Le juste prix des anti-cancéreux


Droit


16 février 2021

En 2017, Bruxelles a ouvert une « procédure formelle d’examen » sur les pratiques tarifaires d’Aspen, entreprise pharmaceutique sud-africaine spécialisée dans la fabrication de médicaments génériques. Une enquête qui a montré que cette société s’est très largement gavée en pratiquant sur ses produits des tarifs supérieurs de près de +300% à ceux de ses concurrents qui, pourtant, ne travaillaient pas à perte, mais se contentait eux d’un « rendement raisonnable ».

Pratiques tarifaires abusives

A la suite de cette procédure, il est apparu qu’« aucune raison légitime » ne justifiait le niveau « extrêmement élevé » des bénéfices d’Aspen. Ses médicaments « ne sont plus couverts par un brevet depuis 50 ans : tout investissement de recherche et de développement dont ils ont fait l’objet est donc amorti depuis longtemps » note la Commission. Les produits concernés sont des anti-cancéreux spécifiques que les patients et les médecins ne peuvent se procurer chez un autre fournisseur.
«  Lorsque les autorités nationales ont tenté de résister aux demandes d’Aspen visant à augmenter les prix, l’entreprise est allée jusqu’à menacer de supprimer les médicaments de la liste nationale des médicaments remboursables, et dans certains cas, était même prête à ne plus en assurer un approvisionnement normal sur le marché » a relevé Bruxelles.
Les pratiques du fabriquant « s’étendaient à l’ensemble de l’Espace économique européen  » même si tous les médicaments concernés n’étaient pas en vente dans tous les pays.
Mais pour continuer à vendre ses médicaments en Europe, Aspen a dû passer sous les fourches caudines de la Commission. Elle lui impose de réduire « de 73% en moyenne  » les prix de six anti-cancéreux, de ne pas procéder à des augmentations de tarif pendant dix ans sur ces produits et d’en garantir l’approvisionnement. Un mandataire sera chargé de contrôler la mise en œuvre et le respect des engagements pris par Aspen.
« Cette décision adresse un signal fort aux autres entreprises pharmaceutiques occupant une position dominante, leur rappelant qu’elles ne doivent pas se livrer à des pratiques tarifaires abusives visant à exploiter nos systèmes de santé  » a commenté Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence.

Cette affaire démontre aussi que ce que des états isolés n’ont pas réussi à obtenir, la puissance des 27 réunis a permis de gagner un bras de fer qui était mal engagé. Les malades du cancer pourront donc obtenir leurs médicaments à un prix « raisonnable ».


Jean-Michel Chevalier