Les nouveaux intouchables


Economie


4 décembre 2021

L’édito hebdo de Jean Michel Chevalier pour bien finir la semaine

Eric Dupond-Moretti est un homme heureux, qui ne le sait pas. On l’imagine volontiers, dans son beau ministère de la place
Vendôme, avaler des cachets de paracétamol au fur et à mesure que les dossiers explosifs atterrissent sur son bureau : et vlan ! le secret professionnel des avocats ; et paf ! une tribune au vitriol des magistrats dans un grand quotidien ; et boum ! pour la surpopulation carcérale ; aïe aïe aïe ! avec cette mise en examen pour prise illégale d’intérêt.
Pour EDM, à chaque jour suffit sa peine. Mais ce n’est rien à côté de son homologue canadien qui, grosso modo, a les mêmes amis et les mêmes emmerdes, mais qui doit en plus se coltiner des juges assez gratinés si l’on en juge par un enquête du Journal de Montréal ayant pointé ce que l’on pourrait appeler pudiquement des dysfonctionnements.
Le quotidien québécois cite nommément les magistrats ayant dérapé ces derniers mois. Tabernacle, la liste est longue ! L’un a démissionné après avoir accepté de la cocaïne en paiement alors qu’il était avocat.
Un autre s’est livré à des commentaires douteux, voire graveleux, en pleine audience. Il est aussi reproché à d’autres juges des propos "intimidants, méprisants et sarcastiques" envers des avocats.
Mais ce n’est rien à côté de celui qui a tenu "des propos incompréhensibles" et qui a "trop tardé à rendre ses jugements dans des affaires criminelles" ou de son confrère qui, pour son dernier jour de travail avant la retraite, a tout simplement "gracié" une amie qui avait pourtant quelques comptes à rendre à la justice.
Il y a aussi au Québec des petits rigolos dans la profession, comme ce juge qui s’est amusé à donner le nom d’un confrère à un accusé dans le but de provoquer un quiproquo. Amusant, n’est-ce pas ?
La presse canadienne ne manque pas de sévérité envers l’institution judiciaire du pays, ou plutôt envers ses plus mauvais représentants. Qui n’ont pas l’excuse de salaires de misère puisque les rémunérations - 300 à 500 000 dollars par an - paraissent exorbitantes de ce côté de l’Atlantique.
Pierre Thibaul, doyen-adjoint de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, pense que les magistrats jouissent d’une "impunité judiciaire" qui les soustrait à toute "punition". Pour lui, ils sont à l’abri des plaintes, ce qui pose tout de même un petit problème car ils ne sont pas traités à égalité des autres professions et citoyens.

Peu à l’aise avec l’écriture inclusive, j’ai parlé ici uniquement au masculin des magistrats "dérapeurs". La réalité m’oblige cependant à dire que, dans ce domaine aussi, les dames sont aussi représentées dans les exemples cités plus haut. à l’heure du jugement dernier, j’espère que #MeeToo saura m’être reconnaissant de la reconnaissance de cette "parité"...

En conclusion : mieux vaut être magistrat au Canada et ministre en France que l’inverse, vous suivez toujours ?


Jean-Michel Chevalier