PACA : Plus de 35 millions de m3 d’eau manquent en été


Environnement


30 juin 2021

En cas d’inaction pour économiser l’eau, les situations de crise vont se multiplier.

A l’occasion de sa journée d’échanges sur le partage de l’eau organisée ce jour à Montpellier, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a réuni plus de 200 participants (collectivités, représentants du monde agricole et économique) pour faire le point sur la disponibilité en eau dans le sud du bassin Rhône-Méditerranée et sur les stratégies adoptées pour gérer collectivement une ressource en tension. Des plans de gestion de la ressource en eau (PGRE) sont très largement engagés, en concertation avec tous les usagers de l’eau. Ils les incitent en priorité à économiser l’eau. Il s’agit aujourd’hui de garder le cap de cette ambition commune.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, 21 bassins versants et nappes souterraines sont en déficit d’eau.
5 départements sur les 6 de la région ont pris des arrêtés sécheresse en 2020.

Une ressource en eau inégalement répartie

Les études révèlent un manque d’environ 35 millions de m3 pour satisfaire l’ensemble des usages sur ces territoires et laisser un débit suffisant dans les rivières pour préserver la qualité de l’eau et la vie biologique.

La ressource en eau est relativement abondante en Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais très inégalement répartie. Les 2/3 proviennent du système Durance-Verdon qui fournit les secteurs moins dotés comme le littoral (Marseille, Toulon) grâce aux grands aménagements hydrauliques, tel que le canal de Provence. Mais ils ne peuvent suffire à satisfaire en permanence l’ensemble des besoins en eau.

En cas d’inaction, avec le dérèglement climatique et la croissance démographique (d’ici 2030, une augmentation de la population de 500 à 600 000 habitants est prévue - source INSEE), les situations de crise vont se multiplier. A l’horizon 2050-2070, le débit moyen des principales rivières de France devrait diminuer d’au moins 10 à 40 %.

Gérer collectivement une ressource en eau de moins en moins disponible

Après plusieurs années marquées par de graves sécheresses, les situations de crise sont fréquentes. Pour prévenir les conflits d’usage et éviter de dégrader l’état des rivières et des nappes, le principe qui prévaut aujourd’hui est de gérer collectivement la ressource en eau. La stratégie et les mesures à prendre sont connues et déjà engagées dans des plans de gestion de la ressource en eau (PGRE), qui deviennent progressivement des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), en application des décisions nationales prises dans le cadre des Assises de l’eau. Construits en concertation entre l’ensemble des usagers du territoire, ces projets de territoire visent à garantir un partage équilibré entre les besoins des différents usages (eau potable, irrigation, industrie…) tout en laissant un volume d’eau suffisant dans les rivières et les nappes pour leur bon fonctionnement et leur bon équilibre. Des règles de partage de l’eau sont définies, avec une répartition par usage et type d’usagers, et un programme d’actions mis en place.

Le Territoire de PACA compte désormais 19 plans de gestion de la ressource en eau, déjà adoptés ou en cours d’adoption sur les 21 à élaborer.

Cela représente un gain potentiel de 35 millions de m3 d’eau économisés ou substitués.
La dynamique est donc engagée, mais il reste essentiel de pouvoir rendre compte de la mise en œuvre effective des plans d’actions définis, de constater leur efficacité, et de développer une vision prospective de l’évolution de la ressource et des besoins dans le contexte du changement climatique.

Quatre PGRE dans le bassin de l’Argens : agir collectif

Sécheresse au Lac Castillon (04) DR HEMIS - C-Moirenc

Ils s’appellent PGRE nappe du Bas Argens, Caramy-Issole, Haut-Argens et Bresque et concourent tous au même objectif : soulager les tensions sur la ressource en eau dans le bassin versant de l’Argens, identifié comme déficitaire.

