Le trompe-l’œil de la Microentreprise en temps de crise


Economie


5 mars 2021

Les immatriculations via le régime de la microentreprise ont augmenté mais...c’est un trompe l’oeil

Les immatriculations via le régime de la microentreprise ont nettement augmenté en 2020. C’est un effet de la crise, qui expose ces travailleurs indépendants à une précarité croissante.

Depuis sa création en 2009, le statut de l’autoentreprise, devenu microentreprise en 2016, connaît un succès certain. La possibilité d’exercer plusieurs activités différentes, la simplification des formalités de création, la franchise de la TVA, la légèreté des obligations en matière de comptabilité et de cotisations sociales ou encore l’opportunité de cumul avec un emploi salarié convainquent des centaines de milliers de Français chaque année. Dix ans après les débuts du régime, 1,7 million de microentrepreneurs étaient en activité en 2019, représentant près de la moitié des travailleurs indépendants. L’Insee a révélé que les quelque 548 000 immatriculations enregistrées via ce statut en 2020 (+ 9%, après une augmentation de 24% l’année précédente) avaient représenté les deux tiers des créations d’entreprises. Un boum qui est notamment dû à la situation économique actuelle.

Effet crise

"En période de crise, l’emploi classique, l’emploi salarié est détruit", analyse Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE). D’où le recours à des initiatives individuelles, à des fins de relance. La crise sanitaire a d’ailleurs généré des opportunités qui ont représenté une voie de secours ou une piste de développement pour certains. C’est le cas des activités liées aux services à la personne ou à la livraison, qui ont fortement crû l’an dernier. Orientés à la hausse, les chiffres de la microentreprise doivent cependant être considérées avec prudence. C’est d’ailleurs ce que souligne la FNAE, qui craint la formation d’une bulle. Et une douloureuse explosion. "La durabilité des entreprises qui sont créées en période de crise et sur un secteur très spécifique est assez contestable à long terme", note son président, qui était récemment l’invité de France Info. Et puis certains secteurs ont connu une forte baisse des immatriculations, à l’image des arts et du spectacle (-21%). Selon la FNAE, 400 000
microentreprises sont aujourd’hui menacées de disparition. La Fédération déplore un manque de soutien de la part des pouvoirs publics. Et de souligner les conséquences, en matière de protection sociale, de la baisse d’activité à laquelle sont confrontés de nombreux professionnels, au-delà de la perte directe de revenus. Faute de travail, donc de cotisations, leurs droits sont fortement réduits. Les cas de femmes enceintes dans l’impossibilité de prétendre à un congé maternité se multiplient.
Confrontés au revers de leur statut de travailleur indépendant, les microentrepreneurs ont entamé cette année 2021 dans l’inconnu qui pénalise l’ensemble de l’économie. Et avec des craintes quant aux desseins du gouvernement à leur égard. Un projet de décret prévoit en effet d’augmenter de 5,1 points les cotisations de ceux qui exercent en libéral.

Fonds de solidarité

Dans les rangs des microentrepreneurs, le sentiment d’un manque de considération grandit. Et il se concrétise, selon eux, dans les difficultés d’obtention des aides prévues par l’État à travers le fonds de solidarité. Selon une étude de la FNAE, près de 26% des autoentrepreneurs ont vu leur demande pour le mois de décembre rejetée par l’administration fiscale. Et au 11 février, près de 20% n’avaient pas encore touché ce coup de pouce. De quoi interroger sur le supposé caractère d’urgence de la mesure... Soucieux du bon emploi des deniers publics, Bercy a logiquement intensifié les contrôles pour lutter contre les fraudes ces dernières semaines. Ce qui a eu pour conséquence de ralentir le processus d’attribution des aides tout en influant sur le moral des microentrepreneurs, à propos desquels l’enquête de leur fédération évoque une "honte du soupçon". La complexité des formulaires d’accès au fonds de solidarité - qui tranche avec la relative souplesse inhérente à leur statut - et le climat d’incertitude entretenu par une pandémie à rallonge font croître le stress et le découragement. Cette confiance perdue conduit désormais 10% des autoentrepreneurs à envisager une cessation de leur activité. Une proportion qui a quasiment triplé en trois mois.


Jean PREVE