Logement dans le département : Moins de biens, plus de contraintes


Economie


4 février 2022

Les représentants de l’immobilier et de la construction dans les A-M sont inquiets quant à l’avenir du logement. Ils craignent notamment les adaptations à la loi climat et résilience.

L’année 2021 pour l’immobilier, annoncée comme incertaine par les plus optimistes et catastrophique par les plus pessimistes, a pourtant été "exceptionnelle", selon les co-présidents de la FNAIM Côte d’Azur, Cyril Messika et William Siksik, avec un record de plus de 29 000 ventes dans les Alpes-Maritimes, dont un tiers à Nice (pour un total de près de 1,2 million en France).

Mais alors que la Covid-19 est toujours là, impossible de prévoir ce que sera l’année 2022 même si des indicateurs invitent, pour le moins, à la prudence : une hausse inévitable des taux d’intérêt, même si celle-ci pourrait être contenue, et une hausse des prix qui devrait se poursuivre alors que la demande de biens est supérieure à l’offre.

D’après les chiffres de la FNAIM dévoilés mardi lors d’une conférence de presse, les prix des appartements dans le 06 ont augmenté de 18% au cours des cinq dernières années et ceux des maisons de plus de 27%. Aux incertitudes liées à la hausse des prix et à celle attendue des taux d’intérêt, s’ajoutent les rénovations à venir imposées par la loi "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets" dite loi climat et résilience. Promulguée en août 2021, elle prévoit l’interdiction de louer des logements classés G au DPE (diagnostic de performance énergétique) dès 2025, classés F à partir de 2028 et classés E à partir de 2034.

Double peine ?

"On se dit que cette loi climat va peser sur le propriétaire", analyse William Siksik. "Ma prime Rénov’ (dispositif d’aide calculée en fonction des revenus, ndlr), c’est deux milliards. Mais pour rénover un appartement ou une maison il faut des sommes beaucoup plus élevées. Oui à la loi climat, on est pour, mais cela concerne 48 % du parc locatif et que va-t-on dire demain à un locataire ? Monsieur, il faut partir, votre propriétaire vend parce qu’il ne peut pas payer les 30 000 ou 35 000 euros de travaux. Il faut accompagner la loi climat, il ne faut pas qu’elle soit punitive".

Cyril Messika et William Siksik FNAIM 06 ©S.G

D’autant que la rénovation ne concerne pas les seuls appartements. Il faut aussi prendre en compte l’immeuble, avec la façade, le toit et les éventuelles coursives à rénover et isoler. "Il y a un double travail, au niveau de la copropriété et au niveau de l’appartement. Certains diront que c’est la double peine", précise Cyril Messika, qui demande d’aider fiscalement les bailleurs afin d’éviter la baisse des investissements locatifs, ce qui pourrait se traduire par une réduction significative du parc privé locatif pour les actifs. L’inquiétude est aussi palpable du côté du bâtiment et des travaux publics. Le président de la FBTP06, Patrick Moulard, a souligné lundi face aux médias que le secteur avait globalement tenu le choc dans le département, même s’il a dû faire face à la crise sanitaire et doit toujours composer avec la pénurie de matériaux et la hausse vertigineuse des prix de l’énergie.

Premier poste de dépenses

Patrick Moulard et Pierre Mario FBTP06 ©S.G

Il s’inquiète aussi de "l’appropriation anticipée de la notion de ‘zéro artificialisation nette’ (ZAN)", inclue dans la loi climat et résilience et qui prévoit une division par deux du rythme d’artificialisation des sols dans les dix ans avec un objectif de zéro artificialisation nette en 2050. "Le principe c’est qu’on ne doit pas construire si l’on n’a pas déconstruit", résume Patrick Moulard. "Cette ZAN nous fout la trouille", confie Pierre Mario, vice-président de la FBTP06. "On n’est pas là pour bétonner, on est là pour construire des logements", défend Patrick Moulard, qui s’inquiète surtout de la décision de la Métropole Nice Côte d’Azur de vouloir l’appliquer "tout de suite". "2050, ce n’est pas demain, essayons de travailler avec les acteurs économiques. Il faut accompagner", plaide-t-il. Patrick Moulard a donné des chiffres inquiétants à propos de la construction de logements neufs dans les Alpes-Maritimes : à fin novembre 2021, elle était en baisse de 26% sur un an et de 37% sur deux ans. Il va jusqu’à évoquer une "crise de l’offre à un niveau inquiétant, au détriment de tous les types de logements".
À un peu plus de deux mois de l’élection présidentielle (10 et 24 avril), l’heure est à la mobilisation et les professionnels de l’immobilier et de la construction ont décidé d’interpeller les candidats en faisant, chacun dans leur domaine, des propositions. "L’idée, c’est qu’ils apportent des solutions au logement", explique William Siksik.
"Bizarrement, le logement n’est pas au cœur de leurs préoccupations. Pourtant c’est le premier poste de dépense" des ménages, souligne Cyril Messika.