Par exemple, sur les rivières Caramy-Issole, plus de 2 millions de m3 seront potentiellement économisés à l’horizon 2025 grâce au plan de gestion de la ressource en eau qui prévoit d’apporter des solutions au déficit estival causé par les épisodes de sécheresse répétés et des prélèvements excessifs pour l’eau potable et l’irrigation. Les actions envisagées portent principalement sur le respect des débits réservés nécessaires à la vie aquatique, la révision des autorisations de prélèvement des canaux d’irrigation, l’amélioration des rendements des réseaux d’eau potable, la modernisation des canaux d’irrigation, la recherche et la mise en service de ressources de substitution pour la Métropole de Toulon, par exemple.
Concernant la nappe alluviale du bas Argens, le plan de gestion de la ressource en eau a pour vocation la gestion pérenne des ressources en eau. Il s’agit notamment de protéger la nappe, tout en sécurisant à court et moyen terme l’approvisionnement en eau de bonne qualité, dans le contexte du changement climatique. Cela passe par l’amélioration de la connaissance de la ressource en eau, la promotion des économies d’eau et l’amélioration de la qualité des milieux aquatiques. Le PGRE du bas Argens a été réalisé et est animé en régie par le Syndicat de l’eau du Var Est (SEVE) et en collaboration avec Estérel Côte d’Azur agglomération (ECAA) et les communes du Syndicat. Dans un contexte de déséquilibre entre le besoin du territoire et la ressource disponible, le PGRE du bas Argens doit également apporter des solutions face à un afflux majeur de population en été, lors de situations d’étiages qui contrastent souvent avec des épisodes de crues violentes de l’Argens. Ce PGRE mise alors sur la connaissance approfondie de la productivité de ses aquifères et la mobilisation de multiples ressources interconnectées, comme celle du Canal de Provence. L’objectif étant alors d’assurer une sécurisation à long terme de l’alimentation en eau potable de qualité, et qui pourra bénéficier de milieux naturels préservés.

Une modélisation de la nappe de la Crau pour un usage futur pérenne

La nappe de la Crau fait l’objet de nombreux prélèvements, notamment pour l’alimentation en eau potable, les industries et les cultures. Sa recharge est fortement soutenue par l’irrigation des prairies de foin de Crau, dont l’eau provient de la Durance. Aujourd’hui, l’augmentation des besoins et la réduction de la disponibilité en eau, liés au changement climatique, imposent d’optimiser ce transfert d’eau. Depuis 2016, le syndicat mixte de la Crau a engagé une démarche de modélisation qui vise à identifier les incidences d’une réduction de la recharge sur l’équilibre de la nappe et à connaître les marges de manœuvre possibles, en intégrant des données sur la hausse des températures et le développement urbain. Cette étude débouche sur 4 stratégies possibles, de l’inaction au partage des efforts. Dans le cadre du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en émergence sur la Crau, les élus devront décider de l’opportunité de se doter d’un projet de territoire pour la gestion de l’eau.

L’agence de l’eau, en 1ère ligne pour accompagner les territoires face aux tensions sur la ressource et au changement climatique

Au cours des 10 dernières années, les économies d’eau dans le bassin Rhône-Méditerranée ont permis d’économiser 347 Mm3/an, (ce qui, pour illustration, correspond à 35 % des prélèvements annuels pour l’eau potable sur la région PACA), en particulier grâce à des travaux sur les réseaux d’eau potable et sur les canaux d’irrigation agricole.

Les équipements de substitution des prélèvements (retenues de stockage ou équipements de transfert d’eau) ont également fortement progressé. Depuis 2015, l’agence de l’eau a financé 55 ouvrages de substitution en lien avec les PGRE, dont 34 pour des usages agricoles. Ils ont permis de substituer 52 Mm3 d’eau pour 192 M€ de travaux.

« L’enjeu est maintenant de desserrer collectivement les tensions et d’identifier les marges de manœuvre pour un partage équilibré de la ressource, dans le respect du bon fonctionnement des milieux aquatiques, indique Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Les projets de territoires et les plans de gestion de la ressource sont une première étape incontournable et structurante même si leur mise en œuvre peut être complexe. J’invite tous les acteurs des territoires à garder le cap des ambitions et des actions définies dans ces plans de gestion  ».


Valérie Noriega