Emmanuel Raskin : "S’adapter, maîtriser et transmettre, parfois en des temps records"


Droit


25 mars 2022

Le président d’Avocats Conseils d’Entreprises (ACE), Emmanuel Raskin, sera à Nice le jeudi 31 mars dans le cadre d’une formation sur les réformes de la procédure civile.

Cette formation, organisée avec l’Ordre des avocats du Barreau de Nice, aura lieu à la bibliothèque de l’Ordre, de 16h à 18h30.
Dans une longue interview, Emmanuel Raskin évoque le rôle d’ACE, la difficulté d’organiser des formations ou encore les contraintes qui pèsent sur les professionnels de la justice.

Pouvez-vous nous rappeler les principales missions de l’ACE ?

- L’Association, à vocation syndicale, a été constituée en 1992, en vue de la réunion par voie de fusion de l’Association Nationale des Conseils Juridiques fondée en 1972, de l’Association des Cabinets d’Avocats à Vocation Internationale fondée en 1983, de l’Association des Conseils Juridiques Docteurs et licenciés en droit (anciennement dénommée Association Nationale des Avocats-Conseils et Conseils Juridiques Docteurs et Licenciés en Droit) fondée en 1911 et de l’Union Nationale des Conseils Juridiques fondée en 1970.
Depuis sa création, l’ACE s’est employée à défendre les intérêts des avocats en promouvant une vision moderne de la profession, en voulant créer une force de propositions et se positionner comme un interlocuteur reconnu et incontournable auprès des instances de la profession et des pouvoirs publics français, communautaires et étrangers ainsi qu’avec toutes instances internationales, ce afin de sensibiliser ceux-ci aux problèmes propres à l’activité de ses membres.

Comment fonctionne-t-elle ?

- L’ACE est une structure dynamique d’actions et de réflexion pour permettre de trouver des solutions collectives à des problèmes communs, elle élabore toutes propositions et formule tous avis et observations sur tout texte législatif ou réglementaire.
Elle étudie toutes les questions se rapportant à la profession d’avocat et à l’application des textes légaux et réglementaires la concernant. L’ACE est désormais "Avocats, Ensemble’, car elle veut fédérer tous les avocats. On y retrouve également le triptyque "Apprendre, Comprendre et Entreprendre". 
Permettre à tous les avocats de s’épanouir et de construire ensemble l’avenir de notre profession. Nous voulons afficher une image prospective et partager une vision résolument progressiste et humaine de la profession. La dimension entrepreneuriale nous est chère. C’est l’ADN de notre association, c’est une façon d’agir, c’est un moteur qui permet dans les moments les plus difficiles d’avancer, de ne pas rester dans le conservatisme et de s’adapter aux évolutions de la société. L’ACE œuvre ainsi pour que le travail de l’avocat, par son activité de conseil, de représentation et d’assistance, travaille pour une société attractive, entrepreneuriale et juste.

Comment les différentes commissions de l’ACE travaillent-elles ?

- Forte de 31 commissions et de trois sections (section internationale, section jeunes avec l’ACE JA, section formation), l’ACE traite de l’ensemble des matières du droit. Elle est aux côtés des jeunes avocats et forme nos confrères (formation continue) avec la certification QALIOPI.
L’action des sections et commissions est technique, formatrice et politique. Les travaux se matérialisent par des formations, des colloques, des communiqués, tribunes, articles, pétitions, sur le plan national et international. Nos congrès sont l’œuvre de travaux transversaux de nos sections et commissions, avec des tables rondes plénières et des ateliers.
L’ACE publie trois à quatre revues par an comprenant des dossiers d’actualités et l’intervention de confrères, magistrats, autres professionnels du droit, et experts. Le travail se fait souvent, du fait de l’inflation législative et réglementaire, dans l’urgence, tout comme pour nos élus nationaux (Conseil national des barreaux) et ordinaux. Nous voulons être réactifs pour notre profession et le justiciable, au cœur du droit et de la justice.

Comment va s’articuler la formation organisée à Nice le 31 mars ?

- Cette formation va s’articuler autour de la justice civile, notamment sous le prisme des nombreuses réformes adoptées depuis les trois dernières années et de la prospective que l’ACE a soutenue par sa contribution dans le cadre des états généraux de la justice.

La formation continue est essentielle pour les avocats. Quel est le principal défi à relever à l’heure d’organiser une formation ?

