La fin annoncée de l’ENA


Droit


30 avril 2021

Le chef de l’Etat l’a annoncé il y a quelques jours, l’ENA va disparaître pour devenir l’ISP

Le président de la République Emmanuel Macron a confirmé début avril ce qu’il avait évoqué deux ans plus tôt : la suppression de l’ENA. La fin d’un système de formation ?

L’ENA a été créée le 9 octobre 1945 par une ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française présidé par le Général de Gaulle. "La refonte de la machine administrative française, qui s’imposait dès avant les événements de 1940, a tardé. Elle est devenue impérieuse", est-il écrit dans les premiers paragraphes de l’ordonnance.
L’ENA, qui a déménagé de Paris à Strasbourg en 1991, a formé quatre des huit présidents de la Ve République (Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, François Hollande et Emmanuel Macron) et neuf de ses vingt-trois Premiers ministres (Jacques Chirac, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edouard Balladur, Alain Juppé, Lionel Jospin, Dominique de Villepin, Edouard Philippe et Jean Castex).

Enarchie

Les critiques à l’égard de l’ENA ne sont pas récentes. Ainsi le terme "d’énarchie" (pouvoir des énarques) est apparu dès 1967 dans un ouvrage intitulé "L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise", écrit par Jacques Mandrin, en fait un pseudonyme collectif utilisé par des membres du Ceres (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste) dont Jean-Pierre Chevènement. La refonte de l’ENA s’inscrit dans une réforme globale de la haute fonction publique souhaitée par l’exécutif à l’issue du grand débat national. Le rapport remis par Frédéric Thiriez au Premier ministre, le 18 février 2020, faisait alors 42 propositions "pour une haute fonction publique plus agile, plus attractive et plus représentative". 
"Je pense que pour faire la réforme que j’évoquais il faut supprimer, entre autres, l’ENA. Mais pas pour se donner le plaisir de supprimer l’ENA, pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux. (…) Il faudra sans doute garder les locaux, les agents qui y sont et sont d’excellente qualité et profondément engagés", a déclaré Emmanuel Macron le 25 avril 2019. "Est-ce que (le système) reste bon et adapté pour attirer les talents des générations montantes ? Je ne le crois plus. C’est cela que nous devons changer. Et donc, à la sortie du nouvel institut, tous les élèves intégreront un corps unique, celui des administrateurs de l’Etat. Le terrain comme première compétence (…)." Extrait du discours prononcé par Emmanuel Macron le 8 avril 2021.
L’ENA, qui dans le rapport Thiriez était rebaptisée EAP (École d’administration publique), s’appellera finalement l’ISP (Institut du service public). L’ISP proposera un tronc commun de formation aux élèves de 13 grandes écoles de service public. Au moins un ISP existe déjà : l’Institut supérieur de préparation aux grandes écoles, créé en 1984 et situé rue de Varenne à Paris.
"L’ENA est morte, vive l’ENA" pouvait-on lire à la une du journal Libération du 9 avril. "On peut prendre au mot le Président et considérer que supprimer l’ENA va permettre d’avoir un nouveau système de recrutement des élites plus égalitaire. On peut aussi se dire qu’il s’agit là de rajeunir en façade sans toucher à l’essentiel", expliquait le sociologue Luc Rouban dans le quotidien.


Sébastien Guiné