Daniel Benoin : "les choix que l’on a faits étaient les bons"


Culture


22 avril 2022

Rencontre avec Daniel Benoin avant le lancement de la nouvelle saison !

Le directeur d’Anthéa (Antipolis Théâtre d’Antibes) revient sur les mois de pandémie mais aussi sur les 10 ans du théâtre, activement préparés et qui seront fêtés en avril 2023.

Comment va le théâtre Anthéa après cette période compliquée ?

- Je crois qu’on ne peut pas se plaindre. Au début les gens ne demandaient pas trop à se faire rembourser. Mais au fur et à mesure, ils se sont beaucoup plus fait rembourser, ce qui est normal. Entre octobre 2020 et fin mai 2021 on a quand même remboursé 125 000 places. Il y avait une sorte de malheur qui s’installait, que je voulais transformer dès qu’on a pu jouer. J’ai rajouté des spectacles et j’ai fait quelques spectacles gratuits, ce que je n’avais jamais fait, pour que les gens reviennent au théâtre. C’était quand même au bout de 15 mois sans théâtre donc on était face à quelque chose qui pouvait être extrêmement dangereux pour le théâtre parce qu’on peut aussi perdre l’habitude d’y aller. On a eu beaucoup de spectacles dès juin et juillet, à la sortie des confinements, et beaucoup de spectacles très grand public à la rentrée. Finalement, les gens sont revenus. Ceux qui ne se sont pas réabonnés ont quand même acheté des places.
Je reste profondément partisan de l’abonnement parce que cela permet à des gens de voir des choses qu’ils ne seraient pas aller voir autrement. On a eu une rentrée plutôt agréable, en sachant surtout que ce n’était pas le cas ailleurs. Les théâtres ont beaucoup souffert en début de saison.
Les choix que l’on a faits étaient les bons.

Comment avez-vous été soutenus par les mécènes et les partenaires ?

- Une partie de leur apport est un apport en billets donc on les a remboursés de la même manière qu’on a remboursé le public. L’autre partie, on l’a gardée. On a proposé de rembourser mais on a eu un soutien réel de la part du club Le Carré. Cette partie n’a pas été demandée par les mécènes. Le club a neuf ans cette année, il est né en même temps que le théâtre. Je remercie tout le Club Le Carré d’être avec nous. J’ai toujours voulu que la structure socio-économique soit partie prenante du théâtre que je dirigeais. J’ai commencé cela en 1967. Le théâtre est un art éphémère et il est beaucoup plus compliqué de convaincre des entreprises. Il me semblait capital que ces entreprises soient avec nous, pas seulement financièrement mais aussi moralement, que le théâtre soit toujours un lieu de rendez-vous pour ces entreprises. Bien sûr, cela a une certaine incidence économique mais le plus important c’est la présence de ce tissu socio-économique dans le théâtre. Cela montre que le théâtre n’est pas un endroit fermé mais au contraire un endroit ouvert à tous. Il s’appelle Le Carré en référence au Fort Carré d’Antibes et aussi parce que ce bâtiment a été inspiré aux architectes par le Fort Carré.

Anthéa fait partie des théâtres français les plus fréquentés. Comment l’expliquez-vous ?

- La saison 2018/2019 on avait près de 140 000 spectateurs. Et pour la saison 2019/2020, on avait quand même 14 000 abonnés. On avait beaucoup de monde qui venait. On a eu une progression extrêmement rapide. J’ai travaillé pendant très longtemps comme directeur de théâtres nationaux et les théâtres nationaux ont des règles très précises, en particulier celle qui consiste à dire que l’art dramatique doit représenter 90 % de la programmation. Aujourd’hui je crois que le spectateur a envie de voir du spectacle vivant mais pas uniquement du théâtre. Ici, le théâtre représente à peu près 50% de la programmation.
À côté, il y a de la danse, de l’humour, des concerts, des opéras… des formes qui sont très demandées par le public sans que ce soit vraiment exprimé. Anthéa est un théâtre public, subventionné, mais pas national. Ici il y avait la possibilité de faire une autre programmation, quelque chose de plus large. C’était formidable aussi parce que c’était la première fois de ma vie que je dirigeais un théâtre et que j’étais celui qui inaugurait le théâtre en question. Il m’est arrivé une chose qui ne m’était jamais arrivé auparavant : choisir le personnel. C’est une chose importante. Beaucoup de gens n’avaient pas d’expérience de théâtre. J’étais leur directeur et une sorte de mentor en même temps. Il y a des gens qu’on est venu chercher. Cela prouve qu’on a réussi.

Qu’est-ce que vous pouvez dire sur les dix ans ?