- S’adapter, maîtriser et transmettre, parfois en des temps records, vu les réformes qui ne cessent de se succéder avec des mises en vigueur dans des délais extrêmement courts. Rappelons-nous le décret du 11 décembre 2019 de procédure civile qui bouleversa toute la procédure civile avec une entrée en vigueur le 1er janvier 2020 pour la quasi-totalité de ses dispositions. La qualité et la certification sont de rigueur.
 

Les magistrats disent éprouver des difficultés à suivre le rythme effréné des réformes. Qu’en est-il pour les avocats ?

- Nous avons, magistrats et avocats, une réelle volonté d’union et d’entraide sur ce point : ce que nous vivons est une calamité. La tribune des magistrats de décembre 2021 en dit long, la cour des comptes confirme une réelle carence et nous constatons, à nouveau avec un certain désespoir, que la justice n’est pas l’une des priorités des candidats à la présidentielle. Rien que pour la procédure d’appel, 30 réformes en 10 ans, et je passe depuis la loi de programmation de la justice les nombreux décrets d’application qui se sont succédés depuis celui du 11 décembre 2019, pour corriger ou pallier les carences du texte initial, par retouches successives noyées parfois dans des textes dont le titre ne permettait de cerner qu’il y aurait de telles modifications. La profession, via nos élus nationaux, a dû établir tous les modèles d’actes de première instance en 15 jours, dans le doute que les carences du texte d’origine laissaient planer… Et ce n’est pas fini.
 

Les modes alternatifs de règlement des différends (MARDS) ont actuellement le vent en poupe. Est-ce une bonne chose selon vous ?

- Oui, à la condition qu’ils ne servent pas à pallier la carence budgétaire de la justice et le libre accès au droit et au juge dont doit bénéficier tout justiciable.
Le consensualisme doit être la règle en la matière, pas l’obligation d’y recourir à peine d’irrecevabilité de la demande.
 

De quoi la Justice a-t-elle le plus besoin pour mieux fonctionner ?

- De moyens humains, matériels et budgétaires adaptés à ses besoins ! Nous avons, n’étant pas dupes sur ce souhait relevant quasiment de l’utopie (plus de 30 ans que la demande perdure sans succès), émis des propositions sérieuses et réalisables pour que la justice civile trouve moyen de s’améliorer, sans multiplier les réformes processuelles à outrance pour dissuader le justiciable et l’avocat d’y recourir. Des dossiers dont l’instruction est clôturée devant certains tribunaux judiciaires peuvent se voir fixer une date de plaidoirie à plus d’un an ! Idem devant certaines cours d’appel. Entre temps, il ne se passe rien… Les juges n’en peuvent plus. Imaginez les parties … leurs avocats respectifs… Est-ce décemment audible et appréhendable pour le justiciable ? Non, alors que de son côté, ses conseils sont astreints à des délais de rigueur avec des sanctions couperet susceptibles de mettre définitivement fin à l’instance. Que la future majorité présidentielle s’en préoccupe réellement, pas uniquement avec des mots.
"Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole", écrivait Confucius.
Propos recueillis par S.GUINÉ

PROGRAMME FORMATION - "Réformes et procédure civile : constats et prospective"


Jeudi 31 mars 2022 de 16h à 18h30 à la bibliothèque de l’Ordre des Avocats du Barreau de Nice - 19, rue Alexandre Mari à Nice

- Introduction par Madame la Vice-Bâtonnière Cécile SCHWAL et Monsieur Emmanuel RASKIN, avocat au Barreau de Paris Président national de l’ACE, Avocats Ensemble
- Décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 relatif à la procédure d’injonction de payer, aux décisions en matière de contestation des honoraires d’avocat et modifiant diverses dispositions de procédure civile, par Nicolas BOULLEZ, avocat au Barreau de Paris
- La concentration, une solution pour la justice civile ?, par Martin
PLISSONNIER,
Docteur en Droit
- MARD obligatoires, moyen dévoyé du fardeau judiciaire ? par Hedwige
CALDAIROU
, avocat au Barreau de Paris, coprésidente de la Commission Extrajudiciaire des Litiges Réglementés de l’ACE
- Les états généraux de la justice et le procès civil, prospective, problématiques et contribution ACE, par Emmanuel RASKIN, avocat au Barreau de Paris

La formation sera suivie d’un moment d’échanges et de partage autour d’un verre de l’amitié.

Inscriptions par email : [email protected]


Sébastien Guiné