, à savoir jusqu’au 30 juin 2021.

Pour rappel, actuellement, les modalités financières du chômage partiel pour les salariés à domicile sont les suivantes : au moins 80% de la rémunération nette du salarié à domicile doit être garantie par l’employeur et l’Urssaf rembourse à ce dernier l’équivalent de 65% du salaire net. Ce qui revient pour le particulier employeur à payer 15% de la rémunération nette de son salarié.

Enfin, l’ordonnance prolonge également le dispositif de chômage partiel pour les salariés vulnérables du secteur privé et pour ceux devant garder leur enfant dont l’école ou la classe a fermé. Censé prendre fin au 31 décembre 2020, le dispositif va finalement être maintenu jusqu’au 31 décembre 2021 “au plus tard”. La nouvelle date exacte de fin du dispositif devra encore une fois être fixée par décret.

Un décret, publié ce mardi 22 décembre, qui met à jour la liste des secteurs éligibles à une prise en charge à 100%.

- Ainsi, concernant la liste des secteurs “principaux” :

trois nouvelles activités ont été intégrées : “régie publicitaire de médias”, “accueils collectifs de mineurs en hébergement touristique” et “fabrication de structures métalliques et de parties de structures” ;
quatre activités sont transférées des secteurs connexes vers les secteurs principaux : “traducteurs-interprètes”, “prestation/location de chapiteaux, tentes, structures, sonorisation, photographie, lumière et pyrotechnie”, “transports de voyageurs par taxis et véhicules de tourisme avec chauffeur” et “location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers” ;
enfin, le secteur “activités des parcs d’attractions, parcs à thèmes” est complété de la mention “et fêtes foraines”.

- La liste des secteurs d’activité “connexes” est quant à elle complétée par 45 nouveaux secteurs (voir document ci-dessous)

- Le décret instaure également, pour certains secteurs d’activité dits “connexes”, un principe de déclaration sur l’honneur pour pouvoir bénéficier de l’allocation d’activité partielle versée par l’Etat.

Pour rappel, pour bénéficier de l’allocation d’activité partielle à un taux majoré, les entreprises des secteurs “connexes” doivent justifier d’une très forte diminution de leur chiffre d’affaires. Cette baisse doit être d’au moins 80% durant la période comprise entre le 15 mars et le 15 mai 2020. Elle s’apprécie soit par rapport au chiffre d’affaires constaté au cours de la même période l’année précédente, soit par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 ramené sur deux mois.

Certaines entreprises devront désormais produire une déclaration sur l’honneur pour justifier qu’elles remplissent ce critère lié au chiffre d’affaires. Dans cette déclaration sur l’honneur, l’entreprise devra indiquer qu’elle dispose d’une attestation établie par un expert-comptable, tiers de confiance, attestant qu’elle remplit le critère du chiffre d’affaires. Cette déclaration devra être adressée à l’autorité administrative en même temps que la demande d’indemnisation au titre de l’activité partielle.

La déclaration sur l’honneur sera applicable aux entreprises des secteurs suivants :
- les entreprises artisanales réalisant au moins 50% de leur chiffre d’affaires par la vente de leurs produits ou services sur les foires et salons ;
- les activités immobilières, les entreprises de transport, les entreprises du numérique, les métiers graphiques, d’édition spécifique, de communication et de conception de stands et d’espaces éphémères, lorsque au moins 50% du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
- la prestation de services spécialisés dans l’aménagement des stands et lieux lorsqu’au moins 50% du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de la production de spectacles, l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
- la fabrication de linge de lit et de table lorsque au moins 50% du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ;
- la fabrication de produits alimentaires, d’équipements de cuisines, l’installation et la maintenance de cuisines, et l’élevage de pintades, de canards et d’autres oiseaux (hors volaille), lorsque au moins 50% du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de la restauration.

Une ordonnance du 16 décembre 2020, prolonge jusqu’au 30 juin 2021 :

Les dispositions permettant d’imposer une prise de congés ou de jours de repos pour tenir compte de la crise sanitaire.

Les articles 1er à 5 de l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 permettent à l’employeur d’imposer la prise de congés payés ou de jours de repos jusqu’au 31 décembre 2020. Ces mesures sont prolongées jusqu’au 30 juin 2021.

- Les congés payés.

