Violences conjugales : une meilleure coordination pour une plus grande efficacité


Droit


8 octobre 2021

Si les outils de lutte contre les violences conjugales sont aujourd’hui nombreux, le bât blesse encore quant à la coordination entre les différents acteurs et services concernés. C’est ce qui ressort du colloque intitulé "Violences conjugales : tous concernés", organisé à Nice le 30 septembre.

Environ 350 personnes s’étaient inscrites pour participer à cette journée d’échanges et de réflexions organisée par le CDAD 06 (Conseil départemental de l’accès au droit des Alpes-Maritimes) : magistrats, avocats, assistantes sociales, agents de collectivités territoriales... "Nous avons souhaité organiser ce colloque avec une idée toute simple : la lutte contre les violences conjugales est l’affaire de tous. Aujourd’hui, nous tous qui sommes là, nous nous en préoccupons mais peut-être avons-nous à mieux travailler ensemble, à mieux nous organiser, à pérenniser les actions menées", a annoncé dans son discours introductif Marc Jean-Talon, président du CDAD 06 en sa qualité de président du Tribunal judiciaire de Nice.

Un bilan mitigé

"Ce partage de l’information nous permettra à terme de gagner cette bataille contre ce fléau que constituent les violences conjugales. Les quelques ‘bugs’ (…) dont nous entendons trop souvent parler ont été identifiés par les enquêtes administratives et les différentes inspections qui font toutes le même constat : un défaut de partage d’information", a expliqué Xavier Bonhomme, procureur de la République de Nice et vice-président du CDAD 06.
Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, s’est dite favorable à "une véritable synergie", soulignant que "l’arsenal juridique a pris en considération ces dernières années à la fois la prévention, la répression des auteurs et la protection des victimes" mais "qu’en dépit de cette volonté d’éradiquer ce phénomène, des prises de conscience de la société, de la professionnalisation des acteurs judiciaires et des forces de sécurité intérieure, le bilan, en tout cas sur le ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, reste mitigé". "Il n’a même pas permis de stabiliser cette délinquance, dont les chiffres traduisent une inquiétante persistance. Au 31 août 2021, 9 448 procédures ont été diligentées en matière de violences intrafamiliales, contre 8247 en 2020 (…) et 6 873 en août 2019, soit une augmentation de plus de 37% en deux ans. 92% des faits (en 2020 et 2021) ont été commis par un homme sur une femme et (…) dans 30% des cas, le mis en cause avait des antécédents de violences conjugales", a détaillé Mme Le Quéau.

"Responsabilité collective"

"La justice ne peut rien seule, elle a besoin de partenaires", a relevé Isabelle Rome, haute fonctionnaire chargée de l’égalité femmes-hommes au ministère de la Justice. "La coordination est nécessaire, que ce soit en interne, au sein de la juridiction, mais aussi avec les partenaires. Nous sommes tous tenus à une responsabilité collective, co-responsables, avec cette obligation de résultats, de sauver plus de vies", a-t-elle poursuivi.

Selon une étude nationale réalisée par la Délégation aux victimes du ministère de l’Intérieur, 102 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon (parmi elles, une femme a été tuée au sein d’un couple homosexuel), un chiffre en baisse par rapport à 2019 (146 femmes tuées). En 2020, il y a également eu 23 hommes tués, 14 enfants tués et 17 victimes collatérales. Mme Rome a rappelé l’importance du Grenelle des violences conjugales, organisé de septembre à novembre 2019, et des mesures qui ont suivi, dont le renforcement de l’ordonnance de protection des victimes de violences, l’élargissement du port du bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger remis à la victime ou encore l’exclusion de la médiation en matière civile et pénale pour les cas de violences conjugales.
Sébastien GUINÉ


Sébastien Guiné