Elections régionales : la démocratie sera-t-elle confinée ?


Droit


25 mars 2021

L’hypothèse d’un nouveau report des scrutins régionaux et départementaux en cas de prolongation de l’état d’urgence sanitaire passe mal dans l’opposition au président Macron.

Elles auraient dû se dérouler durant ce mois de mars. Mais la troisième vague naissante de Covid-19 a provoqué le report des élections régionales et départementales aux 13 et 20 juin. Alors que la pandémie vient de pousser le gouvernement à plonger près des deux tiers des Français dans une nouvelle forme de confinement, le respect du calendrier électoral n’est pas vraiment garanti. Ce qui ne manque pas d’alimenter la polémique. L’incertitude est née de la probable reconduction de l’état d’urgence sanitaire au-delà de son terme actuellement fixé, soit le 1er juin. Le 17 mars, le Premier ministre a évoqué cette hypothèse devant des députés, laissant supposer un nouveau décalage des scrutins. La question s’était déjà posée il y a un an, au moment des municipales, amputées de leur second tour suite à un premier tour controversé deux jours avant le premier confinement. L’exécutif avait alors suivi les recommandations du conseil scientifique. Et les souhaits de la plupart des partis politiques, qui comptaient sur ce rendez-vous avec les urnes pour affaiblir Emmanuel Macron. Cette fois encore, les spécialistes qui avisent le président de la République sont attendus sur le sujet. C’est en tout cas ce qu’a expliqué Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur à l’heure de la première vague épidémique, devenu président du groupe La République en marche à l’Assemblée nationale. "Il n’y a pas de doute au moment présent", a-t-il vite indiqué aux esprits inquiets. Et soupçonneux.

"Dans quinze jours, le conseil scientifique doit se prononcer et tenter de se projeter sur la fin du mois de juin. Il ne s’agit pas aujourd’hui de laisser penser que les élections n’auraient pas lieu". C’est bien ce qu’espère la droite, qui craint que l’étude en cours sur la faisabilité des élections ne cache rien d’autre qu’une manœuvre politicienne. D’où un florilège de déclarations émanant de quelques ténors des Républicains. "Dans tous les pays européens on a voté. L’enjeu est d’organiser ces élections et la vie démocratique sous protection", estime sobrement le patron des députés LR, Damien Abad.
Plus cinglant, Bruno Retailleau, pense qu’"Emmanuel Macron va tout tenter. Il est bien meilleur à gérer son avenir qu’à gérer la France". Et le président du groupe LR au sénat de poursuivre : "Qu’on arrête de nous dire qu’on peut télétravailler et ne pas faire de télécampagne". À droite, c’est clair, Macron n’aspire qu’à repousser ces régionales risquées pour lui au-delà de la présidentielle de 2022. Le 21 mars, via une tribune publiée sur le site du Figaro, dix présidents de régions, de droite comme de gauche, ont fait savoir leur opposition à un éventuel report du scrutin programmé en juin. "Toutes les élections sont essentielles. Ce n’est pas au conseil scientifique de confiner la démocratie", martèlent les signataires.
"La situation sanitaire de mars peut-elle, sous couvert d’une clause de revoyure, servir de prétexte au report d’une échéance électorale prévue en juin ?", se demandent-ils, en rappelant que "citoyens, entreprises, associations, nous avons toutes et tous su adapter nos modalités de fonctionnement, notre accès à l’information, notre manière de débattre". Parmi ces élus impatients de renouer avec les urnes, trois pointures de la droite : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, qui figurent aussi parmi les concurrents possibles du chef de l État à l’horizon 2022.

Renaud Muselier, président de la Région Sud, fait aussi partie des auteurs du texte qui revendiquent le maintien des régionales. Sur ce territoire, quelle que soit la date retenue, les Républicains au pouvoir devront batailler ferme avec le Rassemblement national, qui était arrivé largement en tête au premier tour du dernier scrutin en 2015. La liste LR, alors conduite par Christian Estrosi, avait dû son salut au retrait du candidat socialiste de l’époque, un certain... Christophe Castaner. Désormais marcheur, l’ex-pensionnaire de la place Beauvau a récemment tendu sa main à Renaud Muselier en vue de construire un projet commun, susceptible de battre l’extrême droite. Quitte à reléguer aux oubliettes Sophie Cluzel, actuelle secrétaire d’ État chargée des personnes handicapées et candidate déclarée du camp Macron dans la région.


Jean PREVE