Solide face à la crise, le BTP azuréen espère éviter les fissures en 2021


Economie


3 février 2021

Pas question de se voiler la face. Au moment de dresser le bilan d’une année 2020 "hors norme", le 29 janvier, la présidente de la Fédération départementale du BTP a dû se résoudre à une annonce attendue : le recul de l’activité, qui a touché tous les segments de marchés.

"À fin novembre, la construction de logements accuse une baisse de 10% sur un an", a expliqué Laure Carladous, en imputant ce ralentissement au premier confinement, qui a engendré un arrêt total des chantiers. Sans la mise en place rapide de protocoles sanitaires pensés par la profession et validés par le gouvernement, les dégâts auraient sans doute été plus importants. Ils l’ont par exemple été dans l’immobilier non résidentiel où, après un excellent millésime 2019, la chute a atteint 30%. Seulement 206 000 m2 de bureaux et autres locaux professionnels ont ainsi vu le jour dans les Alpes-Maritimes l’an dernier.

Patrick Moulard, Laure Carladous et Pierre Mario dans les locaux de la Fédération du BTP 06. DR J.P

C’est finalement le secteur de l’entretien et de la rénovation, porté notamment par le crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui a le mieux résisté, ne freinant que de 4,5%. Un résultat qu’aurait volontiers enregistré la branche des travaux publics et routiers qui, confrontée à une baisse structurelle des appels d’offres depuis plusieurs années, a perdu pas moins de 15%. Et ce "malgré les travaux d’urgence lancés dans les trois vallées sinistrées, suite à la tempête Alex", comme l’a précisé Pierre Mario, vice-président de la Fédération et président de sa section TP.

23 000 emplois maintenus en 2020

Laure Carladous estime cependant que "le BTP a tenu le choc et fait preuve d’une capacité d’adaptation exemplaire". Les temps troublés de la Covid-19 n’ont "pas eu d’incidence directe sur les effectifs de nos entreprises, restés stables, autour de 23 000 salariés, grâce au recours à l’activité partielle et à la prise de congés lorsque cela était possible". Seul l’emploi d’intérimaires a reculé. Du moins dans un premier temps, car le recours à ce type de contrat connaît à nouveau une croissance depuis quelques mois. "Nos entreprises ont pleinement assuré leur rôle économique et social", a souligné la présidente. Et Pierre Mario d’insister : "Le BTP n’a jamais arrêté de fonctionner. Il a contribué à l’effort national en collectant tous les mois de la TVA".
Pour les représentants de la profession, ce bilan est d’autant plus remarquable que "bon nombre de nos clients, principalement privés, n’ont pas accepté de contribuer à l’effort collectif de la filière, refusant de prendre à leur charge une partie des surcoûts générés par la nouvelle organisation". De l’achat de masques et autres gants à l’installation de bases-vie plus vastes en passant par la baisse de productivité inhérente à l’application des gestes barrière, les charges de production ont crû de 10 à 15%, "soit jusqu’à 25 à 30 euros par collaborateur chaque jour".

En dépit de cette démonstration de résilience, le BTP entame l’année dans l’incertitude. "Sous réserve d’un contexte sanitaire stabilisé et au vu des grandes tendances nationales et locales, 2021 devrait connaître au mieux une stagnation, voire une nouvelle baisse d’activité", prévient Laure Carladous. La filière doit composer avec un manque de visibilité et des chantiers qui tardent à démarrer.

Autre problématique, "des niveaux de prix trop bas et des délais trop tendus, qui sont accentués avec le phénomène Covid". Et de réclamer des tarifs plus justes pour une filière qui constate déjà une hausse supplémentaire de ses coûts en raison de "l’envolée des prix de l’acier, du cuivre ou de l’aluminium", mais aussi de l’application prochaine de nouvelles normes et règles. C’est ce qu’a évoqué Patrick Moulard, vice-président de la Fédération, chargé du développement durable, des nouvelles technologies, de l’environnement et des énergies, en citant notamment les études de sols préalables, les mesures parasismiques, l’amélioration imposée du tri des déchets et la nouvelle réglementation RE 2020, qui doit entrer en vigueur au cours de l’été. "Celle-ci induit des changements lourds et fondamentaux pour notre secteur". En la matière, le gouvernement table sur un surcoût de 4%. Mais la profession l’estime "à plus du double".

Vite des projets publics !

Pour éviter un recul trop violent en 2021, elle milite pour la poursuite des dispositifs fiscaux qui favorisent l’investissement immobilier, appelant notamment de ses vœux un crédit d’impôt sur la primo-accession, une majoration du dispositif Pinel pour les biens labellisés "RE 2020" ou encore un allègement des procédures d’urbanisme, voire l’instauration "d’un permis déclaratif sur les zones déjà aménagées".
Sans des résultats concrets sur ces revendications, la Fédération du BTP 06 craint une nouvelle chute de 10% de la production de logements. Et elle ne pourra pas compter sur le secteur non résidentiel, particulièrement soumis à l’influence de la crise sanitaire, pour la compenser.
Cette année encore, la profession fonde donc ses espoirs sur la rénovation énergétique, pour laquelle 7 milliards d’euros sont fléchés dans le plan de relance. Une progression de 5 à 6% est ainsi envisagée, surtout grâce aux particuliers.
Mais des chantiers publics sont attendus, facilités par des dotations.
L’avenir des travaux publics et routiers reste quant à lui dépendant "de la réactivité et du dynamisme des collectivités territoriales". D’où cet appel aux décideurs locaux, incités à piocher dans le plan de relance et les contrats de plan État-Région pour donner vie à leurs projets. Au plus vite !


Jean PREVE