28 janvier 2021
La crise sanitaire a donné de nouveaux arguments aux partisans d’une réindustrialisation de la France. Rebâtir notre appareil productif, l’idée séduit désormais gouvernants et gouvernés.
Alors qu’elle atteint 25% en Allemagne, la part de l’industrie dans le PIB n’est que de 13% en France. Preuve que notre pays a beaucoup réduit son appareil de production. Et fait le choix des délocalisations, synonymes de main-d’œuvre bon marché et de baisse des coûts. Le mouvement a d’abord concerné le textile, dès les années 1970, puis l’automobile, l’informatique..., pour finalement toucher quasiment l’ensemble des produits manufacturés. Même certains services, comme l’assistance téléphonique, n’ont pas résisté aux sirènes de l’étranger. Et puis la Covid-19 est apparue, révélant la fragilité d’une mondialisation qui concentre une grande partie de la production dans un tout petit nombre de pays. Voire d’entreprises. La pénurie de masques et les tensions sur les réserves de paracétamol au début de la crise sanitaire ont illustré, pour le commun des mortels, les risques de ce modèle. Certains politiques, à droite comme à gauche, des économistes, des citoyens, des associations... n’ont pas attendu l’apparition de l’épidémie pour alerter sur l’intérêt d’un retour au "made in France". D’aucuns mettaient en avant les bénéfices sur l’emploi, d’autres l’argument écologique ou une opportunité conjoncturelle (le coût du travail est par exemple devenu moins attractif en Chine). Mais le virus a généré un quasi consensus en remettant sur la table le dossier de la souveraineté dans certaines filières alors devenues, aux yeux de tous, de première nécessité.
Le plan de relance du gouvernement, dévoilé en septembre pour répondre à la dépression traversée par l’économie française à cause de la crise sanitaire, entend soutenir les initiatives de relocalisation. "La France doit ainsi redevenir une grande nation productive", selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Cinq secteurs stratégiques ont été définis : santé, agroalimentaire, électronique, intrants essentiels de l’industrie (chimie, matériaux, matières premières...) et applications industrielles de la 5G. Ils ont bénéficié d’un premier appel à projets doté de 100 millions d’euros en 2020. Plus largement, l’État a retenu 394 dossiers pour 372 millions d’euros d’aides. Ce coup de pouce concerne des projets d’investissements industriels pour un montant de 1,5 milliard d’euros. Les desseins de relocalisation totalisent 680 millions d’euros d’investissements productifs, abondés par l’État à hauteur de 140 millions d’euros. Une trentaine de lauréats (en majorité des PME et des ETI) ont été retenus, assurant, selon les chiffres du ministère de l’Économie, le confortement de 4 000 postes industriels et la création de 1 800 emplois directs. Une dizaine d’entreprises soutenues interviennent dans l’industrie du médicament. En la matière, la France a perdu son
leadership européen, qu’elle occupait encore au milieu des années 2000. La dernière usine fabriquant de la poudre de paracétamol a ainsi baissé le rideau en 2008. Concernant cette molécule, les laboratoires pharmaceutiques s’approvisionnent essentiellement aux États-Unis, mais aussi en Chine et en Inde. C’est d’ailleurs de ces deux pays que proviennent environ 70% des principes actifs utilisés en Europe. Le gouvernement et certains laboratoires ont l’ambition de redonner à la France la maîtrise de la filière du paracétamol d’ici trois ans. De quoi engendrer des concerts de "cocorico", en dépit de quelques voix plus mesurées, dont celle d’Isabelle Méjean, professeure d’économie à l’École polytechnique et prix du meilleur jeune économiste en 2020. Selon elle, la France a plus intérêt à investir dans ses forces et les secteurs d’avenir, comme la transition écologique, que d’essayer de rapatrier des activités aujourd’hui massivement implantées en dehors de la zone euro. Elle estime que toute relocalisation n’est pas bonne à tenter. Sauf à prendre le risque de mobiliser un important investissement public pour un résultat pas forcément garanti.