Justice : Les magistrats niçois réclament plus de moyens


Droit


15 décembre 2021

A l’appel des organisations syndicales nationales, des dizaines de magistrats ont manifesté à Nice devant le palais de justice, soutenus par de nombreux avocats.

«  Ce mouvement est parti d’une tribune de jeunes magistrats et on s’est tous retrouvé dessus, que ce soit des fonctionnaires de greffe, des avocats, des magistrats, ou des non-fonctionnaires. On est tous là aujourd’hui pour dire la même chose », a déclaré Côme Jacquemin, du Syndicat de la magistrature, avant de laisser la parole aux magistrats situés au premier rang du rassemblement, qui ont témoigné de leurs difficiles conditions de travail :

«  Nous, magistrats judiciaires, greffiers, fonctionnaires, qui ne prenons que très rarement la parole publiquement, avons décidé aujourd’hui de sonner l’alarme. Autour de nous, les arrêts maladie se multiplient, tant chez les nouveaux magistrats que chez les magistrats plus expérimentés. L’importante discordance entre notre volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de notre quotidien fait perdre le sens à notre métier et crée une grande souffrance » ;

« Nous, juges civils de proximité, devons présider des audiences de 9h à 15h sans pause pour juger 50 dossiers. Après les avoir fait attendre des heures, nous n’avons que 7 minutes pour écouter et apprécier la situation dramatique de personnes qui ne parviennent plus à payer leur loyer ou qui sont surendettés » ;

« Nous, juges correctionnels, du fait de la surcharge des audiences devons choisir entre juger à minuit des personnes qui encourent des peines d’emprisonnement ou décider de renvoyer des dossiers aussi complexes que des violences intrafamiliales à une audience qui aura lieu dans un an ».

« Malaise général »

A l’issue des prises de parole, Ludovic Manteufel, vice-procureur au sein du Tribunal de Nice et délégué syndical adjoint de l’USM (Union syndicale des magistrats), a insisté sur le fait que le malaise était « général » et qu’il était très rare de voir des magistrats manifester et, pour certains, faire grève. « On peut constater qu’aujourd’hui devant le tribunal l’ensemble des composantes étaient réunies : tous les magistrats du siège, tous les membres du parquet et tous les fonctionnaires. C’est un malaise global qui est monté crescendo et qui a éclaté suite à cette tribune rédigée par plusieurs jeunes collègues malheureusement suite au suicide d’une de nos jeunes collègues. Ce qui a amené à pousser ce cri d’alarme concernant nos conditions de travail. C’est essentiellement un problème de moyens. Les délais sont extrêmement longs. Et lorsque vous comparez le nombre de juges ou de procureurs par tranche de 100 000 habitants, le taux est ridicule par rapport à nos voisins européens. On doit être deux ou trois fois moins de procureurs qu’en Allemagne, ce qui a pour conséquence de prolonger les délais de traitement des affaires  ».

Cette journée d’action était nationale. Étaient présents au rassemblement de Nice le président du Tribunal judiciaire Marc Jean-Talon, le procureur de la République de Xavier Bonhomme, les bâtonnier et vice-bâtonnier en exercice, Thierry Troin et Nathalie Beurgaud, et le bâtonnier élu Adrien Verrier. Le Doyen de la Faculté de droit, Xavier Latour, a apporté son soutien aux magistrats et avocats. « Une justice en crise, c’est un État de droit malade », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

A Grasse, les magistrats et avocats s’étaient rassemblés mercredi matin devant le palais de justice.

Le Barreau de Grasse a manifesté ce matin aux côtés des magistrats de notre TJ , il est cet après-midi à la Cour. ©Barreau de Grasse


Sébastien Guiné