Précisions sur la donation temporaire de l’article 790 A bis du CGI


Paroles d’expert


8 juillet 2021

Par Maître Julien ALQUIER, avocat en droit fiscal au barreau de Nice, chargé d’enseignement à l’Université Nice-Sophia-Antipolis, doctorant au sein du laboratoire CERDP (E.A n°120)), enseignant à l’EDHEC

Prévu par loi de finances rectificative pour 2020, l’article 790 A bis du CGI (Code général des impôts) autorise un nouveau dispositif de dons familiaux exonérés de droits de mutation dans la limite de 100.000 €. Il résulte des travaux parlementaires que l’objectif du dispositif est d’inciter au déblocage de l’épargne accumulée pendant le confinement, afin de faciliter le rebond de l’économie. Après avoir rappelé les conditions d’application légales de cette nouvelle opportunité de donation, il conviendra d’attirer l’attention sur les précisions qui viennent d’être indiquées par une réponse ministérielle.
Un mécanisme de transmission encore temporaire
Etant donné la crise sanitaire et le besoin de relance, le gouvernement a mis en place, comme cela a déjà existé dans le passé, une nouvelle possibilité de transmission intergénérationnelle à moindre frais. Si les contribuables peuvent s’en réjouir, il est fort dommage que ce dispositif ait été mis en place pour une durée de moins d’un an.

En effet, le II de l’article 790 A bis du CGI précise explicitement que cela ne sera applicable que pour les «  sommes versées entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 ».

Cette donation temporaire permet d’après le législateur, de réaliser des dons de sommes d’argent en pleine propriété à un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, un neveu ou une nièce, tout en étant exonéré de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 100.000 €. Cependant, les sommes doivent être affectées, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le transfert, pour des utilisations spécifiques. Tout d’abord, cela peut-être la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital d’une petite entreprise au sens de la règlementation européenne (activité depuis moins de cinq ans, n’a pas encore distribué de bénéfices, le donataire exerce dans l’entreprise, pendant une durée minimale de trois ans à compter de la souscription, son activité professionnelle principale, etc.). Ensuite, il peut s’agir de travaux et dépenses éligibles à la prime de transition énergétique (MaPrimeRénov) gérée par l’agence nationale de l’habitat (ANAH) réalisés en faveur de la rénovation énergétique du logement dont le donataire est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale. Enfin, la donation peut être utilisée pour la construction de la résidence principale du donataire, sous réserve que ce dernier conserve les pièces justificatives à la disposition de l’administration fiscale et de ne pas cumuler avec d’autres avantages fiscaux notamment la réduction d’impôt Madelin, la réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements outre-mer, le crédit d’impôt pour la rénovation énergétique ou encore Ma Prime Rénov’.

Des précisions restrictives de la part du gouvernement

Suite à la question d’un parlementaire (RM Patrick Loiseau, JOAN du 22 juin 2021, n°37231), le ministre de l’économie, des finances et de la relance a apporté un certain nombre de détails concernant l’application de cette donation. Il est notamment indiqué que l’exonération prévue par ces dispositions est subordonnée à l’affectation des sommes données à la construction par le donataire de sa résidence principale. Par conséquent, l’acquisition du terrain sur lequel la résidence principale doit être réalisée n’est pas finançable par l’affectation des sommes reçues en donation ouvrant droit pour le donataire à l’exonération. Cependant, il est admis que les travaux d’extension, d’agrandissement ou de surélévation, qui ont pour effet d’accroître le volume ou la surface habitable d’une résidence principale existante, s’analysent en des travaux de construction pour l’application de l’article 790 A bis du CGI. Le bénéfice de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit suppose, en revanche, que le donataire se dessaisisse d’une somme égale au montant du don dans un délai expirant à la fin du troisième mois suivant son versement, afin de financer la construction de sa résidence principale. Le ministre précise aussi que l’affectation des sommes d’argent dans les trois mois suivant leur transfert s’entend « de leur versement effectif dans ce délai par le donataire » et cela en « contrepartie de l’acquisition du matériel nécessaire à la construction de sa résidence principale ou de la réalisation des travaux de viabilisation du terrain d’assiette dès lors que ces derniers sont inclus dans les dépenses exposées par le contribuable pour la construction sur ce dernier de sa résidence principale, et/ou - aux personnes avec lesquelles il contracte pour la construction de sa résidence principale, sans préjudice de la faculté pour ces dernières de procéder au paiement échelonné des dépenses engagées à cette fin, au fur et à mesure de l’avancement du chantier ». Le ministre indique également que les travaux de construction peuvent avoir débuté avant la donation et que la somme donnée, toujours dans la limite de 100.000 €, peut faire l’objet de plusieurs versements par un même donateur à un même donataire mais dans le délai légal prévu entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021.

Espérons désormais que ces précisions, qui semblent importantes, n’arrivent pas trop tard pour les contribuables seulement huit jours avant le terme de ce dispositif. Depuis onze mois, il y a fort à parier que ces derniers, ne connaissant pas ces conditions, s’exposent à des contrôles ultérieurs.


Maître Julien ALQUIER