2021, encore une année de défis pour les Prud’hommes de Cannes


Droit


29 janvier 2021

Le président Demarest s’attend à une hausse des contentieux en vue

Le Conseil de prud’hommes de Cannes a dû faire preuve de grandes capacités d’adaptation pour honorer ses missions l’an dernier. De la grève des avocats, "qui a notablement complexifié le traitement des affaires", induisant "une paralysie des audiences et des renvois à répétition", à l’épidémie de Covid-19, il lui a fallu trouver des solutions. Bruno Demarest, qui préside la juridiction, l’a rappelé le 22 janvier, lors d’une l’audience solennelle de rentrée en comité restreint. "La mise en place des mesures de distanciation physique, le balisage des locaux, le port du masque obligatoire ou bien la nouvelle organisation du travail ont constitué autant de défis que notre institution a su relever afin d’accompagner le justiciable et
satisfaire à notre office
".

Le bilan statistique de l’activité du Conseil (lire ci-dessous) traduit bien sûr ces circonstances exceptionnelles, qui marqueront aussi l’année qui débute.

Hausse des contentieux en vue

"Les conséquences économiques et sociales de cette période sans précédent vont progressivement émerger et s’intensifier, avec une progression attendue du chômage et une multiplication des contentieux", a prévenu le président Demarest. "Outre les licenciements économiques découlant des difficultés financières liées à la pandémie, les divers dispositifs remaniés par le pouvoir exécutif afin d’assister les employeurs et les salariés, tels que l’activité partielle, ont été considérablement complexifiés. La technicité et l’ampleur de ces mesures sont nécessairement génératrices de nouveau contentieux, qui seront particulièrement délicats à appréhender". Et d’anticiper "une année certainement difficile, insécurisante et mouvementée. à nous d’assurer la pérennité du fonctionnement du Conseil de prud’hommes, avec compétence, professionnalisme et impartialité, en dehors du clivage dogmatique".

Des audiences blanches

La tâche s’annonce d’autant plus ardue que la juridiction doit faire face à une conjonction d’éléments pénalisants, dont "la fusion imposée des greffes de notre Conseil de Prud’hommes et du tribunal de proximité. Cette nouvelle organisation, à laquelle nous sommes contraints, soulève de nombreuses problématiques de fond", à commencer par "un progressif effacement de la spécificité prud’homale dans la gestion des greffes", a relevé Bruno Demarest, qui aurait apprécié un report de ce changement au regard du contexte actuel.
Autre écueil, une carence d’effectifs. "Nous manquons de greffiers mais nous manquons aussi de conseillers prud’homaux afin de traiter sereinement l’ensemble de nos charges quotidiennes". Et pourtant, le service public judiciaire devra être assuré. "Les salariés et les employeurs n’ont jamais eu autant besoin de la protection de la justice : il est de notre devoir de ne pas les en priver". D’où une préparation de l’institution aux nouvelles réalités : "Notre Conseil de prud’hommes s’est organisé afin d’anticiper ces tendances, notamment en instaurant de multiples audiences blanches. Cette mesure assurera ainsi un traitement optimisé des litiges nécessitant une réactivité supérieure en raison de leurs conséquences ou leur urgence".

Rapidité ou célérité ?

Depuis la reprise de l’activité, l’institution est confrontée à un allongement de la durée de traitement du contentieux. "Il nous appartient de limiter autant que possible les délais des délibérés afin de respecter un objectif de célérité de la justice". Pour le président Demarest, le terme a son importance, cette célérité devant primer sur la rapidité. "Il ne s’agit pas de rendre des décisions rapides, qui pourraient nuire à leur qualité". En la matière, le Conseil de prud’hommes jouit d’une réputation valorisante : "De multiples interlocuteurs nous ont fait part de leur satisfaction pour la qualité du travail que nous réalisons au sein de la juridiction cannoise, et ce depuis plus de 30 ans. Nous sommes la juridiction prud’homale dont le taux de départage est un des plus faibles et le taux de confirmation de nos jugements par la Cour d’appel est très flatteur, et j’en suis particulièrement fier. Surtout à la lumière des difficultés organisationnelles précédemment évoquées, ce qui constitue une formidable reconnaissance pour le travail effectué par chacun de nous".
Les nouveaux conseillers appelés à intégrer l’appareil judiciaire connaissent désormais le niveau d’exigence qui doit encadrer leur mission. Mais qu’ils se rassurent : "Nous serons là pour les accompagner dans leur prise de fonctions".

Les chiffres d’une année 2020 exceptionnelle

Au Conseil des prud’hommes de Cannes, comme dans les autres juridictions françaises, on n’oubliera pas l’année 2020 de sitôt.
Le mouvement de grève des avocats, les complications de la crise sanitaire et la fusion des services du greffe ont entraîné un recul de l’activité, qui se traduit d’abord par une réduction du nombre d’audiences (140 contre 228 en 2019).
Toutes sections confondues et référés compris, le nombre d’affaires nouvelles a lui aussi diminué (- 13,4%), passant de 581 l’année précédente à 503 en 2020. C’est dans le secteur du commerce que l’activité a été la plus soutenue (182 affaires sur 503), devant les activités diverses (137) et les référés (79). À noter que ces derniers ont chuté de 36,8% l’an dernier par rapport à 2019 (125 affaires) et même de 41,91% sur trois ans (136 affaires en 2018).
En ce qui concerne les affaires terminées, l’évolution est nettement orientée à la baisse (378 affaires en 2020 contre 629 en 2019, soit - 41,84%). 15 affaires au fond ont été conciliées totalement, ce qui porte à 3,53% le taux de conciliation par rapport au nombre d’affaires nouvelles introduites.
Autres indicateurs en régression, le nombre de jugements, qui a logiquement diminué de 37,94% (193 contre 311 en 2019), et celui des ordonnances de référés (82 contre 120 en 2019, soit -31,67%).
Les appels ont en revanche été plus nombreux (135 contre 128 en 2019, soit une augmentation de 5,47%).
En matière de départage, 7 procès-verbaux ont été enregistrés en 2020 contre 29 en 2019, soit une baisse de 75,86%.
Pour être complet, citons 168 actes déposés au greffe (159 en 2019, soit une hausse de 5,66%) et une durée des procédures qui se situe à 14,8 mois en moyenne, soit une légère augmentation (14,3 mois en 2019) consécutive à une nette baisse (16,4 mois en 2018).


Jean PREVE