FNTP : Une feuille de route "climat" pour les candidats


Pierre Mario a dévoilé que les résultats d’une étude de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) serait présentée, le 24 février au cours d’un forum, aux candidats à l’élection présidentielle, sous la forme d’une feuille de route avec neuf priorités d’actions pour le climat. L’étude a été "menée il y a quelques semaines", impliquant "200 experts au niveau national et international pour essayer de trouver des pistes" à partir d’un constat chiffré : construire les infrastructures ne représente que 3,5 % des émissions carbone alors que leur utilisation représente 50 % de ces émissions. "Les candidats nous ont donné leur accord mais il en manque encore un…", a confié le vice-président de la FBTP06. "Ils seront interrogés sur neuf points. Ces neuf points sont des pistes à la fois pour accélérer la transition écologique et énergétique mais également pour ne pas oublier la
partie économique des choses
".

9 priorités d’action réparties dans quatre grands objectifs

>> Premier objectif : Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
- Action n°1 : Établir un plan d’investissement pour réduire les émissions avec une part significative portant sur les infrastructures (…).
- Action n°2 : Adapter le mix énergétique pour poursuivre la décarbonation de la production énergétique (…).
>> Deuxième objectif : Pour restaurer les milieux naturels
- Action n°3 : Engager un plan de restauration des milieux pour favoriser la biodiversité et la captation de CO2.
>>Troisième objectif : Pour adapter les territoires face aux changements climatiques
- Action n°4 : Lancer rapidement un programme national d’anticipation des risques climatiques (…).
>> Quatrième objectif : Pour accélérer la réussite de ces actions
- Action n°5 : Assouplir le cadre budgétaire européen pour faciliter les investissements (…).
- Action n°6 : Définir une programmation des investissements au niveau national et déterminer les modalités de leur déclinaison locale.
- Action n°7 : Déterminer les sources de financement nécessaires et les outils mis à la disposition des acteurs locaux.
- Action n°8 : Faire de la commande publique un levier de la transition écologique.
- Action n°9 : Accélérer les procédures et rationaliser les voies de recours des projets à utilité environnementale.

Les priorités de la FNAIM pour le prochain quinquennat

À travers 19 propositions, la Fédération nationale de l’immobilier souhaite "réconcilier politique de l’offre et lutte contre l’artificialisation des sols", "instituer les conditions d’une approche globale de la rénovation", "repenser l’immobilier et ses acteurs dans une politique de la ville" et "préserver les capacités d’accession des Français".

Les 19 propositions FNAIM

1 – Imposer dans les PLU ou PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) des zones de densité minimale (…).
2 – Abandonner la politique de zonage qui s’oppose à l’aménagement du territoire.
3 – Revoir la fiscalité locale pour encourager les maires à produire (…).
4 – Dresser une cartographie des immeubles pouvant être surélevés dans les PLU ou PLUi.
5 – Encourager l’investissement locatif dans l’ancien rénové partout sur le territoire.
6 – Créer l’instrument de la reconversion du meublé touristique dans la location (…).
7 – Dresser une cartographie de l’indécence énergétique pour anticiper une pénurie de logements en location.
8 – Concevoir un "Green deal" de l’habitat à l’échelle des intercommunalités.
9 – Faciliter encore le financement de la rénovation des copropriétés.
10 – Faire de la rénovation de l’immobilier de loisirs productif un instrument de promotion touristique.
11 – Créer une police du logement dont les syndics seraient les acteurs.
12 – Consacrer les acteurs du marché de la location comme auxiliaires de la politique du logement (…).
13 – Achever la construction du cadre d’autorégulation de la profession (loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet).
14 – Concevoir un véhicule de restructuration des cellules commerciales de pied d’immeuble (…)
15 – Favoriser le retour des gardiens-concierges, facteurs de cohésion, dans toutes les constructions neuves.
16 – Encourager l’innovation pour développer des offres de prêts plus flexibles.
17 – Créer un produit d’épargne "Logement vert" pour financer la rénovation au moment de la mutation.
18 – Rendre les prêts immobiliers "portables" au moment de la mutation pour préserver les capacités d’emprunt (…).
19 – Simplifier le régime de taxation de la plus-value immobilière (…).


Sébastien Guiné