Le Tribunal de commerce d’Antibes au rendez-vous de la crise


Economie


29 janvier 2021

Le Tribunal d’Antibes a fait sa rentrée le 15 janvier en comité restreint et a dressé le bilan 2020

"Cette crise a secoué nos institutions, nos entreprises, nos mentalités". Et les habitudes de rentrée au tribunal de commerce d’Antibes. Masqué, à l’instar de tous les participants, Robert Martin a présidé, le 15 janvier, une audience tout autant solennelle que singulière. En comité restreint, épidémie de Covid-19 oblige.

C’est ainsi que les nouveaux juges ont été accueillis dans cette juridiction qui, malgré les confinements, a pu "préserver une activité non pas minimale, mais bien optimale" en 2020. Le nombre d’affaires enrôlées (1 268) n’affiche en effet qu’une baisse de 20,8%. Et le bilan des jugements rendus (1 300) ne recule que de 15,5%.
"Notre équipe s’est réinventée, changeant nos méthodes et nos moyens avec comme seul objectif de servir les intérêts collectifs", a insisté le président Robert Martin. "Sans support de la part de nos propres associations ou des organismes tutélaires, sans vision commune à toutes les juridictions, notre tribunal a avancé avec comme outil le bon sens, les textes et la volonté chevillée au corps des juges consulaires et du greffe d’assurer la continuité des services". Grâce à la visioconférence, le lien avec les entreprises en difficulté a ainsi pu être maintenu.

Agir en prévention

Les statistiques de l’activité juridictionnelle de 2020 montrent une diminution des liquidations judiciaires (- 16,9%) une augmentation des plans de redressement (+ 305,9%) ou encore une baisse des faillites personnelles ou interdiction de gérer (- 36,4%). Mais attention à la lecture des chiffres. "Les effets économiques et sociaux secondaires de la pandémie vont se manifester et s’intensifier bien au-delà de ce début d’année", prévient Robert Martin. Pour y faire face, le tribunal peut compter sur un effectif complet de 26 juges. Et sur quatre présidents de chambres du conseil nommés en 2021, ce qui octroie à la structure la possibilité de disposer d’un président suppléant. "Nous anticipons la nécessité éventuelle de créer une nouvelle chambre de contentieux générale si besoin". En outre, deux nouveaux juges commissaires se formeront cette année. "Nous ferons ainsi face à l’augmentation des dossiers en procédures collectives qui se profile".

Une chambre de clôture pour insuffisance d’actif est par ailleurs mise en place "afin de décharger les audiences en chambre du conseil", indique le président Martin, qui annonce la tenue de "plus de 125 audiences" en 2021, sans compter celles des juges commissaires. L’année sera également marquée par "une intensification des convocations en prévention des entreprises", car de trop nombreux dirigeants se retrouvent trop tard devant le tribunal de commerce, tout simplement parce qu’ils ignorent l’existence de la conciliation, du mandat ad hoc et de la procédure de sauvegarde. D’où la création d’une "commission d’extériorisation" pour mieux faire connaître les rôles de la juridiction antiboise qui, en deux ans, s’est dotée d’une équipe chargée de repérer les chefs d’entreprise en situation de détresse psychologique en vue de les aiguiller vers l’association APESA, spécialisée dans leur accompagnement. "Nous formerons de nouvelles sentinelles dès que possible".

Une assemblée restreinte pour cette rentrée 2021 en raison de la crise sanitaire DR JP

Parquet : de la bienveillance, sans angélisme

Durant la majeure partie de 2020, c’est Julien Pronier qui a représenté le ministère public aux audiences du tribunal de commerce d’Antibes. Mais depuis octobre, la fonction est assurée par Yoan Hibon, substitut du procureur près le tribunal judiciaire de Grasse. "Si jusqu’à présent la crise sanitaire ne s’est pas répercutée sur le nombre global d’ouvertures de procédures collectives, personne n’est dupe. Au cours des derniers mois, nous avons déjà pu constater que certaines activités étaient sinistrées", a-t-il indiqué lors de la rentrée solennelle, en rappelant l’efficacité des ordonnances gouvernementales pour soutenir l’économie. Même si une mesure, le PGE, "constitue une véritable bombe à retardement" à ses yeux. Face aux complications qui s’annoncent pour nombre de chefs d’entreprise, "il faudra faire preuve de bienveillance, mais pas d’angélisme", a-t-il insisté. Et de souligner que la régulation de l’ordre public économique, qui garantit "la protection des plus faibles et de ceux qui jouent le jeu", passe par la sanction.
Pour Yoan Hibon, 2021 sera un cap à franchir par "le cinq majeur" que forment le Parquet, les juges consulaires, le greffe, les mandataires et administrateurs judiciaires ainsi que les avocats. "Ce cap ne doit pas nous effrayer".

Barreau de Grasse : opération solidarité

Le bâtonnier Fabrice Maurel a tenu à rappeler les actions de solidarité initiées par les avocats du Barreau de Grasse depuis le début de la crise sanitaire. Après le soutien apporté aux victimes de violences intrafamiliales durant le confinement, après l’aide aux soignants via des permanences dans les hôpitaux, c’est désormais au chevet de l’économie que la profession se place. "Le Barreau de Grasse a fait le choix d’être encore présent et solidaire envers ceux qui sont dans la détresse", a-t-il indiqué, en annonçant le lancement d’une opération mobilisant gratuitement les avocats "auprès des entreprises désireuses de savoir si elles peuvent actionner leur garantie d’assurance de perte d’exploitation". Une intervention similaire est prévue auprès des bailleurs "pour solliciter un abandon des loyers".
Et le bâtonnier Maurel d’évoquer ensuite les mesures de sauvegarde et de redressement judiciaire. "Il me semble utile d’informer largement les entrepreneurs des avantages de ces procédures. Le Barreau de Grasse pourrait proposer un service d’information", a-t-il déclaré, avant d’inviter le tribunal de commerce d’Antibes à s’investir à ses côtés dans les dossiers de la dématérialisation et des modes alternatifs de règlement des différends.


Jean PREVE