Climat : les députés examinent un projet de loi controversé


Droit


2 avril 2021

Pour beaucoup, ce projet de loi est trop faible. Décryptage

Manquant d’ambition pour certains, pénalisant l’économie pour d’autres, le projet de loi "climat et résilience" promet de faire monter la température à l’Assemblée nationale.

C’est parti pour trois semaines de débat parlementaire ! Après un passage de 15 jours devant une commission spéciale à l’Assemblée nationale, le projet de loi "climat et résilience" est examiné par les députés depuis le 29 mars. À leur menu, 69 articles rédigés autour de six thèmes (se déplacer, se nourrir, se loger, produire et travailler, consommer et renforcer la protection judiciaire de l’environnement). Et quelque 7 000 amendements.
Le texte est issu de la fameuse convention citoyenne pour le climat née, en 2019, de la crise des gilets jaunes et du rejet de la taxe carbone. Le président de la République avait souhaité impliquer 150 Français tirés au sort dans la définition de mesures visant à réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (par rapport à 1990), tout en préservant la justice sociale. 149 propositions ont été remises au chef de l’état. Après arbitrage de l’exécutif, le projet de loi n’est plus tout à fait le reflet des suggestions de la convention. Alors que le gouvernement défend "un texte équilibré", qui va faire "entrer l’écologie dans nos vies" et matérialiser "des changements majeurs pour notre société", les organisations de défense de l’environnement dénoncent une mouture édulcorée, qui manque d’ambition. À l’appel de centaines d’associations, de nombreuses manifestations se sont d’ailleurs déroulées dimanche dernier aux quatre coins du pays. Avec pour mot d’ordre : l’exigence d’une "vraie loi climat".

Selon Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, "ce projet de loi est très faible". Même son de cloche chez France Nature Environnement, dont le président, Arnaud Schwartz, estime que l’objectif affiché de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% est trop timide au regard des besoins en la matière, chiffrés à 65% par le GIEC. Et de mettre au crédit du texte actuellement débattu un gain effectif de seulement 10%. Plusieurs acteurs institutionnels se joignent à la critique, à l’image du Haut conseil pour le climat et du Conseil économique, social et environnemental.
Le gouvernement doit aussi faire face à la diatribe des partis de gauche, dont moult représentants ont signé une tribune pour fustiger "un projet de loi amoindri" et afficher une déception proportionnelle à l’espoir "d’innovation démocratique" que sa genèse avait représenté.

Enjeu de campagne

Avec l’élection présidentielle qui se profile en 2022, les échanges au Palais Bourbon risquent d’être très animés. D’autant que l’environnement devrait faire partie des enjeux de la prochaine campagne. Et qu’en dépit de l’indéniable et partagée urgence à répondre aux souffrances du climat, le projet de loi revêt une dimension particulièrement clivante. Les principales mesures contenues dans le texte concernent par exemple la réglementation de la publicité, la place de la vente en vrac dans les commerces de plus de 400 m2, une éventuelle consigne pour le recyclage du verre, l’expérimentation d’un repas végétarien dans les cantines, la réduction des émissions azotées des engrais agricoles, une possible écotaxe routière dans les régions, la suppression progressive de l’avantage fiscal du gazole des professionnels, la fin des liaisons aériennes courtes quand une alternative ferroviaire existe, l’interdiction de louer des logements qualifiés de "passoires thermiques" ou encore la création d’un délit d’écocide pour sanctionner les atteintes graves à l’environnement.

De quoi susciter quelques inquiétudes dans les rangs des acteurs de l’économie et du patronat, alors que la reprise se fait attendre en raison d’une crise qui s’éternise. "Nous voulons une écologie de progrès mais pas une écologie qui casse la croissance ou qui mettrait une industrie la tête sous l’eau", tente de rassurer Jean-René Cazeneuve, député marcheur et rapporteur général du projet de loi. Mais de l’engagement frileux perçu par les uns au frein à l’activité redouté par les autres, les desseins gouvernementaux pour le climat réussissent la performance de ne satisfaire personne. À l’exception sans doute de la majorité qui les porte.

Tels sont les charmes de l’exercice du pouvoir....


Jean PREVE