- Rien… (rires). Les 10 ans, c’est l’année prochaine. Ce sera à partir du 6 avril puisque c’est le jour de l’ouverture du théâtre. Et on ira jusqu’en juin. On aura deux mois de manifestations et de surprises. On avait sorti un livre pour le cinquième anniversaire, on ressortira un livre pour le dixième, c’est sûr. Il y aura par exemple le tout nouveau spectacle de Zazie, qui sera créé et répété ici. C’est un spectacle qui sera formidable, en juin 2023. Il y aura bien d’autres choses.
La saison prochaine commencera le 14 septembre et elle sera annoncée au Club Le Carré le 2 mai et le 16 mai au public.

Quels événements vont marquer la fin de cette saison ?

- Elle est marquée par la réussite du spectacle L’Avare, que l’on joue à Paris depuis le 15 janvier et qui est prolongé au moins jusqu’au 15 mai. C’est une vraie réussite grand public, avec beaucoup de monde. La deuxième chose c’est que je vais créer le 26 avril la pièce Disgrâce avec Sami Bouajila et Alice Pol, qui est une pièce formidable, très forte. Ce n’est pas une pièce drôle mais elle parle de ce qu’on est aujourd’hui. Cela se passe à New York après le 11 septembre. Les personnages sont laïcs mais de quatre origines différentes. L’histoire, qui est plutôt heureuse au départ, devient une histoire terrible. Cela parle du racisme, de l’assimilation impossible. Ces deux moments montrent qu’Anthéa est avant tout un lieu de créations.

Comment arrivez-vous à concilier les activités de directeur de théâtre et de metteur en scène ?

- J’ai commencé très jeune… C’est un peu lourd mais c’est passionnant. J’ai toujours accepté l’idée de diriger un théâtre en même temps mais je me considère avant tout comme un metteur en scène. C’est vraiment ma passion. La direction d’un théâtre doit aussi permettre au metteur en scène de mieux exister. C’est un choix de vie, qui est un peu plus compliqué quand on est marié et qu’on a des enfants. Aujourd’hui, les metteurs en scène n’ont pas forcément très envie de diriger un théâtre, ce qui est très dommage. Il vaut mieux qu’un théâtre soit dirigé par un artiste que par un administratif, qu’il soit dirigé depuis la scène, pas depuis les bureaux. Et il devrait y avoir des lieux où on forme les nouveaux directeurs.

Propos recueillis par Sébastien GUINÉ

Club Le Carré : De l’importance du tissu économique local


Dans tous les théâtres qu’il a dirigés, Daniel Benoin a toujours souhaité pouvoir compter sur un collectif de mécènes et de partenaires. En plus de l’intérêt financier pour le théâtre, il y voit une ouverture, une passerelle indispensable entre le monde culturel et le monde économique. C’est ainsi que Frédérique Saphores-Baudin (responsable du Mécénat & Partenariat du Club Le Carré) avait orchestré et organisé il y a neuf ans, avant même l’ouverture du théâtre, une conférence thématique intitulée "Mécénat et partenariat culturel, comment valoriser votre entreprise ?", avec le concours de la CCI Nice Côte d’Azur, de l’UPE06, du club des dirigeants de Sophia Antipolis et du club Business 06.
Depuis 2013, l’activité du club Le Carré a permis au théâtre de générer plus de 2,9 millions de recettes supplémentaires.

Les avantages pour les membres du Club Le Carré  :
- Le lancement de la saison en avant-première ; des places situées à l’orchestre avec des porte-billets nominatifs ; un cocktail dinatoire avec les artistes et les équipes après les spectacles ; un espace privatisé avec une mise en avant de l’entreprise ; des rendez-vous en marge des spectacles (participation aux répétitions, visites privées des coulisses et des dessous de la scène…) et l’organisation d’événements : réunion, assemblée générale, soirée privée… avec privatisation des salles et des terrasses d’Anthéa.

Il y a trois types de mécénat : les Mécènes protecteurs (5 000 euros et plus, net de TVA), les Mécènes bienfaiteurs (2 500 euros et plus, net de TVA) et les Mécènes donateurs (1 200 euros et plus, net de TVA). Avec le mécénat, 60 % de la somme est prise en charge par l’État pour une société, 66 % pour un particulier.
Il y a trois types d’investissement pour les partenaires : J’aime (3 000 euros HT), J’aime beaucoup (6 000 euros HT) et J’aime passionnément (8 000 euros HT). Avec le partenariat, 33,33 % de la somme est prise en charge par l’État pour une société.
La nouvelle saison, 2022-2023, qui célèbrera les 10 ans du théâtre et du Club Le Carré, sera annoncée le lundi 2 mai en exclusivité aux membres du club.
Pour les inscriptions, contacter Frédérique Saphores-Baudin, responsable Mécénat & Partenariat. Par mail [email protected] ou au 04 83 76 13 22.


Sébastien Guiné