Un accord d’entreprise, ou à défaut de branche, peut autoriser l’employeur à imposer ou modifier la date de prise de 6 jours de congés payés, Sont mobilisables les jours de congés payés acquis par le salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris (Ord. 2020-323 art 1er, al. 1).
L’ordonnance 2020-1597 ne précise pas si le plafond de 6 jours de congés mobilisables est renouvelé pour la période d’application du 1er janvier 2021 au 30 juin 2021.
En d’autres termes, les employeurs qui ont déjà mobilisé 6 jours de congés entre mars 2020 et le 31 décembre 2020 peuvent-ils à nouveau imposer ou modifier les dates de 6 jours de congés ?
Il revient aux partenaires sociaux d’en discuter et adapter le cas échéant les dispositions des accords d’entreprise ou de branche conclus sur le fondement de l’ordonnance 2020-323.

- Les entreprises en difficultés économiques peuvent imposer jusqu’à 10 jours de repos
L’employeur peut unilatéralement imposer la prise de jours de repos conventionnels, ou la modification de leur date, le cas échéant par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables. Sont concernés :
– les jours de repos ou de RTT accordés dans le cadre d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines ou d’un accord ou convention collective de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi du 20 août 2008 ;
– les jours de repos prévus par une convention mettant en place un dispositif de forfait en jours ;
– les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié.
Le plafond de 10 jours de repos mobilisables par l’employeur applicable depuis le 25 mars 2020 n’est pas modifié.

A notre avis  : Les employeurs qui ont d’ores et déjà imposé ou modifié la prise de 10 jours de repos ne peuvent plus recourir à ce dispositif.

Les conditions fixées par l’ordonnance 2020-323 sont maintenues. Notamment, l’intérêt de l’entreprise doit justifier la mise en oeuvre de ces mesures eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation de la Covid-19 (Ord. 2020-323 art. 2 à 4).

Le comité social et économique doit être informé sans délai et par tout moyen. Il a un mois à compter de l’information de l’employeur pour rendre son avis. Le comité peut rendre son avis après l’usage par l’employeur de sa faculté d’imposer la pose ou la modification des dates de jours de repos (Ord. 2020-323 art. 5).

La période de congés et de prise des jours de repos imposée ou modifiée en application de l’ordonnance 2020-323, telle que modifiée par l’ordonnance 2020-1597, ne peut s’étendre au-delà du 30 juin 2021 (Ord. 2020-323 art 1er, 2, 3 et 4).

La possibilité de fixer par un accord collectif d’entreprise le nombre maximal de renouvellements possibles pour un CDD ;

L’ordonnance, prolonge jusqu’au 30 juin 2021 les assouplissements prévus par l’article 41 pour le régime des CDD, à savoir la possibilité de fixer par un accord collectif d’entreprise le nombre maximal de renouvellements possibles pour un CDD ; les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats ou encore de prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.
L’ordonnance proroge par ailleurs de six mois supplémentaires les dérogations propres aux contrats de travail temporaire : là encore un accord collectif d’entreprise conclu au sein de l’entreprise utilisatrice peut ainsi fixer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de mission ; déterminer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats ; prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable voire autoriser le recours à des salariés temporaires dans des cas non prévus par le code du travail.

L’assouplissement dérogatoire du recours au prêt de main d’œuvre.

S’agissant du prêt de main-d’œuvre, les règles, fixées par l’article 52 de la loi du 17 juin 2020, sont aussi reconduites de six mois. Jusqu’au 30 juin 2021, l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice pourront donc ne signer qu’une seule convention de prêt de main-d’œuvre en vue de la mise à disposition de plusieurs salariés. Avant le 17 juin dernier, une convention ne pouvait être conclue que pour la mise à disposition d’un seul salarié.

Toujours à titre temporaire, l’avenant au contrat de travail pourra faire l’impasse sur les horaires d’exécution du travail. Il devra alors préciser le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition. Les horaires de travail sont fixés par l’entreprise utilisatrice avec l’accord du salarié.

En revanche, l’ordonnance supprime, à compter du 1er janvier 2021, la disposition de la loi du 17 juin 2020 qui prévoyait que la procédure d’informations-consultations du CSE pouvait être remplacées «  par une consultation sur les différentes conventions signées, effectuée dans le délai maximal d’un mois à compter de la signature de la convention de mise à disposition ».

Elle clarifie enfin les règles de facturation lorsque l’entreprise prêteuse recourt à l’activité partielle, en précisant que « les opérations de prêt de main-d’œuvre n’ont pas de but lucratif pour les entreprises utilisatrices ». Aussi le montant facturé par l’entreprise prêteuse à une entreprise utilisatrice peut être « inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursé à l’intéressé » voire être « égal à zéro ».

Attention, les dispositions concernant la durée du travail et du repos dominical ne sont pas modifiées par cette nouvelle ordonnance.

Consulter la liste des secteurs d’activité “connexes”


Me Nathalie Koulmann Talliance Avocats