De l’eau dans le gaz à tous les étages...


Economie


8 avril 2022

L’edito hebdo de JM Chevalier pour bien finir la semaine !

Si le "en même temps" se conjugue assez facilement dans les domaines économiques et sociaux qui sont tout en subtiles nuances, il ne s’accorde pas vraiment avec le temps de guerre qui exige au contraire des positions carrées.
Ainsi ne peut-on "en même temps", par des sanctions, tordre le bras à la Russie et espérer qu’elle continuera à être aimable avec notre Europe qui essaie ne pas être entraînée dans la guerre, mais qui veille surtout à ne pas se faire trop de mal à elle-même par ses propres audaces.
Si on livre des armes aux Ukrainiens, nous nous gardons bien de participer aux combats par crainte d’une apocalypse nucléaire. Si on met sous embargo des pans de l’économie russe, nous continuons à lui acheter du gaz parce qu’on a peur d’avoir froid l’hiver prochain. Et si l’on crie très fort contre l’invasion, nous peinons à fermer les entreprises - surtout françaises - installées à Moscou et ailleurs dans le nouvel empire du Mal. Parce que ce ne serait bon ni pour les employés russes qui ne sont en rien responsables de la situation, ni peut-être et surtout pour les actionnaires de ces enseignes, qui restent bien au chaud à l’Ouest en maudissant chaque jour davantage cette guerre à nos portes empêchant de faire du business "as usual".

Notre position est pour le moins ambiguë.

Nous sommes comme un boxeur tournant autour de son adversaire, lui portant des coups, mais sans oser lui asséner l’uppercut fatal qui lui fera mettre un genou à terre. Une abstinence de gaz russe couperait à Poutine le financement de cette guerre. Mais nous n’avons pas la force morale et politique de tenter son K.O. économique car nous savons trop ce que cela coûterait à nos pays occidentaux, à nos nivaux de vie. Nos dirigeants qui évoluent sur le fil d’un rasoir, se doutent que les opinions publiques ne supporteraient pas d’avoir mal, même pour une "bonne" cause comme celle-ci.
Le Kremlin sait tout cela. Il espère que le temps jouera en sa faveur, que les Européens jusqu’à présent unis sur les principes se sépareront sur le chapitre des intérêts respectifs de leurs pays. Les Américains n’ont pas ces états d’âme : ils ont du gaz et du pétrole à ne plus savoir qu’en faire, la guerre se trouve si loin de chez eux que, sans dimension nucléaire, elle ne les concernera qu’à l’heure des infos télévisées. Comme une nouvelle série, plus sanglante que palpitante, dont les saisons risquent bien de s’éterniser...


Jean-Michel Chevalier