Cancer : lutter contre une pandémie qui ne dit pas son nom


Santé


12 février 2021

L’État espère faire baisser de 60 000 cas par an le nombre de cancers "évitables" d’ici 2040

Alors que la "guerre" contre la Covid-19 n’est pas gagnée, Emmanuel Macron a présenté la nouvelle stratégie nationale de lutte contre le cancer, qui reste la maladie la plus meurtrière.

Un an de Covid ! Depuis la confirmation de sa présence sur le sol français en janvier 2020, le coronavirus s’accapare toutes les attentions. Et une copieuse enveloppe de fonds publics. Sans évoquer les 100 milliards d’euros promis par le plan de relance, sans compter la dette née du "quoi qu’il en coûte" et des aides pour éviter à l’économie de sombrer, les dépenses de santé liées à l’épidémie s’annoncent également énormes.

Le cancer oublié

La loi de financement de la Sécurité sociale a ainsi planifié un surcoût de 15 milliards d’euros en 2021. Un total prévoyant 1,5 milliard pour les vaccins, dont la note s’annonce finalement plus salée : 3 milliards. Aux quatre coins du monde, d’autres milliards ont été mobilisés dans la recherche sur un virus aussi obsédant qu’il est contagieux. Au point de nous faire oublier parfois d’autres pathologies, au premier rang desquelles figure le cancer. Cette maladie est pourtant celle qui cause le plus de décès dans le pays, puisqu’elle emporte la vie de plus de 150 000 Français chaque année. 3,8 millions de personnes sont atteintes par un cancer, dont quelque 380 000 nouveaux cas par an. Eloignés des hôpitaux par le premier confinement, au cours duquel les opérations chirurgicales et les dépistages ont quasiment cessé, nombre de malades ont vu leur situation s’aggraver. Conséquence : certains spécialistes craignent que les chiffres de la mortalité explosent ces prochaines années.

Un plan sur dix ans

C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron a présenté, le 4 février, à l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, un plan sur dix ans pour combattre la maladie. Une première feuille de route, pour la période 2021-2025, a d’ores et déjà été définie. Elle bénéficiera d’un budget de 1,74 milliard d’euros, en hausse de 20% par rapport aux trois précédents plans. La stratégie nationale, dont les objectifs se rapprochent de celle dévoilée un jour plus tôt par la Commission européenne (4 milliards d’euros annoncés), sera placée sous la responsabilité de l’Institut national du cancer. "Si tous les moins de vingt ans arrêtaient de fumer demain, la mortalité par cancer diminuerait de 40% dans les 50 ans", selon l’Institut Curie. D’où l’impérieuse nécessité d’améliorer la prévention, axe prioritaire du plan détaillé par le président de la République. "Je souhaite que la génération qui aura 20 ans en 2030 soit la première génération sans tabac de l’histoire récente", a-t-il déclaré. Le tabac est responsable de 45 000 décès par cancer chaque année. L’abus d’alcool est quant à lui impliqué dans 16 000 morts. L’information, en particulier des jeunes, va donc être renforcée, car 40% des cas pourraient être évités. Ils dépendent en effet de nos comportements (tabac, alcool, alimentation, sédentarité...).

Ambitions

L’État espère faire baisser de 60 000 cas par an le nombre de cancers "évitables" d’ici 2040. Mais son plan a d’autres ambitions, dont un renforcement des dépistages organisés (sein, colon et col de l’utérus). Objectif : convaincre 15 millions de Français à l’horizon 2025. L’innovation est également au centre des enjeux, notamment via la mise au point de nouveaux dépistages pour des cancers qui n’en font pas l’objet. En la matière, les espoirs sont grands, comme en témoigne une étude publiée l’été dernier dans la revue Nature Communications par des scientifiques américains et chinois. Leurs travaux ont permis de détecter des cancers jusqu’à quatre ans avant l’apparition des symptômes grâce à l’analyse de l’ADN tumoral qui circule dans le sang. Très intéressant quand on sait que la précocité du diagnostic améliore le pronostic vital. Enfin, le plan cancer du gouvernement entend limiter les séquelles des malades et leur qualité de vie au quotidien, aussi bien au plan thérapeutique qu’en matière de modalités administratives, avec notamment un reste à charge plus avantageux. Il compte aussi s’attaquer aux cancers les plus virulents (œsophage, pancréas, poumon, système nerveux central...) et à ceux qui touchent les enfants, pour lesquels des efforts en termes de recherche et de suivi personnalisé sont prévus dès cette année. Preuve que la Covid-19 n’occultera pas tout !


Jean PREVE