200 milliards d’ici fin 2021 : quel avenir pour l’épargne COVID ?


Economie


12 mars 2021

Le gouvernement veut que l’épargne accumulée par les Français durant la crise sanitaire contribue à la relance de l’économie. Mais il hésite sur les moyens de flécher cet argent.

7 milliards d’euros ! C’est le total de la collecte du Livret A et du Livret de développement durable pour le seul mois de janvier. Le "succès" de ces deux produits défiscalisés en ce début d’année illustre une tendance née avec l’apparition du coronavirus, qui a mené l’épargne des Français vers des sommets. En 2020, le bas de laine a atteint quelque 120 milliards d’euros. Et il pourrait bien se remplir encore... Cette épargne Covid, annoncée à 200 milliards d’euros d’ici fin 2021, est autant constituée par un déficit de consommation que par une logique de précaution, face à l’incertitude qui découle de la crise sanitaire. Si le dépôt sur le Livret A, placement populaire par excellence, a crû de 10% l’an dernier, ce sont les Français les plus aisés qui ont le plus mis d’argent de côté. À l’inverse, les 10% des ménages les plus modestes se sont endettés.
Les sommes accumulées dépassent le montant des aides que l’État entend mobiliser dans le cadre de son plan de relance de l’économie. Logique donc que le gouvernement lorgne sur cette épargne, dont il espère faire un moteur du rebond tant attendu. L’enjeu ne souffre d’aucune discussion parmi les spécialistes, qui considèrent que les économies des Français doivent désormais participer à un sursaut de la consommation et servir les investissements des entreprises.
La question est donc : comment injecter l’épargne dans la relance ? Par la contrainte ou par l’incitation fiscale ? Certains économistes, à l’image de Thomas Piketty, prônent une taxation. C’est aussi l’option défendue par nombre d’élus dans les rangs de la gauche, d’autant qu’en matière d’épargne, la crise sanitaire a surtout été profitable aux plus riches. Cette voie est cependant risquée politiquement, car elle pourrait porter préjudice à la confiance des Français. Et puis elle contredirait la promesse de l’exécutif selon laquelle les secousses provoquées par le coronavirus ne doivent pas être absorbées par des augmentations d’impôts.

Politique

Difficile, dans le contexte actuel, de toucher par exemple au Livret A. Aussi peu rémunéré soit-il (0,5%), il conserve un statut d’icône politique de par sa souplesse, son accessibilité et son exonération d’impôt. Il y a quelques jours, Bruno Le Maire a donc tenu à rassurer le plus grand nombre : "J’écarte une nouvelle fois clairement et définitivement toute taxation de l’épargne des Français", a déclaré le ministre de l’économie.
Bercy n’abandonne pas pour autant l’idée de flécher l’épargne vers la relance de l’activité et le financement des entreprises. Le journal Les Échos a ainsi rapporté que Bruno Le Maire allait présenter, au cours des prochaines semaines, un dispositif poursuivant cet objectif.
S’il est acquis que les mesures seront incitatives et non pas coercitives, leur nature est toujours à l’étude. Mais si l’on en croit Les Échos, le ministère travaille sur la piste des prêts et des dons entre générations au sein d’une même famille. Aujourd’hui plafonnée à 100 000 euros tous les 15 ans, la donation en ligne directe (d’un parent à un enfant) sans payer de droit pourrait bénéficier de conditions provisoirement plus avantageuses. L’idée : faire bouger tout cet argent qui dort.

Précarité

Cette option sera-t-elle retenue ? Ou subira-t-elle le même sort que celle défendue par le président de la commissions des finances de l’Assemblée nationale ? L’an dernier, Éric Woerth avait suggéré la création d’un livret d’épargne Covid garanti par l’ État dont les fonds seraient orientés vers les TPE et les PME. Une voie qui ne semble pas d’actualité. En préférant celle de l’incitation aux dons, le gouvernement est certain de trouver sur son chemin une embûche politique, puisqu’il lui sera inévitablement reproché de faire un geste en faveur des Français les plus aisés. Pas sûr que l’image d’Emmanuel Macron, "président des riches", change avec une telle mesure. Une plus grande visibilité sur l’avenir, laissant augurer des jours meilleurs à des Français épuisés par les restrictions et l’incertitude, servirait sans doute mieux le chef de l’État. Il le sait. Vues depuis l’Élysée, les difficultés de la campagne de vaccination doivent être sacrément rageantes...


Jean PREVE