Enchères inversées : un nouveau service des notaires


Droit


27 avril 2021

Immobilier : après les ventes interactives "à la hausse", certaines études proposent des enchères "à la baisse" pour réunir plusieurs offres d’achat. Explications.

Il y a du nouveau dans les ventes aux enchères notariales

Après la vente en "immo-interactif" lancée avec succès il y a deux ans dans les Alpes-Maritimes, les Notaires ont ajouté une corde à leur arc avec les "enchères inversées". L’ensemble représente encore une activité marginale, certaines études disposant déjà d’un négociateur spécialisé, d’autres pas. Une quarantaine d’offices sur 150 pratiquent la négociation immobilière dans le département, pour un nombre d’affaires restant modeste, de l’ordre de 200 à 300 ventes par an. Désormais, vendeurs et acquéreurs pourront aussi s’intéresser aux enchères inversées. Maître Laurent Libouban, mandataire de la Chambre Départementale, présente ce nouveau service.

Maître Laurent Libouban DR

Pourquoi les enchères inversées ?
- Nous nous sommes aperçus que l’on pouvait offrir à nos clients un outil supplémentaire basé sur un ressort psychologique différent. Pour la vente "interactive" classique avec enchères montantes, l’envie de l’emporter conduit l’acquéreur à faire l’enchère la plus haute. Pour la vente "inversée", l’acheteur se situe plutôt sur la peur de perdre car plus le temps passe, plus les enchères baissent, et si vous n’êtes pas le premier à cliquer, vous risquez de perdre l’acquisition... Ce nouvel outil est donc novateur puisqu’il reprend une logique de "vente au cadran", même si ce terme est impropre. L’objectif est de réunir des offres et de les présenter au vendeur. Celui-ci pourra choisir celle qui lui semble la plus qualitative du fait du dossier de l’acquéreur. Ensuite s’initie le processus classique d’une vente, avec un compromis signé, des clauses suspensives éventuelles et la signature à l’étude. Nous sommes donc sur une sorte d’appel d’offres transparent.

Cela se passe comment ?

- Comme pour la vente interactive à la hausse, un mandat exclusif est signé. Il y a ensuite commercialisation, publication sur les sites internet marchands. Des visites collectives sont organisées, la "data" liée au bien est accessible à toute personne qui dépose un dossier et qui aura ensuite accès à la salle virtuelle de la vente, la "data room".
Le potentiel acquéreur a donc une connaissance précise et exhaustive du bien objet de la vente avant de faire son offre
L’immo interactif à la hausse s’inscrit dans le temps long et suppose un délai de 24 heures en commençant à 13 heures jour J et s’achevant à 13 heures à J+1, avec forcément une frénésie d’enchères dans le dernier quart d’heure. La vente interactive à la baisse est, au contraire, sur un temps court, puisqu’elle ne dure que 15 minutes et que les enchères descendent par palier convenus à l’avance, deux mille euros toutes les 30 secondes par exemple.
Dans le mandat, seront indiquées les offres de prix la plus haute et la plus basse. Le prix de réserve est connu uniquement du notaire et du vendeur.
Point de départ, l’offre la plus haute se situe en général 20 à 25% au dessus du prix du marché, et l’offre la plus basse entre 20 et 25% sous le prix du marché.
Chaque acquéreur ne peut faire qu’une offre, qui apparaît aux yeux de tous les participants. S’il ne peut y avoir qu’une seule offre par palier, les enchères ne s’arrêtent pas au premier clic et un participant peut encore se positionner sur les paliers suivants. L’expérience montre que, fréquemment, souvent deux ou trois offres sont très proches. Par exemple une à 200 000 euros, une à 198 000 et une à 196 000. Plus son dossier sera bon, plus l’enchérisseur aura de chance d’être choisi par le vendeur. D’où l’intérêt de donner un maximum d’informations - justificatifs bancaires, pré-accord de financement, etc. - pour se donner la chance d’être choisi par le vendeur. Dans l’exemple cité, le vendeur préférera peut-être l’offre à 196 000 euros parce qu’il n’y a pas de délai d’attente d’un crédit contrairement aux deux offres plus chères.

Tous les biens sont-ils adaptés à ce type de vente ?
- Notre expérience en la matière est encore limitée. À la base, pour que cela fonctionne bien, le marché doit être tendu. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée pour une maison dans un village reculé... En revanche, elle est adaptée pour les immeubles de rapport, les villas dans les secteurs sous tension, les biens avec travaux.

L’acquéreur a t-il un droit de rétractation ?

- Bien sûr. C’est pour cela que les enchères inversées ne sont pas une vente aux enchères ou au cadran, mais bien une collecte d’offres. En tant que personne physique vous bénéficierez donc de la protection de la loi SRU et du délai de rétractation de 10 jours suivant la signature du compromis. Si un enchérisseur se désiste, on passe au palier suivant, il y a toujours un plan B et un plan C. Dans le cas précédent, ce peut être 198 000 ou 196 000 euros.

Cette nouvelle activité vous place t-elle en concurrence directe avec les agents immobiliers ?
- Nous voulons garder de bons rapports avec nos partenaires agents immobiliers. Notre objectif n’est pas de faire une grande communication autour de cette activité, ni de la développer d’une manière exponentielle. Quant à la "vente interactive", elle reste encore nouvelle et demande aussi une période d’adaptation. Des études notariales étaient sans doute un peu frileuses au départ, elles s’y intéressent maintenant. Cette activité "interactive" représente une soixantaine de ventes par an dans les Alpes-Maritimes.

Propos recueillis par Jean-Michel CHEVALIER


Jean-Michel Chevalier